logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

« Peu d’entreprises se mobilisent autour de l’allongement de la vie professionnelle »

Enquête | publié le : 04.02.2014 | V. L.

Image

« Peu d’entreprises se mobilisent autour de l’allongement de la vie professionnelle »

Crédit photo V. L.

E & C : Après les deux réformes successives sur les retraites, quelle incidence peut avoir la perspective de l’allongement de la vie professionnelle sur la façon dont les entreprises formalisent leur politique de prévention en santé au travail ?

L. B. : Les employeurs ont été incités par les pouvoirs publics à négocier sur le maintien en emploi des seniors et sur la prévention de la pénibilité. En 2013, l’Anact a mené une étude* pour le compte de la CFDT, qui a permis d’analyser les différentes formes de prise en charge de la pénibilité. Et il en ressort principalement deux cas de figure : l’enlisement des débats autour de la question légitime de la compensation ou l’engagement dans des négociations avant tout guidées par un souci de mise en conformité. Rares sont les entreprises qui investissent véritablement cette perspective de l’allongement de la vie professionnelle. Quand elles le font, elles formulent le problème en fonction de leurs propres enjeux. Par exemple, les acteurs d’entreprise interrogés dans le cadre de notre étude déclarent que leur problème, « c’est le maintien ». Pourtant, c’est de pénibilité dont les négociateurs discutent.

Il est donc nécessaire de mieux traduire le cadre réglementaire au regard des problématiques de l’entreprise pour assurer une mobilisation. Il n’est pas sûr qu’en l’état, la pénibilité soit le bon objet pour formaliser une politique de prévention.

E & C : Quelles peuvent alors être leurs marges d’action ?

L. B. : Les problématiques d’usure professionnelle sont souvent gérées dans l’urgence, au cas par cas, avec des actions en termes d’aménagement de postes, de reclassement, voire de reconversion. La multiplication des cas individuels devient parfois tellement problématique que les entreprises formalisent des dispositifs de maintien dans l’emploi, avec des commissions pluridisciplinaires rassemblant les acteurs RH, les médecins du travail et les partenaires sociaux, mais aussi de ressources externes comme le Sameth. L’action dans les entreprises est donc aussi une question d’apprentissage progressif des problèmes et de la façon de les résoudre, qui s’inscrit sur des temps longs. Quand bien même certaines entreprises font des choses intéressantes sur le plan du maintien individuel, toutes parviennent à la même conclusion : plus la problématique est traitée tardivement, plus le champ des solutions est limité et plus celles-ci sont difficiles à mettre en œuvre.

E & C : Comment les approches plus collectives peuvent-elles se traduire ?

L. B. : Elles se traduisent d’abord dans un souci d’anticipation souvent éclipsé par les objectifs de performance à court terme. Ce type d’approche repose donc sur une volonté politique et stratégique. Elles nécessitent aussi d’être outillées pour bien repérer des métiers ou des populations à risque. Pour certains métiers, il est possible de repérer que les problèmes se multiplieront à partir de dix ans de pratique. La sortie probable du métier s’envisage donc dès le recrutement par de la sensibilisation puis par des programmes de formation ad hoc. Dans le BTP par exemple, les salariés peuvent être très attachés au travail sur le chantier. Le parcours professionnel est indissociable de l’identité professionnelle, et les ruptures dans le parcours peuvent être très mal vécues. Il est donc nécessaire d’anticiper. Mais ce type d’approche pose avant tout la question des conditions qui permettent de rendre soutenable le travail tout au long de la vie. L’allongement de la vie professionnelle devient un déterminant des choix de conception du travail. Une des entreprises de l’étude soulignait l’intérêt de penser l’organisation non pas en termes de temps de travail, mais en termes de cycle de vie au travail, de façon à mieux intégrer la diversité des populations au regard de leur âge, de leur aspiration ou de leur état de santé.

* Pénibilité : une figure libre imposée, Ludovic Bugand et Geneviève Trouiller, Anact, juin 2013.

Auteur

  • V. L.