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La période d’essai a-t-elle encore un avenir ?

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 28.05.2013 | VIOLETTE QUEUNIET

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La période d’essai a-t-elle encore un avenir ?

Crédit photo VIOLETTE QUEUNIET

En codifiant les règles relatives à la période d’essai, la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail avait pour ambition d’offrir un cadre juridique à la pratique des entreprises tout en développant des garanties pour les salariés. Dans un contexte de judiciarisation croissante des relations du travail, force est de constater que le contentieux lié à la rupture de la période d’essai se développe lui aussi, en se cristallisant notamment autour de deux points : la méconnaissance du délai de prévenance et le motif de la rupture.

1. Le délai de prévenance a été créé pour éviter la brutalité de certaines ruptures. Si le législateur a précisé que les règles relatives au licenciement ne s’appliquaient pas à la période d’essai, il n’a tiré aucune conséquence de la méconnaissance du délai de prévenance, l’article L.1221-25 alinéa 2 du Code du travail disposant simplement que « la période d’essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance ».

La doctrine et les praticiens s’interrogeaient sur le point de savoir si l’employeur devait rompre la période d’essai en veillant à ce que le terme du délai de prévenance soit antérieur à la date initialement prévue, ce qui pouvait revenir à amputer la période d’essai d’une durée non négligeable. L’essence même de la période d’essai étant de permettre à l’employeur « d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience », on comprend que cette solution n’était pas satisfaisante.

Conscientes de cette situation, certaines juridictions se sont appuyées sur des décisions antérieures à la loi de 2008 et rendues pour des préavis de périodes d’essai conventionnellement ou contractuellement prévus. La Cour de cassation a ainsi eu l’occasion de juger que « le non-respect par l’employeur d’un délai de prévenance, stipulé par le contrat de travail, n’imposant pas que ce délai s’insère dans la période d’essai et prenne fin avant le terme de cette période, n’a pas pour effet de rendre le contrat définitif » (Cass. Soc., 9 janvier 2008, n° 06-45.100).

Reprenant cette solution sous l’empire de la nouvelle loi, plusieurs cours d’appel ont jugé que le non-respect du délai de prévenance constituait une irrégularité ouvrant droit au bénéfice d’une indemnité compensatrice. D’autres juridictions ont été considéré au contraire que le non-respect du délai de prévenance transformait la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation vient de mettre un terme à ces tergiversations en jugeant qu’en cas de non-respect du délai de prévenance, la rupture de la période d’essai ne s’analyse pas en un licenciement (Cass. Soc., 23 janvier 2013, n° 11-23.428).

2. La loi n’impose aucun formalisme particulier en ce qui concerne la rupture de la période d’essai, de sorte que, contrairement au licenciement, l’employeur n’est pas obligé de la motiver.

La nécessité de se ménager la preuve du principe et de la date de la rupture impose naturellement à l’employeur d’écrire à l’intéressé. Certains salariés n’hésitent donc pas, à l’appui de cette lettre, à contester la rupture de la période d’essai. L’idée est de faire juger que la rupture interviendrait pour des motifs étrangers à leurs qualités professionnelles et de requalifier la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de leur faible enjeu financier, ces litiges sont rarement portés devant les cours d’appel et a fortiori devant la Cour de cassation, de sorte que l’aléa judiciaire demeure important dans ce type de contentieux.

Pour éviter toute condamnation, on ne saurait trop recommander à l’employeur de :

• rompre la période d’essai de la manière la plus neutre possible, sans évoquer le moindre motif ;

• ne pas rompre la période d’essai la veille de son terme, mais en respectant le délai de prévenance imposé par le Code du travail ou la convention collective applicable ;

• verser au salarié une indemnité compensatrice correspondant à la durée du délai de prévenance, si ce dernier n’a pu être accompli avant le terme de la période d’essai ;

• ne pas faire travailler le salarié au-delà du terme de la période d’essai.

Lionel Paraire, avocat associé, et Stéphanie Carrière, avocate, à Galion société d’avocats, membres d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.

Auteur

  • VIOLETTE QUEUNIET