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Enquête

LA DIRECTION GARDE LA MAIN

Enquête | publié le : 15.10.2013 | E. F.

Pour des raisons historiques, deux administrateurs élus par les salariés siègent au conseil d’administration de la banque. Une gouvernance sans anicroches mais qui place parfois les syndicats face à des injonctions contradictoires.

Crédit Agricole corporate investment bank (CA CIB), banque de financement et d’investissement du Crédit agricole, emploie 4 500 salariés en France, dont deux sont aussi administrateurs. Une présence historique dans cette banque issue d’Indosuez, nationalisée au début des années 1980. Et la loi de sécurisation n’impose des administrateurs salariés que dans les entreprises privées de plus de 5 000 salariés.

Un enjeu mineur

Jean-Frédéric Dreyfus, présenté par le SNB (CFE-CGC), expert-comptable de formation, et Marc Kyriacou, technicien de métier présenté par la CFDT, disposent à CA CIB du même droit de vote que l’ancien ministre Edmond Alphandéry, un autre des 18 membres du conseil d’administration. Si les deux syndicats défendent cette prérogative historique, ce n’est pas un enjeu fondamental pour eux.

Un signe ne trompe pas : de l’aveu de Jean-Frédéric Dreyfus et de Didier Mas, délégué syndical CFDT à CA CIB, « la place n’est pas convoitée », malgré le prestige du cénacle et les jetons de présence qui rapportent 15 000 euros par an. Jean-Frédéric Dreyfus utilise cette somme pour payer les frais de son mandat, et Marc Kyriacou la partage avec sa fédération. « Nous sommes minoritaires, pose d’emblée Jean-Frédéric Dreyfus, on ne peut pas parler de cogestion. Notre travail consiste à poser des questions et à obtenir des réponses, même s’il m’est arrivé d’empêcher une décision en faisant changer d’avis d’autres administrateurs sur des sujets qu’ils ne connaissaient pas. Car les administrateurs salariés sont les seuls à porter une sensibilité sociale au sein du conseil d’administration. » « Nous ne sommes pas en cogestion, renchérit Didier Mas, et nous ne la demandons pas : c’est une responsabilité que nous n’avons pas à assumer. »

De fait, la double casquette de défenseur des intérêts des salariés et d’administrateur de l’entreprise est très difficile à porter pour les syndicats, surtout lorsqu’il s’agit de réduction d’effectifs. En 2012, CA CIB a ainsi supprimé des emplois sur des activités risquées comme les dérivés d’actions, et a réduit sa présence à l’étranger. Le comité exécutif, où siège d’ailleurs la DRH, a travaillé sur le projet, qu’il a ensuite soumis au CA. « À la CFDT, nous admettons qu’il fallait faire quelque chose avec ces activités risquées, qui mettaient en péril l’entreprise », déclare Didier Mas. Ce qui n’a pas empêché la même CFDT, dans un tract de février 2012, de dénoncer les motivations économiques des suppressions d’emplois.

Retour d’information

De son côté, Jean-Frédéric Dreyfus explique qu’« en CA, on n’est pas obligé de voter contre des réductions d’effectifs », mais que, pour autant, il « ne vote pas pour », tout en admettant « comprendre qu’il faut arrêter des activités qui ont porté préjudice » à la banque.

La position des syndicats est beaucoup moins contorsionnée dès qu’il s’agit de l’accès aux informations stratégiques, via les administrateurs salariés ou les représentants du comité d’entreprise au conseil d’administration. Pour Didier Mas, la présence d’administrateurs salariés « permet un retour plus rapide sur la stratégie que si l’on attend la réunion du comité d’entreprise ». Et qu’on ne lui parle pas de l’indépendance de l’administrateur salarié, qui « n’est pas un électron libre »: il est présenté par un syndicat à qui il rend des comptes et qu’il informe lorsque des décisions importantes sont soumises au conseil d’administration. Le syndicat est donc au courant de tout ce qui s’y passe. « Mais je respecte la confidentialité des informations stratégiques ou boursières dont la divulgation pourrait gêner l’entreprise », explique Didier Mas.

Un faux problème

Pour Jean-Frédéric Dreyfus, la question de la confidentialité, qui agite les directions depuis le vote de la loi de sécurisation, est un faux problème : « Si les choses sont bien faites, il y a CA le mardi, CE le mercredi, et conférence de presse le jeudi. Au bout du bout, il n’y a rien de confidentiel. » Lui-même s’estime bien informé – « Nous recevons les documents en avance » – et très libre de diffuser des informations aux salariés. Il publie une lettre adressée à tout le personnel dans laquelle il brosse les grands enjeux de l’entreprise, sans entrer dans les détails.

La DRH de CA CIB, Ivana Bonnet, admet d’ailleurs que « les administrateurs salariés ont toujours respecté les règles de confidentialité ». À noter qu’elle-même siégeant au comex, elle est toujours informée des décisions avant les administrateurs salariés et les syndicats.

CRÉDIT AGRICOLE CIB

• Activité : financement et investissement.

• Effectif : 9 439 salariés en 2012.

• Produit net bancaire monde : 4,38 milliards d’euros en 2012.

Le volet mobilité de la loi de sécurisation était très attendu

Le Crédit Agricole CIB n’a pas attendu la loi de sécurisation pour améliorer l’information des représentants du personnel sur sa stratégie. En revanche, la direction a suivi de très près l’élaboration des dispositions sur la mobilité. Dès le mois de juillet – la loi a été votée en juin – elle signe, avec le SNB, la CFDT et la CFTC, un accord sur « l’accompagnement social des transformations ». Ce gros document (près de 80 pages) traite de « mobilité classique » (telle qu’elle est prévue par l’accord GPEC), de « mobilité dynamique » (au sens de l’article 15 de la loi de sécurisation qui prévoit un licenciement économique en cas de refus de mobilité), de mesures d’accompagnement en prévision du déménagement de la banque en 2016, et de la gestion des fins de carrières.

« L’évolution de la législation sociale nous a permis d’achever rapidement les négociations avec nos partenaires sociaux afin de gérer l’évolution de Crédit Agricole CIB et la préparation de notre déménagement à venir, commente Ivana Bonnet, DRH. Cette loi introduit plus de souplesse afin d’éviter de bloquer pendant plusieurs mois l’évolution de l’organisation des métiers de la banque, comme c’est le cas dans le cadre d’un plan de départs volontaires. »

Auteur

  • E. F.