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Hôtels de luxe : pendant les travaux, la gestion du personnel varie

Pratiques | publié le : 16.04.2013 | ROZENN LE SAINT

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Hôtels de luxe : pendant les travaux, la gestion du personnel varie

Crédit photo ROZENN LE SAINT

Accords de maintien de salaire, plan de formation et possibilité de détachement dans d’autres enseignes… ou PSE : les salariés des établissements haut de gamme en chantier ne sont pas logés à la même enseigne. À Paris, le Prince de Galles, le Crillon et le Ritz ont chacun leur solution.

Les hôtels de luxe parisiens ferment tour à tour pour effectuer les travaux nécessaires de remises aux normes et, ainsi, ajouter une étoile à leur devanture. Depuis la création de la cinquième étoile en France en 2009 et celle de la “Distinction Palace” en 2010, tous les établissements veulent obtenir le Graal… D’autant plus que la concurrence asiatique sur le marché se fait rude. Pour cela, impossible de reporter encore des travaux de rénovation de taille, qui demandent plusieurs mois, voire années, de fermeture. « D’ici à 2015, cinq ou six hôtels de luxe ferment temporairement pour des travaux qui durent parfois jusqu’à deux ans et demi ; 1 500 salariés sont concernés », indique Didier Del Rey, secrétaire et référent hôtels de la CGT commerce. Alors, que faire du personnel pendant tout ce temps ?

Au Prince de Galles : un accord exemplaire et un plan de départs volontaires

Dans le secteur, un accord est présenté comme précurseur pour le maintien de l’emploi des salariés pendant les périodes de fermeture temporaire : celui de l’hôtel Prince de Galles. En réalité, la gestion des 170 salariés s’est déroulée en deux phases.

La première, qui donne valeur d’exemple à l’entreprise, est actée par la signature d’un accord en septembre 2010 prévoyant le maintien à 100 % du salaire pendant quinze mois à compter du 15 février 2011, un plan de formation, la possibilité d’être détaché dans un autre établissement, avec une majoration de salaire de 20 %. Cette dernière option est jugée « intéressante pour les salariés » par Jacques Shaker, délégué syndical CGT, majoritaire dans l’établissement : « Ils ne perdent pas leur niveau de compétences et gagnent en moyenne 400 euros de plus par mois. » Une trentaine de salariés en a profité.

Dans un second temps, avec le retard pris par les travaux, un avenant à l’accord est signé pour le prolonger jusqu’en juillet 2013 (l’établissement devrait rouvrir ses portes en mai). Mais, en même temps, la direction lance une réorganisation des services de restauration « avec des changements d’horaires importants. Ceux qui sont de journée peuvent aussi travailler la nuit, la coupure entre les deux services dégrade les conditions de travail », dénonce Jacques Shaker.

Au début, la direction, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions, a proposé des conditions de départs volontaires d’un mois de salaire pour cinq années d’ancienneté. Au bout de trois mois de négociations, la CGT a obtenu que les salariés partent avec trois mois de salaire par année d’ancienneté, un plan de formation, des aides à la création d’entreprise et au déménagement. Résultat, sur 46 salariés des services concernés, 40 ont opté pour le plan de départs volontaires.

Au Crillon, un accord final “avantageux”

À l’annonce de la fermeture de l’établissement pour deux ans à compter du 31 mars 2013, direction et syndicats planchent pendant huit mois sur un accord. Mais ils butent sur deux points. « Nous souhaitions d’abord le maintien du salaire à 100 % quoi qu’il arrive, sans condition d’aide de l’État, via une potentielle convention d’activigté partielle de longue durée (APLD) ; ensuite, que la possibilité de détachement dans d’autres établissements soit ouverte sans contrainte ni sanction possible en cas de refus », relate Claude Lévy, responsable de la CGT Hôtels de prestige et économiques (HPE), majoritaire et unique organisation représentative au Crillon, qui compte 360 salariés.

Face au refus du syndicat de signer l’accord, la direction se rabat sur un plan de sauvegarde de l’emploi. « Le plan de départs volontaires est un des dispositifs proposés dans le PSE. Pour certains salariés, partir dans ce cadre représentait un moyen d’être aidés dans leur projet de création d’entreprise par exemple, et de partir avec de belles conditions », justifie Sophie Chavignat, DRH de l’établissement. Mais la CGT porte l’affaire en justice, qui lui donne raison le 15 janvier dernier. Le tribunal de grande instance de Paris annule le PSE pour lequel la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise n’a pas été respectée.

