logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

LA VISION COLLECTIVE DU COACHING

Enquête | publié le : 08.04.2014 | NICOLAS LAGRANGE

Les 80 managers de Cisco France ont travaillé sur leurs comportements dans le cadre d’un parcours de formation de longue haleine. En appliquant notamment la méthode du co-coaching.

En septembre 2009, dans un contexte de crise et d’incertitudes, la direction de Cisco France acquiert la conviction que, pour mieux atteindre ses objectifs business, pour être plus agile à l’avenir, il faut agir sur les comportements. Car l’équipementier réseaux et serveurs a une organisation et des process cadrés, mais a besoin d’embarquer davantage ses managers.

« Nous avons sollicité l’Ifas (Institut français d’action sur le stress, NDLR) pour organiser un transfert de compétences des consultants vers nos managers, afin de changer les comportements en profondeur et durablement, explique Hélène Sancerres, directrice de la conduite du changement et du coaching. Avec de fortes résistances, parce qu’il faut accepter de mettre de côté la culture du résultat (objectif, exécution, bonus), d’investir du temps sur plusieurs années et d’encourager la prise de risques en admettant le droit à l’erreur. »

Première étape du parcours : plusieurs journées de séminaire, à intervalles réguliers, avec les 14 membres du comité de direction puis avec le reste des managers. « Nous avons échangé sur le diagnostic, le fonctionnement collectif, les objectifs business, les écarts à combler, en consolidant pas à pas chacune de ces phases », détaille Éric Albert, psychiatre, coach et fondateur de l’Ifas.

Motivations et freins

Quatre comportements prioritaires émergent : agir en équipe, participer à l’action collective, passer des relais et prendre des risques, qui impliquent de travailler sur les motivations et sur les freins, collectifs et individuels.

Trois fois par an, l’Ifas a sensibilisé les managers et les a formés au coaching avant de mettre en place un co-coaching. Deux managers de même niveau, qui ne travaillent pas dans la même activité, se voient durant une heure et demie toutes les six à huit semaines. À tour de rôle, chacun expose ses problèmes, l’autre écoute et livre sa vision.

« J’étais beaucoup dans l’affect, j’avais du mal à accepter que tout le monde ne bouge pas au même rythme, contrairement à mon co-coach, lui aussi au codir, raconte Magdeleine Bourgoin, directrice des comptes stratégiques. Il m’a donné sa grille de lecture, ce qui m’a aidée à relativiser, à dépasser les ressentis, à questionner davantage mes collaborateurs. Et lui a travaillé son empathie. L’exercice a été très bénéfique, au plan professionnel mais aussi personnel. Je suis plus curieuse, j’ai développé un autre regard. » Même si quelques binômes n’ont pas aussi bien fonctionné. Pour Éric Albert, « c’est loin d’être évident, l’apprentissage est long, parce qu’il faut se situer dans l’écoute, dans la compréhension de l’autre, en évitant de se poser en conseiller ».

Des pistes d’évolution

Les membres du comex ont ensuite effectué des séances de coaching individuel avec les managers de leur équipe, à raison d’une heure toutes les quatre à six semaines, pour évoquer leurs pistes d’évolution personnelle respectives et travailler en face à face avec chacun d’eux sur les comportements prioritaires à promouvoir. « Il faut analyser les retours d’expérience, identifier les freins et fixer des indicateurs de prise de risque, de lâcher-prise, adaptés à chacun, expose Hélène Sancerres. Ce qui amène, par exemple, à laisser davantage la main au collaborateur. » Les cadres dirigeants ont également eu un retour de leurs pairs sur leurs forces et faiblesses respectives (cross-évaluation comportementale), mais c’est le fondateur de l’Ifas qui en faisait la synthèse et formulait l’expression des non-dits et des attentes de progression.

Des ateliers participatifs

Pour partager les nouveaux éléments de langage managérial avec l’ensemble des salariés et consolider les effets de la démarche, trois ateliers participatifs ont été organisés sous forme de forum thématique au siège (Issy-les-Moulineaux), accessibles sur les supports collaboratifs. Les idées les plus suivies débouchant ensuite sur la mise en œuvre d’initiatives, avec un suivi à garantir dans le temps.

« Les résultats de l’ensemble de ces dispositifs sont probants, assure Hélène Sancerres. Les managers ont construit une communauté, sont plus réactifs et davantage dans l’entraide, ce qui a d’ores et déjà permis de gagner des affaires plus importantes. » Certains d’entre eux ont même prolongé leur compétence en coaching en suivant une formation plus avancée. Cisco France a aussi introduit un critère de collaboration dans la grille d’évaluation managériale. « Ce critère n’est pas suffisamment mis en avant dans les entreprises, alors qu’il devrait être prépondérant, estime Éric Albert. Les managers de Cisco acceptent désormais l’idée que leur outil de travail, c’est eux-mêmes, et s’interrogent plus systématiquement sur les effets de leur management et de leurs décisions. » La persévérance du fabricant de matériel informatique dans sa démarche managériale depuis 2009, à l’opposé d’une initiative ponctuelle, serait le gage de son efficacité.

CISCO FRANCE

• Activité : technologies d’information et de solutions de collaboration.

• Effectif : 1 200 salariés.

• Chiffre d’affaires monde : 49 milliards d’euros en 2013.

Auteur

  • NICOLAS LAGRANGE