Le 6 avril 1917, le général en chef Nivelle, nommé en décembre 1916, expose à Raymond Poincaré, président de la République, la préparation d’une attaque massive engageant 800 000 hommes et 3 000 canons, prévue pour le 16 avril au Chemin des Dames. Depuis que le plan est divulgué, beaucoup d’officiers, de généraux, dont Pétain, et le ministre de la Guerre Paul Painlevé, ont fait connaître leurs réticences. Lors d’une ultime réunion avec ces interlocuteurs, Poincaré tente de faire son choix, lassé des disputes qui affaiblissent l’armée et le commandement. Au final, seul, en proie au désarroi, il prend le parti de Nivelle, et le Chemin des Dames sera la tragédie que l’on connaît. La décision n’était pas la bonne.

Cette scène, et le processus de décision qu’elle illustre, a été reproduite, en juin 2012, devant 70 directeurs d’agence et managers de proximité de la direction télévente de La Poste, au cours d’un séminaire sur l’art de décider proposé par le prestataire Univers clients et Bruno Jarrosson, auteur de la pièce et consultant en stratégie du Cabinet DMJ Consultants.

Ce séminaire comporte trois étapes. Tout d’abord, une représentation de la pièce de théâtre relatant les faits historiques, interprétée par des comédiens professionnels. Puis un travail en sous-groupes « pour réagir émotionnellement aux situations présentées dans la pièce et aux enseignements tirés sur la prise de décision », selon Guy Uzan, directeur d’Univers clients. Enfin, un débriefing final avec une conférence de Bruno Jarrosson sur l’art de décider.

Quels étaient les objectifs de la direction de la télévente de La Poste quand elle a choisi de recourir à cette formule pédagogique décalée ? « Pour chaque manager : élargir ses connaissances dans l’art de décider, perfectionner ses aptitudes au leadership et prendre du recul face à la prise de décision. Pour l’entreprise : optimiser la performance de ses dirigeants et de ses managers et renforcer la responsabilité et le sens de l’engagement », explique Alain Drillet, aujourd’hui directeur du développement des ventes, et alors directeur national de la télévente lorsqu’il a pris la décision de recourir à ce séminaire théâtre.

« En juin 2012, après trois années où la direction nationale de la télévente avait donné tous les basiques, mais également travaillé avec les équipes sur l’écoute, le coaching, l’attention à l’autre, la proximité, les styles sociaux… il fallait proposer du neuf, innover, éviter la routine, se souvient Alain Drillet. Afin de rendre encore plus autonomes et responsables ces directeurs d’agences, ces managers de proximité et les membres des comités de direction, dont les responsables qualité, RH et technique. »

Il travaille avec Guy Uzan depuis 2004 (sur le team building), et a été séduit par cette approche.

« La représentation du Chemin des Dames est l’occasion de beaucoup d’émotions. Le théâtre a été un cadeau facilitant l’analyse du processus de décision, et la conférence a permis l’enrichissement. L’ensemble a provoqué étonnement, travail en petits groupes sur la transversalité du choix, ce qui a permis de casser le rapport hiérarchique sur la décision », juge Alain Drillet.

« Cela a été une surprise, un secret bien gardé avant l’événement, pour conserver tout son impact, analyse Olivier Bertrand, aujourd’hui directeur ventes pour la région Ile-de-France et directeur de la région marseillaise en 2012, qui a assisté à ce séminaire. La prise de conscience agit dans le temps, des mois plus tard, et ce format de formation, très marquant, donne la possibilité de se projeter dans sa vie personnelle comme professionnelle. Dans les mois qui ont suivi, des débats internes sur la préparation d’une décision se sont tenus. On a acquis un discours commun sur le travail individuel et collectif menant à une décision. Sans être dans une logique de démocratie totale, impossible en entreprise, nous sommes dans une logique de loyauté. »

Pour illustrer l’impact positif du séminaire, au-delà de la prise de conscience, et alors qu’aucun indicateur tangible et concret n’avait été arrêté a priori, Alain Drillet se réfère à l’enquête de satisfaction interne intitulée “De vous à nous”, qui porte notamment sur les conditions de travail. Selon lui, le taux d’adhésion à l’assertion « L’entreprise me donne les moyens d’être responsable » est fort, et en croissance.

Une affirmation reprise par Olivier Bertrand : « Une autre question de cette enquête de satisfaction interne porte sur la confiance envers le n + 1 et le n + 2, explique-t-il. Dans la région de Marseille, la part d’avis positifs est passée de 40 % en 2009 à 75-80 % en 2012. »

Autre élément d’appréciation positive : l’université du courrier de La Poste souhaite reproduire en 2013 le séminaire sur l’art de décider pour toutes les directions opérationnelles du groupe, ainsi que pour les RH du siège.

• Activité : vente aux entreprises et professionnels des services et outils courriers de La Poste.

• Effectif : 600 salariés.