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Le Medef veut diviser par deux l’obligation légale

Actualités | publié le : 29.10.2013 | LAURENT GÉRARD

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Le Medef veut diviser par deux l’obligation légale

Crédit photo LAURENT GÉRARD

Une obligation légale fiscale de 0,8 % de la masse salariale au lieu de 1,6 % pour les entreprises de plus de 10 salariés, prône le Medef. Tous les autres partenaires sociaux sont contre, y compris la CGPME et l’UPA.

Le 23 octobre, lors de la troisième séance de négociation sur la réforme de la formation professionnelle, le Medef est officiellement sorti du bois avec des propositions tranchantes, qui ont irrité jusqu’aux autres composantes patronales.

Premièrement : en lieu et place de l’actuelle obligation légale fiscale de dépense de 1,6 % de la masse salariale, le Medef propose que les entreprises employant au minimum 10 salariés versent chaque année à leur Opca une contribution minimale équivalant à 0,80 % de la masse salariale : 0,2 % irait au financement du congé individuel de formation, 0,45 % à la professionnalisation et 0,15 % au FPSPP. Le 0,9 % du plan de formation serait donc supprimé.

Le 0,45 % de la professionnalisation financerait les contrats, les périodes, le futur compte personnel de formation, les formations au tutorat, des reversements aux CFA, les observatoires prospectifs et les préparations opérationnelles à l’emploi pour les premiers niveaux de qualification de chaque branche. Le 0,15 % du FPSPP servirait notamment à financer en partie le futur compte personnel de formation.

Cinq arguments

Deuxièmement : concernant les entreprises de moins de 10 salariés, en lieu et place des actuels 0,15 % pour la professionnalisation et 0,40 % pour le plan de formation, le Medef propose de ne conserver une obligation légale fiscale que pour le second.

Le Medef justifiel’ensemble de ces propositions par cinq arguments.

1. Un prélèvement unique de 0,8 % ou de 0,4 % réalisé à l’aide d’un seul bordereau à un seul Opca (qui dispatcherait ensuite aux Fongecif au besoin) donnerait de la lisibilité au système.

2. Les ressources du FPSPP seraient stables et il pourrait mener des politiques durables.

3. Les Fongecif verraient leurs moyens augmentés en n’étant plus ponctionnés par le FPSPP.

4. La mutualisation en faveur des TPE serait renforcée, car elles ne financeraient plus la professionnalisation mais y auraient droit.

5. Parallèlement à cette contribution unique de 0,8 % ou 0,4 %, le Medef propose d’ajouter « un deuxième étage pour organiser, au niveau des branches, la mutualisation des financements du plan de formation pour les TPE et les PME. Il faut redonner du souffle à la mutualisation en confiant à la branche le soin d’organiser en fonction de sa spécificité, du tissu de ses entreprises, cette mutualisation », argumente Florence Poivey, chef de file de la délégation Medef.

Problème pour la principale organisation patronale : aucun de ses partenaires de négociation ne partage son point de vue ! Ni la CGPME ni l’UPA ni les cinq confédérations syndicales de salariés ne croient qu’une mutualisation laissée au bon vouloir des négociations de branches poussera les grandes entreprises à accepter de financer une partie du plan de formation des plus petites.

Aussi, la CGPME met-elle la barre non pas à 10 mais à 300 salariés : « Dans ces entreprises, où le législateur a considéré qu’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences propre à l’entreprise ne pouvait être mise en œuvre, l’obligation de contribution est la meilleure forme d’anticipation des besoins de financement de la formation, tranche Jean-Michel Pottier, chef de file de la délégation CGPME. Pour elles, la mutualisation des moyens financiers au service de la formation est une condition sine qua non du développement, de la diversification et de l’innovation. Il est déterminant qu’un taux fixe et conséquent de la masse salariale, actuellement de 0,9 % pour le plan de formation, la délimite clairement, annuellement. Ce point n’est pas négociable pour la CGPME. »

L’UPA, par la voix de son président Jean-Pierre Crouzet, partage l’analyse : « Il faut maintenir et renforcer la mutualisation sur la professionnalisation et le plan de formation. Même si le projet du Medef reprend une majorité des dispositions soutenues par l’UPA, la partie relative au financement n’a pas fait l’objet d’un consensus. L’UPA défend le principe de la mutualisation sur la professionnalisation et le plan de formation et ne souhaite pas sa remise en cause. La mutualisation est en effet à l’origine du système de formation professionnelle français et a permis son développement. Face au bilan mitigé de la précédente réforme vis-à-vis des petites entreprises, l’UPA estime que la nouvelle réforme devra conduire à instaurer une solidarité entre les entreprises de 50 salariés et plus vers celles de moins de 50 salariés. »

Seuils successifs

Côté syndicats, le refus est le même. « La mutualisation est finie si le 0,9 % disparaît, commente Stéphane Lardy (FO). Il faut la garder, sinon, on va assister à un effondrement de l’effort de formation dans les entreprises de moins de 20 salariés. À la rigueur, il faudrait regarder cette question en partant des très grandes entreprises, très au-dessus de l’obligation légale, et voir par seuils successifs à la baisse l’impact d’une suppression du 0,9 %. »

