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Une mobilisation accrue, des tabous toujours tenaces

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 16.04.2013 | FRANÇOIS LECOCQ

En 2013, l’enseigne d’hypermarchés fête vingt années d’engagement en faveur du handicap. Elle multiplie les actions dans ce domaine et double ses recrutements en CDI pour continuer à améliorer son taux d’embauche, actuellement supérieur à 7 %. Mais les écueils ne manquent pas.

Le 3 avril a débuté le tournoi handibasket qu’Auchan organise à Aubagne dans 24 de ses 127 magasins français jusqu’au début de l’été. Il est ouvert à tous ses collaborateurs, handicapés ou non (52 000 salariés, dont 3 500 en situation de handicap), et a pour but de les sensibiliser à la question du handicap. Ce tournoi s’achèvera par une finale à Lille le 18 septembre, rassemblant les six meilleures équipes, avec la remise officielle de dix fauteuils roulants à la Fédération française d’Handibasket.

Au-delà du symbole, cet événement fait partie des nombreuses actions engagées et des ambitions affichées par Auchan à l’occasion du vingtième anniversaire de sa politique en faveur du handicap. « Notre sixième accord d’entreprise s’achève en 2013 et nous voulons aller toujours plus loin, confirme Vincent Mignot, directeur général. Notre taux d’embauche a dépassé les 7 % en 2012, alors qu’il se situait à 4,9 % en 2008. Et nous prévoyons, cette année, 100 recrutements en CDI à comparer aux 200 concrétisés entre 2009 et 2012. »

Un doublement des recrutements qui s’explique aussi par la vingtaine de sites identifiés (magasins, entrepôts, centrale d’achat) où le taux d’embauche de personnes en situation de handicap est toujours inférieur au seuil légal de 6 %. Et, si la plupart des embauches concerne des postes d’employés (hôtesses de caisse, libre service…), Auchan souhaiterait aussi renforcer son encadrement. « Mais nous sommes confrontés à un réel déficit de candidatures ayant un niveau de formation initiale ou d’expérience suffisante. Pour les postes de managers de rayon, par exemple, nous embauchons généralement à bac + 5, or, parmi les étudiants handicapés, seuls 2 % disposent de tels diplômes », regrette Laurence Fornari, directrice adjointe de la formation. Pour accroître le nombre de candidats, Auchan fait appel depuis septembre à deux cabinets spécialisés, JobinLive et Consult Handi. Mais sans grand résultat pour l’instant. « Sans doute allons-nous devoir revoir nos exigences à la baisse en privilégiant la motivation plutôt que les diplômes », poursuit-elle.

Faire reconnaître son handicap

Depuis trois ans, Auchan a pourtant mis en œuvre toute une série d’actions destinées prioritairement à changer le regard de ses collaborateurs et à lever les tabous. « 80 % des handicaps ne sont pas visibles, l’un des enjeux est d’inciter les personnes concernées à faire reconnaître leur handicap », reconnaît Vincent Mignot.

Dans ce domaine, les réticences restent fortes. Employé libre-service à Auchan Faches-Thumesnil, Jean-Paul Delamarre a entrepris une reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapé (RQTH) il y a douze ans, à la suite d’une opération à la colonne vertébrale. « Je l’ai fait car on me l’a vivement conseillé, même si je ne me considère pas du tout comme handicapé ! Mais, après l’opération, le médecin du travail m’a déclaré inapte pour reprendre mon ancien poste. Heureusement, mon manager m’a soutenu et mon poste a été aménagé », précise-t-il. Dans un premier temps, car il a depuis repris le travail comme avant.

Communication et persuasion

Sophie Jeanson, la RRH du magasin, rappelle que l’employeur ne peut rien imposer, notamment en ce qui concerne la RQTH : « C’est un gros travail de communication et de persuasion, je connais plusieurs salariés qui devraient faire reconnaître leur gêne au travail, terme que je préfère à celui de handicap, mais qui ne bougent pas, redoutant la stigmatisation ou pensant, à tort, qu’ils seront freinés dans leur parcours professionnel. »

Pour faire évoluer les mentalités, elle a mis en place, en 2010, une commission préventive annuelle en partenariat avec le médecin du travail et les six chefs de secteur de l’hypermarché. « Elle permet de faire une revue des effectifs pour mettre à jour tous les problèmes rencontrés au travail. Ce qui a déjà fait changer les points de vue en impliquant les chefs de secteur, pour que chacun comprenne que ce sujet concerne tout le monde et pas seulement la RRH », souligne-t-elle. Avec un certain succès, puisque le taux d’embauche de personnes handicapées de ce magasin est passé de 2 % à 5,8 % et devrait franchir le seuil légal cette année.

L’ARME DE LA FORMATION

Cette démarche insufflée par la politique menée par l’enseigne depuis 2010 passe notamment par un plan de formation destiné à ses 6 000 collaborateurs de l’encadrement. Un cursus de quatre heures assuré par une troupe de théâtre et un cabinet spécialisé, dont l’objectif premier est de mieux faire connaître le handicap, ses enjeux dans l’entreprise, et de lutter contre les idées reçues. À ce jour, 80 % du contingent l’ont suivie et la formation se poursuit. En complément, Auchan a également mis en place un tutorat en magasin et dans les services pour mieux accompagner les collègues concernés. 300 tuteurs ont déjà été formés et, là encore, les efforts se poursuivent.

Enfin, l’entreprise consacre 460 000 euros par an pour le maintien dans l’emploi de ses salariés en situation de handicap. Et elle sollicite des prestations externes auprès d’Esat et d’entreprises adaptées pour 3 millions d’euros par an. De quoi contribuer à augmenter son taux d’embauche.

Auteur

  • FRANÇOIS LECOCQ