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Enquête

MILITER PLUS POUR GAGNER AUTANT

Enquête | publié le : 09.04.2013 | EMMANUEL FRANCK

Les commerciaux de LCL détenteurs d’un mandat bénéficient d’objectifs adaptés. Les hiérarchies jouent le jeu et les syndicats constatent qu’ils engrangent des adhésions.

Il est illégal de moins payer un salarié mandaté. Mais comment faire lorsque ledit salarié est un commercial rémunéré en fonction de ses résultats ? Et comment convaincre un commercial de prendre un mandat qui risque de l’empêcher de réaliser son chiffre d’affaires et donc de réduire son salaire ? Cette quadrature du cercle, bien connue des directions et des syndicats, semble avoir été résolue à LCL. La direction de la banque et trois syndicats (SNB, CFDT, FO) sont en effet convenus, par un accord sur le dialogue social signé en mars 2010, que « la réalisation d’objectifs diminués du fait de mandats syndicaux doit permettre au salarié d’obtenir une rémunération de la performance commerciale équivalente à celle qu’il aurait obtenue si ses objectifs n’avaient pas été réduits ». Cela vaut pour les commerciaux mais aussi pour tous les salariés percevant un variable sur objectif.

Faire vivre le principe

Ce principe posé, il reste à le faire vivre. Il existe deux cas de figure en fonction de l’importance du mandat. Le plus simple est celui du militant qui passe plus de 75 % de son temps en mandat : il perçoit un versement annuel calculé sur la moyenne des versements perçus au cours des trois années précédant le mandat.

Deuxième cas de figure : « Quand le syndiqué consacre moins de 75 % de son temps à son mandat, il peut y avoir une révision de ses objectifs commerciaux afin qu’il ne perde pas sa rémunération variable », explique Philippe Kernivinen, délégué syndical national FO. L’objectif est alors proportionnel au temps consacré à son activité commerciale, de telle sorte que la prime est de 100 % si l’objectif est réalisé », déclare Bernard Augris, responsable des relations et de la gestion sociales à LCL. L’adaptation des objectifs est décidée avec la hiérarchie ou avec le service RH, selon l’importance du mandat.

Aux dires de Philippe Kernivinen, les hiérarchies jouent le jeu. « Certaines régions ne veulent pas toucher aux objectifs ; dans ce cas, l’ajustement est calculé en fonction du salaire antérieur », comme pour un mandat lourd, témoigne-t-il.

Poids sur l’objectif de l’équipe

Toutefois, il y a une difficulté : si l’objectif diminué du mandaté pèse sur l’objectif de son équipe, celle-ci devra faire son travail à sa place, ce qui ruinera son image. « Il n’y a pas de solution puisqu’il n’y a pas de budget dédié pour combler le delta. C’est l’état d’esprit de l’équipe qui joue », constate Christian Confolant, délégué national adjoint du SNB. « Le discours officiel est que l’objectif qu’on baisse à un endroit est recrédité au niveau d’un groupe d’agences, ce qui est une manière de faire culpabiliser le mandaté, explique Philippe Kernivinen. Mais il est aussi possible de jouer sur les objectifs prévisionnels pour atteindre le réalisé souhaité. »

À noter qu’un changement de poste peut également être envisagé. Par exemple, le commercial peut passer dans une “équipe d’appui” pour remplacer une personne absente d’une agence.

Avant cet accord, les mandatés avec un variable ne voyaient pas baisser leur rémunération. « Les commerciaux mandatés perdaient leur variable, que la direction compensait par des hausses de salaire. Le problème, c’est qu’au moment de réintégrer un poste, leur salaire était trop élevé, ce qui les pénalisait », se souvient Philippe Kernivinen. Au final, le nouveau système est moins intéressant d’un point de vue financier, mais il avantage les allers et retours entre le mandat et le poste.

D’abord un engagement

C’est exactement le message que veut faire passer le SNB, notamment auprès des jeunes. « Le syndicalisme ne se conçoit pas comme un métier à vie mais le temps de deux ou trois mandats », déclare Christian Confolant, qui, en revanche, ne veut pas mettre en avant la question de la rémunération, « parce que le syndicalisme est d’abord un engagement ». Couplé à une politique de développement « rendue nécessaire par la réforme de la représentativité », ce message permet au SNB de « faire de plus en plus d’adhésions chez les jeunes ». Philippe Kernivinen estime quant à lui que l’adaptation des objectifs « permet d’avoir des syndiqués provenant du réseau, alors qu’auparavant, ils venaient essentiellement du back office ».

Des mandatés à Sciences Po : l’essentiel est fait

Comme Axa, Oséo, PSA ou BNP, LCL propose à ses syndicalistes un « parcours certifiant culture économique et social » dispensé par l’Institut d’études politiques de Paris. « L’objectif est d’assurer le renouvellement des générations des partenaires sociaux, c’est donc un dispositif qui valorise l’engagement syndical, mais aussi qui permet d’avoir des interlocuteurs qui maîtrisent l’ensemble des enjeux du secteur bancaire », explique Bernard Augris, responsable des relations et de la gestion sociales à LCL. Chaque organisation syndicale représentative dispose de six places. Sur le papier, la certification n’entraîne pas de valorisation du poste, « mais cela se fait », déclare Christian Confolant, du SNB. « La première promotion était composée de militants plutôt chevronnés qui restaient en mandat, explique Philippe Kernivinen, délégué syndical national FO. La deuxième, de jeunes sur lesquels nous souhaitions investir. » Le parcours certifiant n’a donc pas été utilisé pour retourner en production. « Dans ce cas, nous leur proposons une formation en rapport avec leur futur métier », explique Bernard Augris. Le dispositif, réservé aux mandats « lourds » (plus de 66 %) et aux syndicalistes avec de l’ancienneté, a déjà formé deux promotions d’un peu moins de 25 personnes chacune, et prépare la troisième, qui n’en comporte qu’une quinzaine. « Une bonne partie de ceux qui devaient entrer dans le parcours l’auront bientôt réalisé, il va certainement falloir songer à faire évoluer le système », déclare Bernard Augris.

LCL

• Activité : banque.

• Effectif : 20 900 salariés fin 2012.

• Chiffre d’affaires : 3,8 milliards d’euros en 2011.

Auteur

  • EMMANUEL FRANCK