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S’inspirer de la réforme du droit du travail italien ?

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 11.06.2013 |

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S’inspirer de la réforme du droit du travail italien ?

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C’est sous la pression de la Banque centrale européenne que l’Italie s’est vu contrainte de réformer son droit du travail : en matière de négociation collective sur les salaires et les conditions de travail, d’une part, et en ce qui concerne l’embauche et le licenciement, d’autre part.

Le droit français pourrait-il s’en inspirer, alors que le droit du travail italien était auparavant beaucoup plus coûteux et restrictif pour les entreprises que le droit du travail français, et accusé de constituer un frein à la croissance des entreprises ?

Les objectifs de la loi du 28 juin 2012, dite Réforme Fornero (du nom de la ministre du Travail, Elsa Fornero, du gouvernement de Mario Monti), sont multiples et intéressants à plus d’un titre en ce qu’ils visent à la relance de la croissance : création d’un marché du travail dynamique, lutte contre la précarité et la “mauvaise” flexibilité, révision de certains contrats de travail (durée déterminée et intérimaires notamment) et relance de l’apprentissage, élargissement de la flexibilité en matière de licenciement pour les entreprises de plus de 15 salariés, révision des avantages sociaux et du marché du travail… L’Italie a donc cherché à permettre une flexibilité du marché du travail comme l’ont fait les partenaires sociaux français en négociant l’ANI du 11 janvier 2013.

C’est son volet “licenciements” qui a été le plus difficile à négocier, un véritable bras de fer s’étant engagé entre Mario Monti et les syndicats arc-boutés sur la préservation des acquis sociaux. Jusque-là, le licenciement “injustifié” se résolvait par la réintégration obligatoire du salarié et le paiement des salaires dus depuis la rupture du contrat de travail. En matière de licenciement économique, le nouveau texte réserve la réintégration aux cas où le motif invoqué pour le licenciement est manifestement inexistant ; de même, il limite le rappel de salaire entre la date de rupture et la réintégration à douze mois. Dans les autres cas, il n’y a plus réintégration, mais paiement de dommages-intérêts de 12 à 24 mois de salaire si le motif du licenciement n’est pas “objectif”. La réintégration du salarié avec paiement des salaires impayés depuis la rupture n’est plus ordonnée qu’en cas de licenciement “oral” (absence de motivation écrite) ou de non-respect des critères d’ordre ou en cas de licenciement discriminatoire.

Pour mettre fin aux CDD répétitifs et de très courte durée dans lesquels les salariés sont sous-payés et peu protégés, un nouveau type de contrat a été créé prévoyant un apprentissage de trois ans au cours duquel l’entreprise est libre de licencier le salarié ; en outre, le premier CDD de moins de douze mois n’a plus à être motivé. L’espoir est donc que la flexibilité de l’emploi créera de l’emploi.

La réforme du chômage a ramené à douze mois (dix-huit mois pour les plus de 55 ans) l’indemnisation de la perte d’emploi ; celle-ci s’élève à 75 % du salaire mensuel jusqu’à 1 180 euros + 25 % de la différence avec le salaire mensuel pour les salaires supérieurs à 1 180 euros. Plus important encore, l’indemnité chômage se réduit de 15 % après six mois puis après douze mois. Enfin, l’indemnité cesse notamment en cas de refus d’assister à une formation ; le salarié qui n’accepte pas le nouvel emploi qui lui est proposé peut perdre jusqu’à 20 % de son indemnité chômage.

Par comparaison, l’indemnisation maximale en France est de plus de 7 000 euros pour les hauts salaires (57,4 % du salaire de référence plafonné à quatre plafonds de Sécurité sociale) et d’une durée d’indemnisation de vingt-quatre mois (trente-six mois pour les plus de 50 ans). On se rappelle en outre que, de 1992 à 2001, l’indemnité chômage en France n’était pas fixe comme aujourd’hui mais dégressive, se réduisant avec la durée d’indemnisation.

Avec des méthodes sensiblement différentes qui résultent tant de l’histoire sociale de chaque pays que du socle social préexistant, l’esprit de la loi italienne est donc similaire à la future loi sur la sécurisation de l’emploi qui, entre autres mesures, et une fois validée par le Conseil constitutionnel, modifiera fondamentalement les procédures de licenciement collectif pour motif économique.

Il est trop tôt pour savoir si les réformes auront l’impact souhaité sur l’emploi, que ce soit en France ou en Italie, mais les efforts en ce sens ne peuvent qu’être louables.

Viviane Stulz, avocate associée au cabinet Actance, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.