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Dans la “sécurisation”, les DRH aiment la flexibilité

Actualités | publié le : 16.04.2013 | EMMANUEL FRANCK

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Dans la “sécurisation”, les DRH aiment la flexibilité

Crédit photo EMMANUEL FRANCK

Interrogés par Inergie à la demande d’Entreprise & Carrières et de l’ANDRH, les DRH portent un jugement très nuancé sur la future loi de sécurisation de l’emploi. Ils plébiscitent les accords de maintien dans l’emploi mais ne croient pas aux nouvelles procédures de PSE.

Le projet de loi sur la “sécurisation de l’emploi”, adopté le 9 avril en première lecture par les députés, favorise la… flexibilité. C’est en tout cas ce que répondent les DRH sondés par Inergie* à la demande d’Entreprise & Carrières et de l’ANDRH. Un peu plus de la moitié (54 %) estiment que la loi en préparation répond à l’objectif de flexibiliser l’emploi, tandis que 44 % pensent qu’elle va sécuriser le parcours des salariés.

Le pari du dialogue social

L’accord national interprofessionnel (ANI) signé le 11 janvier par la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC et le patronat, que les députés ont retranscrit fidèlement, serait donc déséquilibré, aux dires même des DRH ? Pas si simple, répond Jean-Christophe Sciberras, président de l’ANDRH. Selon lui, l’ANI de janvier et le projet de loi sont des textes historiques et objectivement équilibrés, mais « c’est une réforme à multiples facettes, qu’il est encore difficile de maîtriser dans sa totalité ». Ce qui expliquerait la perception nuancée qu’en ont encore les DRH. « L’ANI et la loi en préparation font le pari – et c’est une bonne chose – du dialogue social d’entreprise pour accompagner les évolutions ; en soi, et contrairement à ce qu’on entend parfois, l’ANI et la loi ne flexibilisent rien du tout : tout dépendra de ce qui sera négocié et signé demain dans les entreprises », explique-t-il. « Cette réforme, qui ajuste substantiellement le Code du travail, passe en douceur auprès des DRH, comme auprès des syndicats et des parlementaires », analyse de son côté Luc Vidal, directeur général d’Inergie.

Parmi les principales dispositions de la loi en cours d’adoption, ce sont justement deux nouvelles possibilités de négociation d’entreprise que les DRH plébiscitent. La mesure qu’ils jugent la plus pertinente est l’accord de maintien dans l’emploi. « L’industrie est la plus demandeuse, probablement parce que ce secteur est davantage touché par la crise que les services », précise Luc Vidal. « Cette disposition était attendue des DRH, à qui les directions générales demandent d’être créatifs pour éviter les PSE et sauvegarder les emplois par d’autres mesures que des licenciements », analyse Jean-Christophe Sciberras. Selon lui, la nouveauté introduite par la réforme réside dans le fait qu’il n’y a pas de PSE lorsque plusieurs salariés refusent de se voir appliquer l’accord de maintien dans l’emploi.

C’est de nouveau une négociation que les DRH placent en deuxième position : celle des accords sur la mobilité interne professionnelle et géographique. « C’est une mesure intelligente et simple à comprendre », estime le président de l’ANDRH, pour qui la nouveauté réside là encore dans le fait que le refus de plusieurs salariés n’entraîne pas de PSE. Le motif de licenciement est économique et non plus personnel, comme l’ANI le prévoyait. L’industrie est, là encore, la plus intéressée.

Accès au logement

Plus surprenant, les adhérents de l’ANDRH voient avec intérêt la facilitation de l’accès au logement pour les jeunes et les salariés précaires. Ce n’est pas la mesure phare de la réforme, ni celle qui aura le plus d’incidences sur l’entreprise. Le texte voté par les députés prévoit simplement que la commission logement du CE devra prendre en compte l’accès au logement des nouveaux embauchés et des salariés lors d’une mobilité ; en outre, il élargit la liste des publics prioritaires aux services d’Action logement. « C’est social et cela ne coûtera rien aux entreprises », explique Luc Vidal. « Cette mesure est liée à l’inflation des prix de l’immobilier, à l’allongement des temps de transport et au stress que cela occasionne », commente de son côté Jean-Christophe Sciberras.

Limites et difficultés de mise en œuvre des dispositions

Toutes les autres dispositions du projet de loi ne sont jugées pertinentes que par une minorité de DRH, qui en anticipe les limites et les difficultés de mise en œuvre. Ainsi, la période de mobilité externe permettant un retour dans l’entreprise : « C’est astucieux, car les salariés français craignent de changer d’employeur, commente le président de l’ANDRH. Toutefois, il faut reconnaître qu’actuellement, les entreprises qui viennent d’embaucher un salarié n’ont pas pour habitude de rompre son contrat de travail, si bien qu’en pratique, le retour à l’entreprise d’origine sera très limité. En même temps, cela favorisera les mobilités externes. »

La réforme du PSE suscite plutôt l’indifférence des DRH. La possibilité d’en négocier les modalités et le contenu sera sans conséquences particulières pour 42 % d’entre eux. « Les DRH savent qu’il leur sera très difficile d’obtenir un accord majoritaire sur ce sujet, explique Jean-Christophe Sciberras. Pourquoi passerait-on d’un avis négatif du CE, cas le plus fréquent, à un accord majoritaire ? » La procédure d’homologation du PSE par la Direccte est quant à elle jugée contre-productive par 21 % des DRH. « D’une part, on ne sait pas quelle sera l’attitude de l’administration du travail vis-à-vis de l’homologation ; il faudra attendre la circulaire, à mon sens aussi importante que la loi elle-même. D’autre part, les DRH pensent sans doute que l’homologation sera accordée par l’inspection du travail, perçue comme plutôt favorable aux salariés, alors que le projet de loi et l’ANI prennent soin de préciser que la décision revient au directeur régional du travail, ce qui n’est pas la même chose. »

Mieux se soigner

La complémentaire santé collective obligatoire reçoit un accueil plus favorable qu’on ne pouvait le supposer (38 %). « Sans doute parce que les DRH sont sensibles au fait que les salariés pourront mieux se soigner, ce qui est précieux pour l’entreprise, mais aussi peut-être parce qu’ils y voient un intérêt… pour eux-mêmes, en tant que salariés », relève Jean-Christophe Sciberras. Les 43 % qui pensent que cette mesure n’aura pas d’incidence travaillent sans doute dans des entreprises déjà couvertes.

Enfin, les deux mesures qui suscitent le plus d’opposition sont l’augmentation de la durée minimum de travail (24 heures par semaine) pour les salariés à temps partiel (35 % jugent négativement cette disposition) et la taxation des contrats courts, que 52 % des DRH trouvent contre-productive. « Car ils savent que cela n’incitera pas les entreprises à signer davantage de CDI, contrairement à l’objectif poursuivi par les organisations syndicales signataires, mais plutôt à utiliser des CDD un peu plus longs ou des contrats d’intérim », explique le président de l’ANDRH.

Le projet de loi doit être examiné en séance publique au Sénat à partir du 17 avril, pour une adoption définitive début mai.

* Sondage réalisé par Internet du 19 mars au 7 avril auprès de 201 professionnels de la fonction RH, membres de l’ANDRH.

Auteur

  • EMMANUEL FRANCK