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Enquête

DE “L’ANCIEN MONDE” AU “DIALOGUE SOCIAL AUTREMENT”

Enquête | publié le : 25.06.2013 | E. F.

À l’initiative de la direction de GrDF, et avec le soutien critique des syndicats, le dialogue social sclérosé de cette ancienne direction d’EDF-GDF a retrouvé du souffle. La démarche suppose un investissement important.

Cinq ans, c’est finalement peu pour revenir sur presque soixante-dix ans de dialogue social formel. Les résultats du “dialogue social autrement” – la nouvelle philosophie de relations sociales engagée depuis 2008 par la direction de Gaz réseau distribution France (GrDF) – doivent être lus à l’aune de ce passif. Car, avant de devenir une filiale de GDF Suez, le 1er janvier 2008, GrDF, qui regroupe les activités de distribution de gaz de GDF, était une direction commune d’EDF et de GDF. Ses comités mixtes à la production, l’équivalent des comités d’entreprise, créés en 1946, avaient un « fonctionnement très heurté », selon Daniel-Jean Véniat, directeur des relations sociales de GrDF, qui parle d’avant 2008 comme de « l’ancien monde ».

« C’était un passage obligé, mais pas un lieu d’échanges », se souvient-il. « La direction proposait, la CGT s’opposait », résume Emmanuel Lefrançois, délégué central de la CFE-CGC. « Les représentants du personnel étaient rarement pris en compte », témoigne Olivier Decocq, délégué central CGT.

Travailler intelligemment

Mais, en 2008, GrDF, devenue une filiale de GDF Suez, se dote de ses propres IRP de droit commun. Les 36 accords sociaux qui encadraient le travail des salariés sont dénoncés ; les partenaires sociaux disposent alors de quinze mois pour les renégocier. « On comprend alors tous qu’on ne peut plus fonctionner comme avant, qu’il faut travailler intelligemment », se remémore Daniel-Jean Véniat, nommé aux relations sociales en janvier 2008. Un avis partagé par les syndicats. La CGT, qui “pèse” plus de 50 % des suffrages, est en situation de tout bloquer. Les autres syndicats représentatifs (CFDT, FO et CFE-CGC) regroupent un peu moins de 40 % des électeurs.

Le principe du dialogue social autrement (DSA) est simple. Il s’agit de prévoir un temps d’échange entre le management et les syndicats avant la mise en place de projets ayant une incidence sur les métiers et l’avenir de GrDF. « Plutôt que d’arriver avec un dossier déjà bouclé par le comex, nous rencontrons les partenaires sociaux en amont afin de co-construire », précise Daniel-Jean Véniat. Pour les dossiers soumis au DSA, le comité central d’entreprise (CCE) et le conseil d’administration « sont au même niveau d’information », selon le directeur des relations sociales.

Retardée de plusieurs mois du fait d’un important conflit social, la démarche est finalement testée en septembre 2009 pour renégocier le « carnet de prescription au personnel », c’est-à-dire l’ensemble des règles d’intervention sur le réseau. Alors que le précédent carnet, qui datait de 1985, était une production de juristes et de techniciens, le nouveau sera le fruit d’« un an d’échanges et de partages avec le terrain », explique Daniel-Jean Véniat. Il passe en CCE en 2010 et obtient un avis favorable, dont celui de la CGT. « C’était la première fois depuis la création de GrDF », commente Olivier Decocq.

Extension de la démarche

La démarche DSA est ensuite appliquée à « toutes les grandes transformations », selon le DRS. Mais, pour certaines, elle n’est pas couronnée de succès. Par ailleurs, d’autres négociations demeurent “classiques”, ce qui ne les empêche pas pour autant d’aboutir, parfois après un droit d’opposition de la CGT, comme sur le handicap et le temps de travail.

Après cinq ans de dialogue social autrement, les avis sont partagés. « Pour la première fois dans l’entreprise, des représentants du personnel, des salariés, des managers et la direction travaillent ensemble », se réjouit Daniel-Jean Véniat. Ce qui permet de réaliser un diagnostic commun, préalable à toute négociation.

Selon lui, le dialogue social autrement est « un investissement à moyen et long termes ». « On y passe du temps, mais on en gagne après, et il évite les expertises à 50 000 euros et les grèves », explique-t-il. Emmanuel Lefrançois, de la CFE-CGC, est moins enthousiaste : « Nous sommes en train de mettre en place quelque chose d’intéressant, mais nous ne sommes pas encore arrivés au bout. » Les syndicats peuvent désormais accéder aux ingénieurs, au comex et au codir et, ainsi, s’approprier techniquement le dossier avant d’en discuter politiquement.

Rapport de forces

Mais le dialogue social autrement se heurte, selon lui, à deux difficultés : « La direction n’est pas assez transparente dès qu’on aborde les questions de productivité qui peuvent avoir des conséquences sur l’emploi. » Par ailleurs, « certaines organisations syndicales sont encore trop arc-boutées sur le rapport de forces ». La CGT, quant à elle, relève également deux limites au dialogue social autrement. « C’est efficace sur les petits dossiers mais, dès que les enjeux deviennent importants pour la direction, elle oublie ses bonnes résolutions, analyse Olivier Decocq. En outre, le dialogue social autrement ne fonctionne pas bien localement, ce qui pourrait finir par avoir des répercussions au niveau national. Nous sommes critiques sur cette démarche, qui semble bien sur le papier. » Le syndicaliste réfute le fait que le DSA ait réduit la participation aux grèves.

À noter enfin que la démarche, très chronophage, n’est pas transposable à toutes les entreprises. Exemple avec le dossier en cours sur les “chargés d’affaire”. La CGT a quitté la première séance. Pour la faire revenir à la table, explique Olivier Decocq « la direction a scindé le dossier en six lots, chaque syndicat ayant droit à deux représentants. Avec ceux de la direction, cette négociation mobilise 60 personnes ».

GRDF

• Activité : distribution de gaz naturel.

• Effectifs : 12 479 salariés.

• Chiffre d’affaires 2011 : 2,9 milliards d’euros.

Auteur

  • E. F.