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Enquête

LES CONTENTIEUX RÉCENTS : UN RAPPEL À L’ORDRE FONDÉ SUR LE CODE DU TRAVAIL

Enquête | publié le : 17.12.2013 | ROZENN LE SAINT

En interdisant l’ouverture des magasins Monoprix et Sephora après 21 heures, la justice a simplement rappelé les dispositions du Code du travail qui limitent les dérogations au travail de nuit depuis 2001.

Le Code du travail est clair. Le recours au travail nocturne doit être exceptionnel et répondre à deux nécessités : assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale. Depuis le 9 mai 2001 et la transposition dans le Code du travail français d’une directive européenne, « il n’est pas possible de vendre des tranches de jambon ou du parfum après 21 heures; des médicaments, oui. Les pompiers ou les policiers aussi peuvent travailler la nuit », résume Alexandre Torgomian, représentant de la CFDT Commerce. Pour autant, certaines entreprises, comme Monoprix et Sephora, s’estimaient dans leur droit en organisant le travail nocturne pour leurs salariés sans avoir pris la peine de demander une dérogation justifiée par une nécessité économique.

Un effet domino

Les affaires ont été portées en justice et ont à chaque fois donné raison au Clic-P (Comité de liaison intersyndical du commerce à Paris), qui, par la voix d’Alexandre Torgomian, invoque « l’importance de préserver l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, qui serait détruit par un effet domino : si un commerce ouvre la nuit, son voisin peut s’y mettre également, car il perd des parts de marché à cause de cette concurrence. Le travail nocturne serait banalisé malgré les problèmes de santé et de sécurité qu’il implique pour les salariés qui rentrent tard chez eux. Nous avons décidé de mettre fin à cette dérive. »

Depuis 2010, le Clic-P a ainsi obtenu la fermeture des rideaux à 21 heures aux Galeries Lafayette, au BHV, à Apple, à Uniqlo, aux supérettes comme Franprix, Carrefour City, G20 ou Super U. Pour chaque enseigne qui s’obstine, le comité avertit les directions avant de porter l’affaire en justice. Pour Karl Ghazi, de la CGT Commerces et Services, « beaucoup d’entreprises ont fait mine de ne pas comprendre en signant des accords collectifs sans établir l’existence de nécessité économique », en misant sur l’établissement de compensations salariales et autres pour éviter que les salariés ou les syndicats les dénoncent à l’inspection du travail ou au TGI.

Deux accords rejetés pour Monoprix

Monoprix n’y a pas échappé. Son accord encadrant le travail nocturne s’est vu invalider dans une décision de la cour d’appel de Versailles du 3 avril 2013. Une fois sanctionnée, la direction a persisté et signé un autre accord, de nouveau rejeté par la CGT. Ce que regrette l’entreprise, qui met en avant dans un communiqué un accord qui prévoyait « de nombreuses avancées sociales et salariales, notamment des majorations de 25 % à 35 % des salaires, des repos compensateurs supplémentaires ainsi que des mesures sur la sécurité ou la mobilité des salariés concernés, qui sont tous volontaires ».

Pourvois en cassation

Même si l’enseigne a formé un pourvoi en cassation de cette décision, elle est aujourd’hui contrainte de fermer à 21 heures ses magasins. Tout comme la boutique Sephora des Champs-Élysées. Chez le parfumeur, il n’y avait même pas d’accord. Le Clic-P a attaqué l’entreprise pour « recours au travail de nuit sans justification » et a obtenu gain de cause le 23 septembre 2013. L’entreprise a été condamnée par la cour d’appel de Paris à ne plus faire travailler ses salariés jusqu’à minuit. Outre l’argument économique de forte fréquentation de 21 heures à minuit, son avocat, Me Olivier Angotti, évoque « le volontariat pour un travail du soir plus que de nuit, pour gagner davantage. Les salaires étaient majorés de 25 %, et les employés terminant à minuit étaient raccompagnés en taxi depuis 1996 ».

Si les chercheurs de l’Inserm constatent que le travail de nuit augmente de 30 % le risque d’occurrence du cancer du sein, « cela suppose une exposition durant quatre ans et demi sur la période de minuit à 5 heures du matin, ce qui ne concerne aucune salariée de Sephora ». Qualifiée de « coup médiatique » par le Clic-P, une demande de sursis pour leur employeur a été adressée à la justice par 101 employés du parfumeur. La cour d’appel de Paris, sans surprise, les a déboutés le 9 décembre. Le groupe s’est lui-même pourvu en cassation contre la condamnation à la fermeture à 21 heures. Une audience devrait avoir lieu dans les prochaines semaines.

Auteur

  • ROZENN LE SAINT