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« La loi de sécurisation ne changera pas fondamentalement la situation dans les entreprises qui pratiquent la transparence »

Enquête | publié le : 15.10.2013 | EMMANUEL FRANCK

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« La loi de sécurisation ne changera pas fondamentalement la situation dans les entreprises qui pratiquent la transparence »

Crédit photo EMMANUEL FRANCK

E & C : La loi de sécurisation instaure une consultation du comité d’entreprise sur les « orientations stratégiques de l’entreprise ». Quelle est la nouveauté de ce dispositif ?

S. G.d.C. : Auparavant, il était question pour les entreprises d’au moins 300 salariés d’une obligation de négocier dans le cadre de la GPEC sur les modalités d’information et de consultation du CE sur la stratégie de l’entreprise. Le Code du travail prévoit désormais une obligation de consultation annuelle concernant les entreprises dotées d’un CE – et non plus seulement celles employant plus de 300 salariés. En outre, cette consultation est davantage encadrée, et elle instaure un dialogue avec les instances de gouvernance qui s’inspire du droit d’alerte : le CE peut proposer des « orientations alternatives », et le conseil d’administration doit faire une « réponse argumentée ». Mais la nouveauté réside surtout dans la possibilité, pour le CE, de se faire assister d’un expert-comptable, d’ailleurs partiellement rémunéré par lui, doté des mêmes pouvoirs qu’un commissaire aux comptes. Une sorte d’expert “ès stratégie”. Autre changement important : la présence obligatoire de salariés administrateurs au board des grandes entreprises, moyen pour les signataires de l’ANI d’associer les salariés à la définition de la stratégie.

E & C : Qu’est-ce qu’une orientation stratégique ?

S. G.d.C. : La notion de stratégie n’est pas vraiment définie en droit du travail, même si elle est déjà employée dans le cadre de la GPEC. Toutefois, en comparant l’accord interprofessionnel du mois de janvier et le texte de loi, on obtient une indication sur l’état d’esprit du législateur. Ce dernier n’a pas retenu l’expression d’« options stratégiques » de l’ANI (« options stratégiques possibles et conséquences anticipées de chaque option »), qui induit l’idée d’une association étroite du CE aux choix, pour lui préférer celle d’« orientations », qui est plutôt synonyme de « tendances ». Mais, d’un autre côté, le texte évoque une consultation sur des orientations « définies » par l’instance de gouvernance, comme s’il s’agissait d’orientations déjà décidées. Le législateur a en revanche été très précis sur les conséquences des orientations stratégiques, dont il faudra évaluer l’incidence jusque sur les stages.

E & C : Le CE doit-il être consulté dès à présent sur les orientations stratégiques ?

S. G.d.C. : La loi est muette sur ce point. En revanche, elle précise que la base de données économiques et sociales est « le support de préparation de cette consultation ». A priori, la consultation du CE sur les orientations stratégiques n’intervient donc qu’après la mise en place de la base de données, en juin 2014 pour les entreprises de 300 salariés et plus (juin 2015 pour celles de moins de 300 salariés).

E & C : À quel moment les informations de la base de données devront-elles être rafraîchies ?

S. G.d.C. : C’est une question assez fondamentale. Le texte évoque une obligation de mise à jour régulière de la base de données. Mais à partir de quand considère-t-on que des données deviendraient obsolètes et donc insuffisantes pour assurer une information satisfaisante ? Autre question : celle de la date de mise à disposition des données, puisque les délais préfix désormais prévus pour la consultation du CE devraient courir à partir de cette date.

E & C : À quel niveau de l’entreprise la base de données doit-elle être mise en place ?

S. G.d.C. : Lorsqu’il y a des établissements multiples, la question se pose de savoir s’il faut mettre en place la base de données au niveau du comité d’établissement. Mais a priori, non : on se place au niveau de l’entreprise et non des établissements. Le décret à paraître en novembre devrait préciser ces différents points. Au final, les salariés seront-ils mieux informés sur la stratégie de l’entreprise ?

S. G.d.C. : La loi ne changera pas fondamentalement la situation dans les entreprises qui pratiquent la transparence. En revanche, celles qui ne communiquent pas devront se conformer à une liste précise d’obligations qui, si elles ne sont pas respectées, risquent de créer des contentieux. La base de données, qui est un des points majeurs de la loi, devrait néanmoins induire de profonds changements pour toutes les entreprises et leur CE.

Auteur

  • EMMANUEL FRANCK