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Les entreprises aussi “célébreront” le mariage pour tous

Pratiques | publié le : 25.06.2013 | DOMITILLE ARRIVET

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Les entreprises aussi “célébreront” le mariage pour tous

Crédit photo DOMITILLE ARRIVET

La loi Taubira sur le “mariage pour tous” aligne les droits de tous les salariés mariés. La pleine application de ces droits suppose toutefois un climat favorable dans l’entreprise.

« Les entreprises sont réticentes à évoquer l’incidence qu’aura chez elles la loi Taubira parce que l’actualité sur ce sujet est trop récente. Si, à titre personnel, certains dirigeants étaient favorables au mariage et à l’adoption par les couples homosexuels, ils craignent d’être instrumentalisés en communiquant trop rapidement sur ce thème », avertit Catherine Tripon, porte-parole de l’association homosexuelle l’Autre Cercle, qui lutte contre l’homophobie au travail. Il n’empêche : ce changement dans la législation apporte un éclairage nouveau sur les questions de diversité et d’intégration dans les entreprises. Et si les mentalités évoluent encore trop doucement aux yeux de certains, sous le coup de la loi, les pratiques, elles, vont changer.

Car le fait est là : en vertu de la loi Taubira, promulguée au mois de mai, les entreprises sont dorénavant tenues d’octroyer aux couples de même sexe qui décideront de se marier les mêmes droits qu’à tous les autres couples mariés. Ainsi, les congés pour mariage, événements familiaux, congés parentalité et autres avantages prévus par l’entreprise doivent être accessibles de la même manière à tous les couples mariés, indépendamment de leur préférence sexuelle (lire l’encadré).

Mais, au-delà des applications concrètes auxquelles les entreprises se plieront le jour où l’un de leurs salariés, homosexuel, leur présentera un certificat de mariage, l’inscription dans la loi est sans aucun doute une occasion pour ses partisans de faire passer un message. « Le mariage et l’adoption par des couples homosexuels obligent maintenant les patrons à faire entrer le sujet dans l’entreprise, se félicite Catherine Tripon. Pour autant, si l’entreprise ne crée pas un climat favorable au respect des individus, il restera des résistances. Et pour un temps encore, des personnes qui se marieront ne se risqueront pas à demander leurs quatre jours de congé, par crainte du regard des autres. » Une lente révolution que quelques entreprises avaient déjà préparée dans le cadre d’une politique de diversité volontariste.

Signataire de la charte d’engagement LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) en janvier 2013, l’enseigne de distribution Casino s’était ainsi attaquée dès 2010 à deux sujets sensibles : la diversité des convictions religieuses et l’orientation sexuelle. « Sans esprit de promotion quelconque », précise Yves Desjacques, le DRH du groupe. Une mission attribuée notamment au réseau interne de « correspondants diversité », chargés de sensibiliser sur le terrain tous leurs collègues, depuis le siège social jusqu’à la supérette de quartier.

Guide des bonnes attitudes à destination des managers

Pour accompagner ce travail de fond, le distributeur diffuse aussi actuellement, en interne, un guide (imprimé à 4 000 exemplaires) qui rappelle aux managers les bonnes attitudes à adopter. « Nous y abordons les idées reçues à propos de l’orientation sexuelle, les attitudes managériales que nous attendons au sein du groupe, et y listons tous les avantages sociaux qui s’appliquent dorénavant indifféremment à tous les collaborateurs mariés », explique le DRH qui précise qu’avant même la loi Taubira, les salariés pacsés avaient déjà accès à tous ces droits.

Pour Yves Desjacques, le surcoût pour l’entreprise que représentent ces opérations de sensibilisation ainsi que les avantages accordés aux nouveaux mariés sont infimes aux regards des bénéfices qu’elle en retire. « Il s’agit avant tout d’éliminer les inégalités de traitement entre les collaborateurs. Nous construisons un environnement respectueux des différences parce nous pensons qu’une entreprise inclusive sait mieux attirer et fidéliser les talents », explique-t-il.

