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Enquête

PÈDAGOGIE : JOUER POUR MIEUX SE FORMER

Enquête | publié le : 16.04.2013 | LAURENT GÉRARD

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PÈDAGOGIE : JOUER POUR MIEUX SE FORMER

Crédit photo LAURENT GÉRARD

L’usage des pédagogies ludiques dans les formations en entreprise se répand, mais la crise freine leur élan. La réussite de ce type de stratégie passe par une analyse fine de l’effet recherché, assurent les entreprises utilisatrices.

Se former grâce à des jeux de plateaux ou de rôle, dans des ateliers collaboratifs où tout aspect hiérarchique est gommé, en discutant après une représentation théâtrale… Se former en dehors de la salle de classe, en dehors de l’e-learning… Tout cela est possible dans certaines entreprises depuis bien des années, mais la méthode est-elle si répandue ? Bien qu’elle ne rencontre pas en France le même engouement qu’aux États-Unis ou en Allemagne, elle a fait son chemin dans les entreprises hexagonales, qui se sont mises à jouer pour former, et que la formule effraie de moins en moins.

Reste, malgré tout, un zeste de gêne vis-à-vis de ces pédagogies décalées. « Dans chaque période de crise, les entreprises réduisent sensiblement leurs efforts en matière de formation ou de communication, ou à tout le moins les réorientent, explique Chantal Barthélémy-Ruiz, chargée de l’enseignement du jeu dans la formation au master pro de sciences du jeu de l’université Paris 13, et également conceptrice et conseil en jeux de formation et parcours ludiques. Le ludique, le recul, l’analogie, le convivial paraissent moins évidents pour s’adresser au public ou aux collaborateurs lorsqu’il y a des craintes de plan social. Certains responsables d’entreprise nous déclarent : C’est la crise, si nous envoyons nos collaborateurs en formation et qu’ils y passent un bon moment, nous transmettons des messages contradictoires. La crise, c’est dur, pénible, fatigant, et tout le monde doit le ressentir. C’est méconnaître gravement les ressorts de la motivation… » (lire aussi l’entretien p. 26)

Des demandes spécifiques

Dans ce contexte, les experts du secteur rencontrent presque tous des difficultés. Pourtant, les visiteurs des espaces ludiques au salon Solutions ressources humaines–Ludimat Expo, en mars, ont été plus nombreux que l’année précédente, assure Chantal Barthélémy-Ruiz, et sont venus avec des projets : demandes fortes concernant l’égalité hommes-femmes, la sensibilisation des collaborateurs à l’insertion des personnes handicapées ou la formation spécifique de celles-ci, ou encore la présentation aux jeunes des fondamentaux de l’entreprise et des métiers qu’ils vont exercer. « Des demandes de professionnels en formations linguistiques, un peu déçus par l’e-learning et le serious game, poursuit Chantal Barthélémy-Ruiz. Ils terminaient leur visite du salon par le secteur ludique, demandant des jeux pour le français langue étrangère ou l’apprentissage d’une langue en présentiel. Enfin, les pédagogies évoquées lors de la conférence ludique sur la mise en œuvre de l’intelligence collective ont éveillé un intérêt certain. »

Une nouvelle approche

Les responsables d’entreprise et de formation qui témoignent dans les pages suivantes, le plus souvent convaincus de l’utilité des pédagogies alternatives, ont su persuader leur direction et les salariés. « Nous souhaitions faire participer des salariés issus de tous les métiers, mais aussi des membres du conseil d’administration, des représentants de familles d’usagers, des autorités de tutelle et les représentants du personnel, explique Christian Albecker, directeur général de la fondation médico-sociale Sonnenhof à Strasbourg (lire p. 22). « Nous devions trouver d’autres approches pour aborder des thèmes ardus », confirme Sébastien Aubugeau, chef de projet au pôle formation de GMF Assurances (lire p. 26). De même pour Alain Drillet, directeur du développement des ventes de La Poste (lire p. 25) : « Il fallait proposer du neuf afin de rendre plus autonomes et responsables les directeurs. » « Dans notre milieu professionnel contraint et tendu, c’est un moyen de créer du lien », ajoute Philippe Lenoir, responsable de la formation continue du CHU de Nantes (lire p. 23). Édith Dendeleux, directrice anticipation développement de l’Aforp (lire p. 22), souhaite développer ce modèle pédagogique à l’usage des formateurs comme des apprentis : « Se mettre à la place de l’apprenant montre l’utilité de ce système auprès des apprentis. »

Pas d’angélisme pour autant. Recourir au théâtre, au jeu, à la collaboration pour se faire plaisir n’a aucun sens, assurent tous ces interlocuteurs. Une fois la question soulevée par le « détour pédagogique », tout commence. L’entreprise doit ensuite la gérer. « L’après-jeu est plus important encore que le moment du jeu, confirme Chantal Barthélémy-Ruiz. C’est l’instant du transfert à la réalité, du pontage avec le réel. C’est là qu’on valorise l’action de jouer, par la verbalisation et l’analogie. »

L’ESSENTIEL

1 Très répandues dans certains pays, les pédagogies ludiques appliquées à la formation professionnelle se développent plus lentement en France.

2 Lorsqu’elle est bien ciblée, cette approche permet d’aborder des thèmes ardus et de créer de nouveaux liens entre apprenants.

3 Elle trouve sa pleine efficacité lorsqu’elle est couplée à d’autres techniques de formation plus classiques.

Auteur

  • LAURENT GÉRARD