L’idéologie techniciste fait la quasi-unanimité à droite comme à gauche. L’innovation est, de manière consensuelle, perçue comme la clé de la croissance, c’est-à-dire du bonheur futur. Comme si le choix consistait entre accepter la technique et le progrès ou les refuser et se ranger du côté de l’obscurantisme.
L’idée sous-jacente à cette rare entente entre les opposants politiques est que la technique ne serait qu’un moyen neutre au service de fins humaines que nous resterions libres de déterminer pour peu que nous ne rations pas l’opportunité que nous offrent la science et le progrès technologique.
Pour l’auteur, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Bourgogne, ce présupposé est largement erroné, dans la mesure où l’évolution des techniques restructure en permanence le champ social, c’est-à-dire détermine les conditions d’existence des groupes humains de telle sorte que la résistance à telle ou telle évolution technique n’est, au fond, qu’un avatar des multiples négociations sociales qui se jouent en permanence dans le champ socio-économique.
Reprenant l’histoire des critiques faites au fil de l’histoire aux avancées technologiques, il réexamine de facto ces enjeux sociaux et met en évidence le fait que le credo actuel relatif à l’innovation n’est pas simplement un parti pris scientifique et technique “éclairé”, mais qu’il correspond à des choix sur le plan des valeurs. Cette approche lui permet également de questionner cette sorte de course à l’information qui, par le biais d’outils de plus en plus rapides, nous entraîne tous dans un rythme de vie qui semble s’accélérer de manière frénétique.
Technocritiques
François Jarrige, La Découverte, 420 pages, 28 euros.