Ce qui aboutit à un second accord signé le 7 février dernier, jugé « très avantageux et exemplaire » par Claude Lévy. Sans aucune condition, cette fois, il prévoit le maintien du salaire à 100 %, des détachements dans d’autres entreprises possibles pour des CDD avec des salaires majorés et un plan de formation. Et, même si de nombreux hôtels de luxe ferment en même temps leurs portes, augmentant le nombre de personnes qualifiées dans le secteur de l’hôtellerie de luxe sur le marché du travail, la DRH du Crillon affirme que « beaucoup d’établissements sont demandeurs. Nous portons à la connaissance de nos salariés les offres d’emploi que nous recevons. Si l’établissement dans lequel nos collaborateurs sont détachés pratique des salaires moins élevés, nous lui garantissons ce qu’il percevait au Crillon, avec un bonus de 30 %. C’est très incitatif. »

Le plan de formation de l’hôtel, qui s’élève à un million d’euros, met l’accent sur les formations en langues. « Pour répondre aux attentes de la clientèle internationale, nos collaborateurs devront maîtriser au moins l’anglais, spécifiquement ceux qui sont en contact direct avec elle. Les autres devront être suffisamment à l’aise pour répondre si on leur pose une question, indique Sophie Chavagnat. Nous avons de bons employés aujourd’hui, et souhaitons qu’ils renforcent leurs compétences pendant la fermeture de l’hôtel en suivant des actions de formation ciblées pour les retrouver ainsi à la réouverture, plus performants. » Sur des emplois très qualifiés, l’hôtel a également intérêt à retrouver son personnel une fois les travaux finis. « Sur certains postes, nous avons du mal à recruter. Par exemple, il n’y a pas suffisamment de gouvernantes formées sur le marché », admet la DRH.

Le plan de départs volontaires, lui, est maintenu. Les salariés qui choisissent cette option s’en vont avec une enveloppe équivalente à deux mois de salaire par année d’ancienneté.

Au Ritz, un plan social contesté

Parmi les issues possibles pendant la fermeture, le Ritz, lui, a opté pour la plus brutale : se séparer de la majorité de ses collaborateurs. En fermant ses portes le 1er août 2012 pour vingt-sept mois de travaux, l’établissement a supprimé 470 postes sur 500, une trentaine de cadres continuant de travailler sur la réouverture de l’établissement. « Ces employeurs richissimes sont conseillés par des DRH pointus qui ont pour mission de minimiser les frais liés à la fermeture provisoire. Ils se débarrassent de leur personnel, qui devient à la charge de Pôle emploi », déplore Didier Del Rey, de la CGT.

Même si l’Unsa, syndicat majoritaire de l’établissement, a signé le PSE, la CGT, elle, l’a contesté devant les tribunaux, au motif que « le Ritz a les moyens économiques d’assumer l’entièreté de sa responsabilité sociale vis-à-vis des salariés », selon l’exposé des arguments du jugement du 30 octobre 2012.

En clair, pour Didier Del Rey, « si les employeurs souhaitent procéder à des travaux dans leurs établissements, ce n’est pas à la collectivité de payer. L’employeur doit garantir une issue de secours à ses salariés. En signant une convention APLD, le personnel aurait bénéficié de formations. » Déboutée, la CGT va de nouveau plaider sa cause en appel le 25 avril. En attendant, 330 salariés du Ritz, déjà, ont réalisé leur transaction de départ volontaire, dont les montants varient « entre 10 000 et 120 000 euros », selon Didier Del Rey, le PSE prévoyant des indemnités de 80 % du salaire brut annuel, majorées jusqu’à 20 % en fonction de l’ancienneté. En outre, à la fin des travaux, les salariés dont le contrat a été rompu pourront faire valoir leur priorité de réembauchage, étendue à deux mois suivant la réouverture.

L’ESSENTIEL

1 D’ici à 2015, environ 1 500 salariés seront concernés par la fermeture provisoire d’hôtels de luxe, en chantier de rénovation.

2 Au Prince de Galles et au Crillon, un accord de maintien dans l’emploi et un plan de départs volontaires ont été proposés au personnel durant la fermeture.

3 Le PSE du Ritz a supprimé 470 postes le temps des travaux. La CGT l’a contesté devant les tribunaux.

Auteur

  • ROZENN LE SAINT