Tout outil de gestion intègre une conceptualisation sous-jacente des comportements des individus qui, le plus souvent, s’écarte sensiblement des logiques professionnelles beaucoup plus concrètes et particulières. Mais cette dichotomie n’oblige pas seulement le salarié à trouver des compromis entre le réel et le prescrit, elle contraint les individus à adopter un comportement à la fois autonome et normé, qui, d’une part, les oblige à transporter des traits comportementaux individuels dans leur vie au travail (sociabilité, patience, aptitude à éviter les conflits…) ; de l’autre, soumet ce savoir-être à une estimation quantitative constante.

Dans cet ouvrage, des sociologues examinent les incertitudes face aux outils qui formalisent l’activité professionnelle dans le secteur public. Une diversité d’enquêtes de terrain permet d’explorer deux tendances principales. D’une part, le scénario de l’individualisation : à quelles conditions les régulations gestionnaires se resserrent-elles sur l’acteur au travail, et comment y répond-il ? D’autre part, le script de la normalisation : dans quelle mesure les outils de gestion en vigueur dans les services publics font-ils évoluer les délibérations et arbitrages au cœur des pratiques des agents ? En fin d’ouvrage se pose logiquement la question de savoir jusqu’où le paradoxe, qui consiste à enjoindre l’autonomie décisionnelle tout en multipliant les procédures de contrôle, est tenable, dans les secteurs public et privé.

Débordements gestionnaires

Sous la direction d’Hélène Buisson-Fenet et de Delphine Mercier, L’Harmattan, 232 pages, 23 euros.