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EspagneL’EMPLOI COOPÉRATIF RÉSISTE MIEUX DANS LA TEMPÊTE ÉCONOMIQUE

Pratiques | International | publié le : 25.06.2013 | VALÉRIE DEMON

Plus promptes à faire des sacrifices en faveur du maintien de leurs effectifs, les entreprises de l’important secteur coopératif espagnol ont beaucoup moins supprimé d’emplois que celles du secteur traditionnel.

La comparaison est saisissante. Entre 2007, début de la crise, et 2012, l’Espagne a détruit 17,12 % des emplois des entreprises du secteur traditionnel. Sur la même période, les coopératives n’en ont supprimé que 9,6 %. Dans la sévérité de la crise économique outre-Pyrénées, ces huit points de différence intriguent. Les coopératives détiendraient-elles une formule magique ? « Sans conteste, elles résistent mieux », conclut Joan Ramón Sanchis, directeur de l’Institut universitaire de l’économie sociale et coopérative de l’université de Valence (Iudescoop). La situation est encore plus frappante dans la région de Valence, où quelque 2 500 coopératives occupent près de 75 000 salariés. L’emploi y a résisté deux fois mieux : les effectifs ont maigri de 10,9 %, contre 20,9 % dans le secteur traditionnel.

Recherche d’alternatives aux licenciements

« Ce sont des entreprises organisées pour générer de l’emploi stable et de qualité. Dans cet esprit, le licenciement reste la dernière solution en cas de crise », explique Joan Ramón Sanchis. Ce sont souvent aussi des entreprises locales, bien implantées, répondant à un besoin précis. « Les travailleurs sont ensuite très impliqués, ils croient en leur projet et cherchent des alternatives avant de licencier », poursuit le directeur de Iudescoop. Dernier avantage : les coopératives délocalisent peu, voire pas du tout. « La conjonction de ces facteurs explique leur meilleure résistance aux difficultés économiques », conclut Joan Ramón Sanchis.

Plus au nord, dans la région voisine, la Catalogne, où sont aussi implantées de nombreuses coopératives, la société Mol-Matric, à Barberá del Vallés, a su éviter les licenciements. Créée en 1982 sur les cendres d’une ancienne société en faillite, Mol-Matric commence son aventure coopérative avec 19 associés. Ils sont aujourd’hui 30 et emploient une vingtaine de personnes. Un modèle qui avait d’ailleurs séduit l’actuel ministre français du Redressement économique, Arnaud Montebourg, lors de la campagne des candidatures au PS pour la présidentielle : « Leur expérience et leur savoir-faire en bandoulière, les sociétaires ont relancé l’entreprise et ont obtenu des contrats avec Volvo, Seat, Mercedes, PSA ou Renault-Nissan. Et, dans un secteur automobile très concurrentiel, ils avaient renoncé pendant trois ans au partage des bénéfices, usage des coopératives de production, pour pouvoir opérer des investissements matériels. »

« Lorsqu’une crise surgit, nous faisons tout pour garder le personnel en utilisant avec volontarisme des méthodes classiques, comme les bourses d’heures, le chômage technique, les baisses de salaires », explique Edouard Morel, responsable financier de Mol-Matric. Entre 2010 et la mi-2011, tous les employés ont vu leur salaire diminuer de 5 % environ. « Mais ensuite, nous avons pu revenir à la rétribution habituelle », assure Edouard Morel, dont la coopérative affichait à la fin 2012 un chiffre d’affaires de 5,5 millions d’euros, mais quasiment aucun bénéfice.

« De manière générale, les coopératives diminuent d’abord la journée de travail, ensuite les salaires, en cas de difficultés. Le licenciement n’intervient qu’en tout dernier recours », ajoute Joan Ramón Sanchis.

La dernière réforme du marché de l’emploi intéresse peu ces entreprises. Adoptée en 2012, elle assouplit les conditions du licenciement et en réduit le coût. « Nous ne créons pas de l’emploi en fonction du prix du licenciement, mais selon ce que va nous apporter une nouvelle recrue. C’est un concept différent », estime Edouard Morel, critique vis-à-vis du gouvernement : « Faciliter les suppressions d’emplois semble plus les occuper que le manque d’accès au crédit dont nous souffrons ». Joan Ramón Sanchis estime même que l’accès au crédit reste plus compliqué que pour une entreprise classique : « Les coopératives sont par nature peu capitalisées et 70 % sont des TPE, avec moins de dix employés. » Autant de difficultés face à une banque.

Auteur

  • VALÉRIE DEMON