Octobre 2012 : le CHU de Nantes convie ses 400 cadres à participer à un séminaire sur le décryptage de la génération Y. Officiellement, la démarche s’inscrit dans la politique maison, dynamique, de formation continue des 11 500 agents – qui concerne 67 % du personnel chaque année. Mais ce raout sert aussi à souder les managers, après plusieurs conflits sociaux largement relayés par la presse locale.

La direction a convié des spécialistes issus de Sciences Po Paris, du CNRS ou de grandes entreprises comme Airbus. Ils s’expriment sous l’œil attentif de trois comédiens de Petits pas pour l’homme (3PH), qui ont pour mission d’écrire et d’interpréter, dans la foulée, trois saynètes de restitution des exposés et des débats. Leur ton est délibérément décalé, pour mieux marquer les esprits.

Ils retiennent, par exemple, le témoignage d’un ex-apprenti charpentier de marine, qui a choisi de se reconvertir comme infirmier de marine pour pouvoir partir en mer. Dans leur mise en scène, ils exploitent à fond l’image de son revirement professionnel : ils en font un distrait clouant, comme par réflexe, son patient avec des seringues. Rires dans l’assistance. L’instant d’après, une autre comédienne s’immisce dans le quiproquo, qu’elle finit par résoudre en citant Claude Lévi-Strauss, souvent repris par les intervenants.

« Nous voulions une journée qui procure une cohésion d’équipe. Dans notre milieu professionnel contraint et tendu, il faut créer du lien, insiste Philippe Lenoir, responsable de la formation continue du CHU de Nantes, qui a fait le pari de recourir à 3PH. Nous avions évalué l’effet de la prestation sur le public, qui a été positif. Le théâtre d’entreprise est dans l’air du temps. Mais mon souci était d’atteindre un objectif pédagogique, pas de proposer un simple divertissement. »

Le fait que cette TPE soit régulièrement associée au Cnam des Pays de la Loire était, pour lui, un gage de sérieux. Antoine Simon, le cofondateur de 3PH, explique sa démarche : « Nous cherchons à créer, dans le public, de l’émotion qui sera associée à un souvenir. Une surprise est marquante, à condition d’être associée à un contenu, c’est-à-dire à un message qui mérite d’être retenu. »

Le coût d’un spectacle participatif est de 3 000 à 4 500 euros. Le CHU nantais a imputé sa dépense, dans le plan de formation, sur une ligne d’ingénierie pédagogique fléchée sur le Cnam, qui était associé à ce séminaire.

D’autres départements du CHU ont prévu de faire appel à la petite compagnie, tandis qu’un nouveau séminaire est en préparation pour l’automne. Il portera sur un autre sujet consensuel, le bien-être en entreprise. Philippe Lenoir le voit comme un thème fédérateur : « Notre CHU rassemble 180 métiers. Il faut avoir à l’esprit des préoccupations trans-métiers, qui donnent au management de la hauteur de vue. »

Le recours au théâtre forum ne fournit pas qu’une respiration dans des débats sérieux. C’est un outil d’aide à la résolution de difficultés vécues, soutient Antoine Simon, qui organise aussi des ateliers de mises en situation. Là, les cadres se concertent par petits groupes avant de jouer la partition de leurs solutions à des problèmes comme l’alcoolisme au travail, un défaut de communication interservices ou l’amélioration des entretiens annuels d’évaluation.

« L’utilisation de cette activité permet d’amener le groupe à acter les questions, à travailler ensemble et de façon ludique sur des situations difficiles, et à chercher, ensemble, des alternatives à ces difficultés », poursuit Antoine Simon, qui a mis dans la boucle d’autres partenaires spécialisés dans les risques psychosociaux (Psya), le handicap (Exéco) et le management (Obifive), pour une mise en perspective des solutions trouvées.

• Activité : centre hospitalier.

• Effectif : 11 535 agents.

• Charges d’exploitation : 775 millions d’euros.