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UN ENJEU POUR LES ENTREPRISES EN TEMPS DE CRISE

Enquête | publié le : 04.03.2014 | VIOLETTE QUEUNIET

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UN ENJEU POUR LES ENTREPRISES EN TEMPS DE CRISE

Crédit photo VIOLETTE QUEUNIET

Fidéliser les talents reste une préoccupation majeure pour les entreprises. Prévenir le turnover, mais aussi le désengagement, les conduit à mettre en œuvre des parcours de carrière désormais accessibles à une population plus large que les seuls hauts potentiels.

En période de crise, est-il plus facile de fidéliser les talents ? Rien n’est moins sûr. Fin 2013, la septième édition du baromètre MobiCadres, réalisée par Deloitte France (1) auprès des cadres “décideurs”, montrait qu’un sur cinq avait connu une mobilité interne ou externe, le plus souvent choisie. Avec une nouveauté : la rémunération n’est plus la principale raison qui incite les cadres à bouger, remplacée par « la volonté d’étendre leur champ de responsabilités » et d’évoluer dans leur carrière. « En situation de crise, il y a une pression du résultat hors du commun qui se répercute sur les cadres supérieurs, constate Valérie Rocoplan, directrice du cabinet de coaching Talentis, spécialisé dans le développement du leadership. Mis à rude épreuve, ils peuvent être tentés d’aller voir ailleurs, non pour des raisons salariales mais parce que le sentiment d’appartenance à l’entreprise fait défaut, parce que celle-ci ne prend pas le temps de les accompagner. Il y a une corrélation entre le temps donné pour leur développement et leur fidélisation. »

Les DRH l’ont bien compris : année après année, l’attraction et la fidélisation des talents restent leur préoccupation majeure. C’est ce que constate une étude menée par le Club talent management de l’ANDRH avec le cabinet Féfaur (2) : 63 % des entreprises interrogées considèrent que la gestion des talents est critique pour leur performance.

Un accompagnement à tous les niveaux

Le terme de talents s’est d’ailleurs progressivement imposé à côté de celui de hauts potentiels. Aujourd’hui, l’attention ne se focalise plus seulement sur une élite : « Les talents sont des collaborateurs performants, qui répondent aux attentes de l’entreprise. C’est une approche moins élitiste que celle des hauts potentiels : cela peut correspondre à jusque 80 % de la population », explique Frédéric Oger, responsable talent management d’Altran et coresponsable du Club talent management de l’ANDRH, à l’origine de l’étude. Ce que confirme, par exemple, le directeur du développement des talents de Safran, Gilbert Font : « La détection des talents démarre au niveau le plus opérationnel de la société et se poursuit selon un système pyramidal jusqu’en haut. Toute personne entrant dans une société du groupe est accompagnée, développée et peut aller jusqu’au sommet. »

Pour Jean Pralong, professeur de GRH à Neoma Business School, le fait que les entreprises ne se bornent plus à fidéliser l’élite est une conséquence de la crise. « Le thème de la fidélisation revient pour des raisons de flux tendu. Les entreprises ont tellement dégraissé, restructuré et remis de l’ordre dans leur façon de travailler qu’elles sont arrivées au niveau plancher de l’effectif. La conséquence est qu’une vacance de poste, même de quelques mois, est devenue une vraie préoccupation qui généralise la question des talents. »

L’expérience, un avantage concurrentiel

Désormais, il ne suffit plus de recruter, il faut retenir les collaborateurs expérimentés. « Dans une économie incertaine, l’entreprise qui a les effectifs les plus productifs a un avantage concurrentiel. D’où l’intérêt de ne pas laisser partir les talents, au risque de se retrouver avec un déficit d’expérience dans son entreprise par rapport à son compétiteur », expose Vincent Belliveau, directeur Europe, Moyen-Orient, Afrique de CornerstoneOnDemand, une société proposant des solutions logicielles de gestion des talents.

Pour fidéliser les talents, il faut les motiver et leur offrir des perspectives. Le trio formation-conduite de projet-coaching reste un classique dans les grands groupes (lire p. 26). Le turnover de ses jeunes cadres a ainsi conduit Havas Media à concevoir pour eux un programme de développement sur mesure en partenariat avec l’université Dauphine (lire p. 24). Toutes les fonctions de l’entreprise peuvent y prétendre, y compris les créatifs. C’est aussi une conséquence de l’élargissement des talents, observé par Françoise Dany, professeur à l’EM Lyon Business School (lire l’entretien p. 27) : les compétences managériales ne sont plus les seules privilégiées. Selon Gilbert Font, Safran valorise autant l’expert que le manager : « Le talent d’expert est complètement intégré dans le parcours de développement des dirigeants », indique-t-il. Certaines entreprises font preuve d’inventivité, tel Boccard qui fidélise un vivier externe (lire p. 24).

À Altran, qui a mis en place un parcours de carrière, « la fidélisation est une résultante de la politique de management des talents. Notre problématique prioritaire est davantage la notion d’engagement », note Frédéric Oger. Le risque de désengagement est aussi problématique que celui du turnover, constate Françoise Dany : « Les entreprises ont besoin de collaborateurs présents et mobilisés sur leur poste. La notion de gestion des talents se situe dans la droite ligne de l’empowerment. »

Une vision plus large et transversale

L’élargissement de la vision des talents n’est pas sans impact sur les processus RH. L’approche transversale tend à être privilégiée. « Au lieu de l’approche par silo – recrutement, formation, gestion des carrières –, les entreprises ont tendance à avoir une vision plus large et transversale, car la gestion des talents englobe à la fois l’attraction, l’identification, le développement et l’engagement des talents », constate Frédéric Oger.

La fonction de responsable talent management fait son apparition. Celui-ci veille notamment à organiser des parcours de carrière et à les rendre visibles. L’implication des managers dans le processus de gestion des talents est un autre de ses rôles clés. Interrogées dans l’étude ANDRH Féfaur sur les facteurs de succès d’une politique de gestion des talents, les entreprises mettent en avant le partenariat des RH avec le management.

A contrario, le désintérêt du management (surtout de haut niveau) est considéré comme un frein majeur, de même que le manque de moyens (ressources humaines et financières) dédiés à la gestion des talents.

Or, en période de difficultés économiques, les entreprises ont besoin de garder leurs talents, mais en auront-elles les moyens ? Comme le constate Valérie Rocoplan : « Les grands groupes n’ont pas diminué leurs investissements sur les talents, mais ils restent focalisés sur les hauts potentiels. »

1) Enquête menée auprès de 5700 cadres.

2) “Bilan et perspectives de la gestion des talents dans les entreprises en France”, étude de mars 2013 auprès de 300 grandes entreprises françaises.

L’ESSENTIEL

1 La rétention des talents fait partie des priorités des DRH. La crise a réduit les effectifs, rendant problématique un turnover excessif.

2 La gestion des talents s’est élargie. Les entreprises ne se focalisent plus seulement sur les hauts potentiels. Dans un environnement économique très compétitif, elles valorisent un vivier plus large.

3 Les services RH s’adaptent avec l’apparition d’une fonction transversale : le responsable du management des talents.

Auteur

  • VIOLETTE QUEUNIET