Vaste dispositif préventif chez IBM

Chez le constructeur informatique IBM non plus, la sensibilisation à ces questions d’inclusion n’est pas nouvelle : « C’est un objectif que notre président s’était déjà fixé en 1953, annonce Jean-Louis Carvés, responsable diversité. Mais il y a toujours du chemin à faire, parce que les tendances naturelles reviennent. Or, si dans la vie personnelle on ne peut empêcher quelqu’un d’être homophobe, dans l’entreprise, ce n’est ni toléré, ni tolérable. » En garde-fou, lBM a prévu des sanctions ou même un licenciement. « En cinq ans, nous n’avons eu à faire qu’un seul “recadrage” », rapporte Jean-Louis Carvès. Mais, pour en arriver là, le dispositif préventif est vaste : formation systématique lors du parcours d’intégration de chaque nouvel embauché, formation renforcée pour tous les managers, informations régulières sur le blog, le compte twitter et la newsletter interne… En droite ligne avec ses convictions, la maison offrait déjà aux salariés mariés ou pacsés des avantages équivalents.

« La loi ne va pas changer grand-chose chez nous, mais nous en profitons pour vérifier qu’en interne, nos communications ne sont pas sexistes. C’est ainsi que dans un document, nous avons récemment éliminé la phrase “gestion en bon père de famille”, par exemple », détaille Jean-Louis Carvés, qui participe également à un programme de mentoring mondial auprès des dirigeants des filiales implantées dans des pays discriminant l’homosexualité, où les salariés homosexuels peuvent désormais refuser d’être mutés.

De son côté, l’entreprise de travail temporaire Randstad a inventé en 2011 Quick-scan, un outil qui permet à toutes les entreprises d’autoévaluer leur degré d’acception de l’homosexualité et de se fixer des pistes de progrès. Environ 150 sociétés s’y sont déjà mesurées. « Sans pression législative, les entreprises estimaient qu’elles n’avaient pas à s’immiscer dans ces questions. Avec la loi, un verrou a sauté en matière de vivre ensemble, se réjouit Aline Crépin, la directrice RSE du groupe. Maintenant, nous voulons former nos managers afin qu’ils comprennent l’effort que représentera ce coming-out forcé pour les salariés qui voudront faire valoir leurs nouveaux droits. Et aux salariés, nous expliquerons que le sujet n’est pas tabou mais, qu’au même titre que les hétérosexuels, ils peuvent choisir d’en parler ou pas. S’ils en parlent, nous devons leur garantir la confidentialité. »

Pour accompagner ses messages et décrisper les plus réticents, Randstad a déployé une campagne de communication interne sur la base de dessins humoristiques qui seront diffusées sous forme d’autocollants et d’affiches dans les agences, et qui circulent déjà sur le Net.

L’ESSENTIEL

1 La loi dite Taubira élargit aux couples de même sexe les règles du Code du travail, jusque-là fondées sur le seul couple hétérosexuel.

2 Les couples homosexuels bénéficieront désormais dans leur vie professionnelle de tous les avantages propres aux couples mariés : congés paternité, congé adoption, droit à l’accompagnement en cas de mobilité géographique, extension de la complémentaire santé.

3 Quelques entreprises avaient déjà devancé cette évolution de la société française dans le cadre d’une politique de diversité volontariste.

Ce que change la loi du 17 mai 2013

→ « Le mariage peut être contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe. »

→ « L’adoption plénière de l’enfant du conjoint est permise lorsque l’enfant a fait l’objet d’une adoption plénière par ce seul conjoint et n’a de filiation établie qu’à son égard. »

→ « Chaque époux peut porter à titre d’usage, le nom de l’autre époux par substitution ou par adjonction à son propre nom, dans l’ordre qu’il choisit. »

→ « Le mariage entre deux personnes du même sexe célébré à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi est reconnu en France […] »

→ « Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir refusé, en raison de son orientation sexuelle une mutation géographique dans un État discriminant l’homosexualité. »

→ Le gouvernement dispose de six mois pour transcrire la loi dans le Code du travail et le Code de la sécurité sociale. Sont concernés : le congé de quatre jours pour le mariage, le congé d’une journée pour le décès du beau-père ou de la belle-mère, le congé de trois jours pour la naissance ou l’adoption, le congé d’adoption de dix semaines, le congé de paternité.

→ Par ailleurs, le survivant d’un couple homosexuel marié pourra dorénavant bénéficier d’une pension de réversion, telle que le prévoit le droit commun.

Auteur

  • DOMITILLE ARRIVET