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Petites réflexions juridiques sur le concept du Byod

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 03.09.2013 |

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Petites réflexions juridiques sur le concept du Byod

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Face à une évolution rapide des nouvelles technologies et à la nécessité pour les entreprises de trouver des solutions innovantes aux fins de se démarquer de leurs concurrents (recrutement par exemple), le Byod (Bring your own device), concept importé des États-Unis, fait son apparition en France. Il s’agit de permettre aux salariés d’utiliser, pour exercer leurs fonctions au sein de l’entreprise, leurs propres outils de mobilité (tablette, téléphone mobile, ordinateur…) en lieu et place du matériel de la société jugé souvent obsolète par ces derniers.

Si le Byod peut s’avérer porteur pour l’entreprise, son introduction peut être génératrice de contraintes juridiques d’ordre social qu’il convient d’anticiper.

En effet, tout employeur doit donner aux salariés les moyens de réaliser la prestation de travail confiée. La généralisation du Byod dans l’entreprise sous couvert de son caractère facultatif peut malmener ce principe, dès lors que l’employeur décide de se dédouaner d’un renouvellement régulier de son parc informatique. Or, la jurisprudence est clairement venue poser le principe selon lequel l’employeur ne peut faire supporter aux salariés des coûts inhérents à son activité professionnelle. Dès lors, la société pourrait être tenue de financer l’utilisation personnelle par le salarié de son propre matériel, au même titre que le salarié supporte un coût (cotisations sociales sur avantage en nature) lorsque la société met à sa disposition à titre personnel un bien appartenant à la société.

Au-delà du coût, le sacro-saint principe de l’égalité de traitement peut également être évoqué. En effet, le choix effectué par le salarié d’utiliser son matériel plus performant peut, en fonction des tâches assignées au salarié, lui permettre d’être mieux récompensé.

Il est loin d’être certain que les juges considéreront que le critère d’un matériel plus performant soit un critère objectif et pertinent pour différencier des salariés en charge des mêmes missions.

Dans le même ordre d’idée, le fait que ces outils aient vocation à “accompagner” le salarié dans sa vie personnelle pose avec une acuité plus forte la question du contrôle du temps de travail, une telle solution n’impliquant pas, par ailleurs, nécessairement du télétravail. La sécurité et la confidentialité des données professionnelles devront également donner lieu à des règles claires tant dans la phase d’exécution du contrat que de sa rupture (accessibilité des informations, étanchéité entre les données personnelles et les données professionnelles, gestion de la perte des outils, restitution des données…).

L’introduction d’un tel dispositif suppose donc un encadrement au travers d’une charte : population éligible, typologie des outils pouvant être apportés, configuration des interfaces personnelles et professionnelles afin de limiter les risques évoqués.

Il s’agira également de rappeler les règles relatives au contrôle par l’employeur des données contenues sur les outils personnels du salarié utilisés à des fins professionnelles. Nul n’ignore plus la règle selon laquelle l’employeur est en droit de contrôler les informations contenues sur l’ordinateur/messagerie professionnelle de son salarié, dès lors que ces informations/messages ne sont pas identifié(e)s comme étant personnel(le)s.

La Cour de cassation a récemment précisé la règle s’agissant de la possibilité pour l’employeur d’avoir accès à des informations contenues sur des supports personnels du salarié (Cass. Soc. 9 septembre 2012) utilisés au sein de l’entreprise.

Un tel accès par l’employeur est possible sous réserve que le salarié soit présent ou ait été dûment appelé. Dernièrement, il a été jugé qu’une clé USB personnelle, dès lors qu’elle est connectée à un outil informatique mis à la disposition par l’employeur pour l’exécution du contrat de travail, était présumée utilisée à des fins professionnelles, permettant l’accès aux fichiers non identifiés comme personnels en dehors de la présence du salarié (Cass. Soc. 12 février 2013). Ainsi, dès lors qu’un espace professionnel étanche de l’espace personnel est créé sur les outils personnels du salarié, rien ne semble de nature à faire obstacle au contrôle de l’employeur.

En conclusion, le Byod pourquoi pas, mais pas n’importe comment !

Virginie Devos, avocate au cabinet August & Debouzy, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.