Une logique partagée par la CFTC : « Il faut garder le 0,4 % pour les entreprises de moins de 20 salariés, et le 0,9 % pour celles de 20 à 300, avance Jean-Pierre Therry. Pour celles de plus de 300, nous sommes pour une obligation légale de base de 0,5 %, éventuellement assujettie d’engagements conventionnels. »

Des risques pour les TPE

« Diviser l’obligation légale par deux n’est pas possible, et porte trop de risques pour l’accès à la formation des TPE, analyse Dominique Jeuffrault (CFE-CGC). Le passé fonctionne, le système doit être pérenne, mais nous acceptons de faire des simulations d’impact. »

Selon Jean-Philippe Maréchal (CGT), « ce texte est une proposition provocatrice et insultante. Il faut garder intégralement l’obligation légale, passer à 1,6 % pour toutes les entreprises et augmenter le CIF à 0,3 %. Par ailleurs, nous prévenons le Medef qu’il est hors de question d’accepter que la collecte des fonds de formation et leur mutualisation soit utilisée pour régler des problèmes de représentativité patronale. » Le représentant de la CGT fait ici allusion au premier Opca de France, l’Agefos-PME, créé et géré par la CGPME et les cinq confédérations syndicales : une diminution de son poids financier affaiblirait les finances de la CGPME, donc son poids politique.

La solution consensuelle serait-elle de remonter le seuil de l’obligation légale aux alentours de 300 salariés ? Antoine Foucher, directeur des départements relations sociales, éducation et formation du Medef, et Florence Poivey ont été clairs : ce n’est pas d’actualité.

« Le texte du 5 novembre prochain, date de la prochaine réunion de négociation, sera fondamental », conclut Marie-Andrée Seguin, de la CFDT.

La fin de l’imputation ?

→ Mettre fin à toute notion d’imputation et d’imputabilité des actions de formation (imposée par la nature fiscale de la contribution ; ce qu’on peut mettre dans la fameuse 2 483), parce que « c’est lourd et compliqué » ? À comprendre Florence Poivey, chef de file de la délégation Medef, lors de sa conférence de presse à l’issue de la matinée de négociation, c’est l’option de l’organisation patronale, même si ce n’est pas explicitement écrit dans son projet d’accord. L’argument est de redonner de la liberté d’action à tous les acteurs, et surtout aux employeurs.

→ Mettre de côté les questions d’imputabilité et d’imputation, c’est aussi souligner la ligne politique du Medef : « Au chef d’entreprise la responsabilité de l’adaptation au poste de travail et du maintien de l’employabilité. Au salarié celle de l’évolution et de sa promotion professionnelles. » Les deux logiques étant strictement séparées : pour la première, un plan de formation sans obligation (fin du 0,9 % pour les plus de 10 salariés) ; pour la seconde, le CIF et le futur compte personnel de formation.

→ La CGPME n’est pas contre la fin de l’imputabilité, mais se pose cependant la question de la qualité de la formation. Aussi, Jean-Michel Pottier, qui mène la délégation CGPME, propose-t-il de définir comme imputable de fait toute formation certifiée par une norme qualité ou délivrée par un prestataire certifié par une norme qualité : « La qualité et la nature de l’action de formation seraient validées de fait. » Cette logique pousserait les prestataires à se faire certifier quasi systématiquement. Jean-Michel Pottier estime qu’un travail avec leurs représentants (FFP, Urof…) devrait s’engager sur cette idée.

Quel compte personnel de formation ?

Les syndicats voulaient surtout parler du compte personnel de formation (CPF), « axe central et moteur de la réforme » ; CGT et FO avaient d’ailleurs produit des écrits. À l’inverse, Medef et CGPME ont abordé globalement les problèmes de formation. Ses aspects techniques et financiers apparaissent extrêmement compliqués. Le Medef propose que le FPSPP reçoive 0,15 % de la masse salariale des entreprises de plus de 10 salariés pour le financer, mais des abondements multiples (État, régions, individu) sont appelés de leurs vœux, et le financement passerait par le Fongecif, Pôle emploi ou l’Opca du salarié selon la nature de la formation demandée. Au-delà de cette complexité, l’usage reste à déterminer. À l’issue de la séance de négociation, tous les syndicats ont déclaré, plutôt satisfaits, qu’il y avait « unanimité » des partenaires sociaux, y compris patronaux, pour que le CPF serve à « la montée en qualification et à l’évolution professionnelle de la personne, et que cela débouche sur une reconnaissance financière ou statutaire dans l’entreprise, car le CPF doit être connecté à l’entreprise ». Florence Poivey, chef de file de la délégation Medef, a été beaucoup moins affirmative lors de sa conférence de presse : « La reconnaissance, c’est compliqué », a-t-elle jugé.

Auteur

  • LAURENT GÉRARD