logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enjeux

N’est pas catégoriel qui veut

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’ | publié le : 25.06.2013 |

Image

N’est pas catégoriel qui veut

Crédit photo

Depuis la réforme de la représentativité syndicale engagée en 2008, la mesure de l’audience aux élections professionnelles constitue la pierre angulaire de la représentativité. Soucieux de sauver certaines organisations catégorielles, les partenaires sociaux, dans le cadre de la position commune du 9 avril 2008, et le législateur, par la loi du 20 août 2008, ont institué quelques privilèges à l’égard des organisations catégorielles, dont les dispositions nouvelles relatives à la représentativité « prouvée » auraient pu signer la condamnation à mort.

Un syndicat dit catégoriel, tels la CFE-CGC, doit, comme les autres, établir sa représentativité par le jeu des sept critères (le respect des valeurs républicaines, l’indépendance, la transparence financière, une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation, l’audience électorale, l’influence, les effectifs d’adhérents et les cotisations). À la différence des autres syndicats, l’appréciation de l’audience est soumise à un régime spécial. Aux termes des articles L. 2122-2 et L. 2122-7 du Code du travail, les seuils de 10 % (entreprise) et de 8 % (branche) sont appréciés au regard des suffrages exprimés dans le cadre des collèges dans lesquels les règles statutaires lui donnent vocation à présenter des candidats.

Ce privilège, dont la constitutionnalité (Cons. const. déc., n° 2010-63, 12 nov. 2010 QPC) et la conventionalité (Cass. soc., 28 sept. 2011, n° 10-19.113) ont été reconnues, pose la question de son application dès lors qu’un syndicat catégoriel peut présenter des candidats dans tous les collèges ou dans le seul collège de sa catégorie.

Un abondant contentieux a permis à la Cour de cassation d’apporter des réponses. Elle retient que, pour bénéficier de l’appréciation catégorielle de sa représentativité, un syndicat doit présenter des listes dans les seuls collèges où ces catégories sont représentées (Cass. soc., 28 sept. 2011, n° 10-26.693). En effet, si un syndicat, peu important son affiliation à une confédération catégorielle, peut, sauf disposition statutaire contraire, présenter des candidats dans tous les collèges, il ne pourra plus ensuite se revendiquer comme catégoriel et bénéficier d’un calcul de représentativité conformément à l’article L. 2122-2 du Code du travail. Et cela, même s’il a présenté des candidats uniquement dans un seul collège au premier tour, dès lors qu’au second tour il s’est présenté dans tous les collèges (Cass. soc., 31 janv. 2012, n° 11-60.135).

Un arrêt de la chambre sociale du 27 mars 2013 (n° 12-22.733) illustre à nouveau cette solution. En l’espèce, le syndicat CFDT groupe Air France Spasaf avait saisi le tribunal d’instance d’Aulnay-sous-Bois afin que le syndicat Eurnetec Bagages (SEB) CGC soit déclaré non-représentatif. Le syndicat CFDT groupe Air France Spasaf a été débouté au motif qu’en dépit des statuts du SEB CGC autorisant ce syndicat affilié à une organisation catégorielle à présenter des candidats dans tous les collèges, celui-ci n’en a présenté que dans le deuxième collège (cadres). Son audience électorale devait donc s’apprécier dans ce seul collège.

La Cour de cassation censure le tribunal. Elle vise dans un premier temps les dispositions de l’article L. 2122-2 du Code du travail, avant de retenir que l’application du régime dérogatoire en matière de représentativité ne s’applique qu’aux syndicats statutairement catégoriels. Par conséquent, dès lors que les statuts du syndicat lui donnent vocation à présenter des candidats dans tous les collèges, son audience doit être mesurée tous collèges confondus, peu important que des candidats n’aient été présentés que dans certains d’entre eux.

En définitive, le « privilège catégoriel » suppose, d’une part, que le syndicat soit statutairement catégoriel et, d’autre part, qu’il ne présente des listes que dans les collèges de sa catégorie. La question de la représentativité catégorielle n’est pas anecdotique dès lors qu’un syndicat catégoriel peut également négocier seul un accord applicable à la seule catégorie professionnelle qu’il représente (art. L. 2232-13 du Code du travail).

Damien Chatard, docteur en droit au cabinet Dupiré & Associés-STC Partners, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.