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BrésilRUSH SUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE

Pratiques | International | publié le : 18.02.2014 | STEVE CARPENTIER

Le manque de main-d’œuvre qualifiée pousse les jeunes professionnels à acquérir de nouveaux diplômes. Et le secteur de la formation professionnelle continue explose.

Le Brésil serait-il devenu un pays studieux ? Possible. Car là où le ballon rond est roi, les manifestations se succèdent dans la rue afin d’exiger plus de deniers publics pour l’éducation et moins pour la construction de stades, alors que le pays organise, en juin, la prochaine Coupe du monde de football.

Une grogne sociale surtout emblématique d’une société en pleine mutation. Car le Brésil, qui vit le plein-emploi avec moins de 5 % de chômeurs, a un problème : sa croissance économique est freinée par le manque de qualifications. En clair, le niveau de formation de sa population est largement en deçà des exigences du marché. La solution : le développement de la formation continue pour acquérir des diplômes de niveau technique ou universitaire. Le nombre de personnes qui suivent une formation diplômante, parallèlement à leur activité salariée, a ainsi explosé ces dix dernières années. Près de 4 millions de jeunes adultes sont actuellement inscrits en cours du soir. On ne compte plus les universités privées ou les centres de formation qui proposent des sessions de marketing, de communication, de maintenance électronique, d’informatique industrielle. La perspective d’ascension sociale et d’augmentation des revenus du travail est devenue le leitmotiv de toute une génération.

Quant à la formation en interne, elle a commencé à entrer dans les mœurs des entreprises. « Ici, la qualité de l’enseignement est très hétérogène, explique Ro­main Maillard, le directeur de CrossKnowledge, spécialiste français du e-learning qui a ouvert une filiale fin 2013 au Brésil. Les entreprises sont donc obligées de former leurs salariés pour réparer les lacunes de l’école et niveler vers le haut. » Elles en ont pris conscience, si Romain Maillard se fie à l’accueil qui lui est généralement réservé dans les colloques.

Besoin à grande échelle

Après douze ans passés au Brésil, le Français y reste un des précurseurs de la formation continue pour adultes. Car en 2001, lorsqu’il pose le pied sur le sol du géant sud-américain, le marché est quasi inexistant. Il crée alors Digital SK et met en place des programmes clé en main pour Electrolux, Siemens, HSBC… Pour la banque, il développe une formation à la fraude pour les salariés brésiliens : 26 000 personnes passent pendant trois semaines par l’apprentissage des mêmes outils de contrôle. Un coup de maître. Digital SK devient en quelques années le leader brésilien de la formation à distance, et compte près d’une centaine de salariés. Jusqu’à son rachat par le français Cross­Knowledge en août 2013. « Au Brésil, les salariés qui savent évoluer valent de l’or », conclut-il.

Pour le patronat, en effet, le temps presse : il faudra former, d’ici à 2015, près de 7 millions de personnes dans le seul secteur de l’industrie; 80 % d’entre elles sont déjà en poste et devront maintenir à niveau leurs compétences afin d’accompagner les avancées technologiques du secteur. Or les entreprises sont encore incapables de répondre à grande échelle et à bas coût à des exigences de formation. À peine 6 % des 18-24 ans se lancent dans un BTS ou un DUT, soit un peu plus d’un million d’élèves. Et même si les filières professionnelles sont en plein boom avec une augmentation de près de 60 % sur les cinq dernières années, c’est encore insuffisant. Selon l’Institut de recherche économique appliquée (Ipea), le pays devra former 100 000 ingénieurs par an jusqu’en 2020. Mais à peine 40 000 étudiants ont obtenu leur diplôme en 2012.

Programme national

Le gouvernement fédéral a lancé en 2011 le Pronatec, “programme national d’accès à l’enseignement technique et à l’emploi”, qui permet aux jeunes de milieux sociaux défavorisés de trouver un emploi qualifié en suivant des cours entièrement gratuits. Près de 5 millions de personnes sont déjà passées par cette formation technique. D’ici à fin 2014, 208 établissements seront opérationnels et proposeront des cours dans les secteurs de l’ingénierie, de l’énergie, de l’automatisme industriel ou de l’informatique. Mais la route sera longue : actuellement, un actif sur trois n’a pour tout diplôme que l’équivalent du brevet des collèges.

Auteur

  • STEVE CARPENTIER