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Les entreprises misent avec prudence sur les jeunes à l’international

Actualités | publié le : 11.03.2014 | ÉRIC DELON

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Les entreprises misent avec prudence sur les jeunes à l’international

Crédit photo ÉRIC DELON

Pour les jeunes diplômés qui, de plus en plus nombreux, manifestent leur désir de mener une carrière à l’international, l’intégration professionnelle reste un chemin semé d’embûches.

Ils sont prêts à l’exil. Le sondage Deloitte-Ifop publié le 24 février dernier l’atteste : 27 % des jeunes diplômés français recherchant un emploi « envisagent leur avenir à l’étranger » (1). Une tendance nettement à la hausse, puisqu’ils n’étaient que 13 % l’an dernier à songer à effectuer « une meilleure carrière à l’étranger ».

Phénomène conjoncturel ou tendance de fond ? Selon le ministère des Affaires étrangères français, si 180 000 jeunes hexagonaux partent chaque année à l’étranger (formation, échanges sportifs ou culturels, stages, projets associatifs, volontariat…), 80 % d’entre eux reviennent à l’issue de cette (première) expérience internationale. « Ce type de sondage est classique en temps de basses eaux économiques. La crise économique mondiale qui s’est déclenchée en 2007 n’a pas épargné les jeunes diplômés dans leur démarche d’insertion professionnelle », analyse Yves Girouard, président du Cercle Magellan et directeur du mastère spécialisé “gestion des ressources humaines et de la mobilité internationale” d’Arts et Métiers Paris Tech.

Localisation des compétences

Cette “envie d’ailleurs” exprimée par les jeunes talents français est-elle, pour autant, susceptible de trouver un débouché professionnel crédible auprès des entreprises françaises (ou étrangères) présentes à l’international ? « Attention aux mirages, poursuit Yves Girouard. Depuis une dizaine d’années, ces dernières, pour des raisons de coût, ont réduit la voilure en termes d’expatriation et largement (re) localisé leurs compétences. Les jeunes locaux sont de mieux en mieux formés et, surtout, coûtent moins chers que leurs homologues français, aussi talentueux soient-ils, notamment dans les pays peu développés ou émergents. Par ailleurs, les marchés locaux de l’emploi se sont dégradés ces dernières années sous l’effet de la crise économique, les gouvernements ayant tendance à durcir leur législation pour favoriser leurs nationaux. »

Démontrer une réelle valeur ajoutée

« Les offres d’expatriation pour les jeunes diplômés sont peu nombreuses, confirme Sylvie Chevrier, coresponsable du master2 GRH et mobilité internationale à l’université Paris-Est-Marne-la-Vallée. Les entreprises préfèrent minimiser les risques et expatrier un cadre confirmé plutôt qu’un jeune, par définition inexpérimenté. Les jeunes diplômés peuvent tirer leur épingle du jeu s’ils possèdent une expertise particulière ou s’ils acceptent de partir dans des destinations lointaines ou aventureuses. »

Interrogées, les entreprises françaises précisent qu’elles sont volontiers ouvertes, à l’international, à des profils de jeunes Français qui viendraient les prospecter directement sur place. À condition de démontrer une réelle valeur ajoutée. « Un jeune diplômé français, localement, va devoir démontrer qu’il possède autant de compétences qu’un local, sinon davantage. Pas facile, d’autant que l’entreprise sait pertinemment qu’elle pourra davantage capitaliser sur un cadre local, moins susceptible de la quitter », explique Alexis de Saint-Albin, directeur du développement international à Humanis, groupe spécialisé dans la protection sociale.

Les entreprises s’intéressent néanmoins à certains parcours de jeune diplômés. C’est notamment le cas de ceux qui parviennent à bénéficier d’une première expérience enrichissante à l’international grâce au dispositif du volontariat international en entreprises. Le VIE – qui concernait 7 616 jeunes diplômés (dans 1 720 entreprises) en 2013 selon Ubifrance – permet d’intégrer une entreprise en amont puis de bénéficier de son soutien logistique et financier (2). « C’est une façon de tester les candidats, une sorte de préembauche. Pour les futurs hauts potentiels, destinés à occuper les postes de direction de l’entreprise, c’est un passage obligatoire », analyse Yves Girouard.

Recrutement de jeunes talents

Ce qui n’empêche pas certains groupes, comme Bouygues Construction, de mettre en place des programmes spécifiques ambitieux. Présent dans 80 pays (55 000 collaborateurs), il vient de clôturer le recrutement de son premier “International Program”, ouvert « à tous les étudiants en dernière année et aux jeunes diplômés ». « L’objectif est de faire découvrir à de jeunes talents nos grands projets à l’étranger », explique Amélie Quidor, directrice du développement des RH dans l’entreprise.

À l’issue de plusieurs étapes de sélection (détection des aptitudes à évoluer dans un contexte international, validation du projet professionnel…), 15 heureux élus (sur des centaines de candidats) viennent donc d’être choisis. Les profils ? « Ils viennent de pays très différents – Japon, Colombie, Espagne… – avec, toutefois, une majorité de Français. Par ailleurs, ils ont suivi des cursus variés tels que des écoles d’ingénieurs, des business schools mais aussi l’université, précise Amélie Quidor. À l’issue de ces missions, qui dureront entre six et dix-huit mois, nous serons ravis de recruter ces jeunes talents s’ils ont démontré de réelles compétences opérationnelles. Pendant toute la durée du programme, ils seront suivis de près par notre service RH, qui les aidera à constituer et à animer une “promo”, bref, un futur réseau. » Chez Schneider Electric (140 000 collaborateurs dans plus de 100 pays), si le VIE demeure une voie privilégiée pour intégrer le groupe (68 en 2013), les jeunes salariés en quête d’expérience internationale peuvent également postuler au programme Marco Polo créé en 2001. « Depuis sa création, 800 collaborateurs ont bénéficié de ce programme, qui permet de travailler jusqu’à près de deux ans hors de son pays d’origine. Au départ ouvert à des candidatures extérieures, nous avons décidé de le “réserver” à nos seuls collaborateurs en 2014, soit 70 postes, explique Nese Goksen, responsable du programme. Les salariés qui peuvent en bénéficier doivent avoir au moins un an d’ancienneté dans l’entreprise et cinq ans d’expérience professionnelle. Chaque salarié conserve son contrat avec sa filiale d’origine, qui nomme un référent chargé d’accompagner notre collaborateur pendant la durée du programme. Même si nous ne promettons pas systématiquement une promotion à l’issue de Marco Polo, les “lauréats’ bénéficient d’une grande considération en interne et sont amenés à occuper des postes éminents au sein du groupe dans les années suivantes »

(1) Enquête réalisée auprès d’un échantillon de 1 005 jeunes, représentatif des diplômés (bac à bac + 5) depuis moins de trois ans.

(2) Instauré en 2000, le VIE permet aux entreprises françaises de confier à un jeune (jusqu’à 28 ans) une mission professionnelle à l’étranger durant une période modulable de six à vingt-quatre mois.

Auteur

  • ÉRIC DELON