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Management éthique et responsable : cinq défis majeurs

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 11.03.2014 | Jacques Brouillet

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Management éthique et responsable : cinq défis majeurs

Crédit photo Jacques Brouillet

Parmi les risques nouveaux auxquels les entreprises seront confrontées en 2014, plusieurs relèvent d’une mauvaise maîtrise de règles juridiques ou du détournement de certaines d’entre elles.

En effet, on a progressivement perdu de vue la finalité du droit, qui vise principalement à favoriser l’harmonisation des relations sociales. Et on est loin de l’invocation de Lacordaire pour qui le droit protège le faible contre le fort, alors qu’une complexification incessante de la législation profite surtout à ceux qui ont les moyens de recourir aux “meilleurs” (?) juristes pour réaliser leurs objectifs et optimiser leurs profits. C’est pour cela qu’il faut passer du concept du respect de la règle à celui du respect de sa finalité. C’est d’ailleurs à cette approche que nous invite la CJUE (Cour de justice de l’Union européenne) en faisant une analyse téléologique des textes.

Parmi “les risques en voie de développement”, une priorité revient sans doute aux risques psychosociaux. Nul ne peut plus ignorer, en effet, la réalité des pathologies liées à une dégradation, perçue ou vécue, des conditions de travail.

Or il convient de souligner par ailleurs le risque accru de la mise en cause de la responsabilité civile et pénale du dirigeant et/ou des managers, sans oublier la responsabilité pénale de la personne morale : le concept de “faute inexcusable” est désormais fréquemment évoqué, en s’appuyant sur celui de l’“obligation de sécurité de résultat”, et l’indemnisation des préjudices augmente singulièrement dans un tel cas et s’enrichit (si on ose le dire) des notions récemment dégagées par la jurisprudence, relatives au “préjudice d’angoisse” (affaire de l’amiante, Cass. Soc. 11 mai 2010, n° 09-42241) ou au “préjudice d’attente” (affaire SNCF et Car Scolaire, tribunal Correctionnel de Thonon les Bains, 26 juin 2013).

Cela ne peut qu’inciter à porter une plus grande attention au rôle croissant et aux moyens importants du CHSCT pour engager des procédures judiciaires et/ou faire intervenir des experts.

Un regard particulier doit être porté à l’avenir sur le concept de “volontariat” : qu’il s’agisse du développement inquiétant des plans de départs volontaires ou de celui du recours à la procédure de la rupture conventionnelle, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur le caractère réellement volontaire de la plupart de ces consentements ; il en est de même du recours au volontariat pour le travail de nuit ou du dimanche ainsi que pour le télétravail. Et on peut s’inquiéter du nombre de salariés devenant autoentrepreneurs pour poursuivre leur activité avec leurs anciens employeurs; autant de situations pour lesquelles la notion de “volontariat contraint” semblerait plus adaptée.

La remise en cause du statut de salarié est un autre domaine sur lequel il faudra se pencher davantage : il s’agit du recours des entreprises à une pratique qui semble être devenue un sport national (et international) et très souvent un détournement de la loi et de sa finalité, entraînant un risque de requalification en contrat de travail à temps plein et/ou à la sanction pénale pour travail dissimulé. Sont ainsi dans le collimateur : les CDD souvent utilisés comme fausse période d’essai, si ce n’est un contrat d’intérim, les contrats de “stage” à durée limitée pour éviter le seuil de rémunération obligatoire, les “embauches” en qualité de free-lance ou dans le cadre d’un (faux) contrat de prestation de services, les contrats de sous-traitance qui ne sont en réalité trop souvent que des contrats de prêt de main-d’œuvre, etc.

S’il n’est pas rare de constater aujourd’hui que des salariés ignorent quel est, en fait, leur véritable employeur dans l’entrelacs de divers contrats, la jurisprudence s’attache de plus en plus à déclarer une situation de co-employeur, ce qui permet de condamner les deux entreprises in solidum. (Affaire des Conti, conseil des prud’hommes Compiègne, 30 août 2013, n° 11-00319)

En bref, toutes ces observations ne peuvent qu’inviter à contrôler davantage la mauvaise maîtrise de droit et/ou son détournement (intentionnel ou non).

Il convient plus que jamais de considérer le droit comme un outil de gestion et non comme un carcan. De même, il faudrait savoir revaloriser le contrat de travail, en lui redonnant son caractère synallagmatique et un contenu plus explicite, permettant une coopération transparente et équilibrée, car c’est la source d’une harmonisation salutaire des relations sociales.

Auteur

  • Jacques Brouillet