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Les accords transnationaux sous l’œil de l’Europe

Pratiques | publié le : 19.03.2013 | MARTINE ROSSARD

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Les accords transnationaux sous l’œil de l’Europe

Crédit photo MARTINE ROSSARD

Initiatives de la Commission européenne, mobilisation des comités d’entreprise européens et des fédérations syndicales européennes : le Vieux Continent joue un rôle moteur dans la signature d’accords d’entreprise à vocation mondiale. L’Europe souhaite désormais mieux encadrer leur mise en œuvre.

La Commission européenne rendra publique fin mars la synthèse des résultats de la consultation dans la perspective de l’élaboration d’un “cadre optionnel” pour le développement des accords transnationaux auprès des “parties prenantes” - États membres et partenaires sociaux -, lancée en septembre dernier. Les réponses devraient être déterminantes pour une éventuelle initiative législative communautaire. Celle-ci pourrait porter sur l’amélioration de la mise en œuvre des accords transnationaux, leur articulation avec les autres niveaux de dialogue social, le renforcement de la sécurité juridique des textes et la qualité des signataires.

Depuis 2008, la mobilisation de la Commission européenne sur le sujet est forte. Elle s’est notamment traduite par la mise en place d’un groupe d’experts, réuni six fois entre 2009 et 2011, à l’origine d’un rapport soulignant l’intérêt des accords transnationaux « dans l’identification et la mise en œuvre de solutions négociées pour relever les défis posés par les mutations économiques ». La Commission souligne d’ailleurs que la négociation d’accords transnationaux « fait partie du dialogue social européen ».

Les fédérations syndicales souhaiteraient désormais avancer, mais le patronat européen, représenté à Bruxelles par Business Europe, freine des quatre fers. « Je pense que ça va prendre du temps, le contexte n’est pas favorable aux normes, vues comme des contraintes pour l’économie », déclare Isabelle Schoemann, chercheure attachée à l’Institut syndical européen (ETUI). « Le frein vient surtout des représentants de Business Europe, alors que beaucoup de multinationales, elles, voient un intérêt à montrer leur engagement pour les droits fondamentaux des salariés », poursuit-elle.

Définir les acteurs habilités à négocier

Parmi les répondants à la consultation de septembre dernier : neuf organisations d’employeurs, sept syndicats et quatre ministères nationaux. Dans une position adoptée en décembre, Business Europe se montre hostile à toute initiative de la commission avec des arguments majeurs. Tout d’abord, seule une centaine des 53 000 multinationales basées dans l’union a conclu un accord transnational. Celles qui ont signé sont satisfaites, donc l’élaboration de standards européens ne s’impose pas. Ensuite, le “sur-mesure” selon les pays et les entreprises doit être sauvegardé. Sur son site, la Confédération européenne des syndicats (CES) appelle au contraire à combler les lacunes existantes, notamment sur la définition des acteurs habilités à négocier, la forme et la transparence des accords et sur les dispositions visant à prévenir les contentieux juridiques.

Pour la CES, les comités d’entreprise européens peuvent déterminer si un accord transnational est nécessaire ou opportun, entamer le processus ou ouvrir la voie à des négociations, informer les salariés d’un accord. Mais, conformément aux directives européennes, « ils n’ont pas de mandat de négociations ». Les fédérations syndicales européennes, « en étroite coopération avec leurs affiliés nationaux », doivent, pour la CES, être négociateurs des accords transnationaux.

Ainsi, en 2011, 215 de ces accords étaient répertoriés concernant 138 sociétés et 10 millions de salariés.

Sur sa base de données mise en place en 2011, la Commission européenne publie la liste de sociétés concernées. Liste non exhaustive, sur laquelle apparaissent essentiellement celles ayant leur siège dans l’Union européenne. Les multinationales françaises y figurent en plus grand nombre : Accor, Club Méditerranée, Carrefour, Danone, EDF, Lafarge, PSA, Renault, Rhodia, Vallourec. Elles côtoient des constructeurs automobiles et des industriels de la mécanique allemands, des entreprises suédoises, le géant luxembourgeois Arcelor… Mais on comptabilise aussi quelques entreprises états-uniennes, canadiennes, brésiliennes, russes ou sud-africaines, toutes dotées d’un comité d’entreprise européen. De nombreux accords reprennent les conventions de l’OIT contre le travail forcé ou le travail des enfants, pour le respect du droit syndical… D’autres portent spécifiquement sur les restructurations, la responsabilité sociale ou la santé et la sécurité au travail.

Dans la pratique, les accords transnationaux sont très majoritairement signés par le comité européen de la société et éventuellement cosignés par des fédérations syndicales sectorielles mondiales et/ou par des syndicats nationaux. Mais ils le sont quelquefois par des représentants de travailleurs non mandatés ou non représentatifs. Avec le risque, souligné par Isabelle Schoemann, de textes servant surtout l’image de l’entreprise, non contraignants, éventuellement confidentiels et quelquefois mort-nés. D’où la nécessité, soulevée par la commission, de la clarification des effets juridiques des accords. Car à quoi sert un texte qui reste lettre morte faute d’être communiqué aux directions et aux salariés concernés, faute d’un médiateur ou d’une instance chargée de son application, faute de commission de suivi ?

L’ESSENTIEL

1 La synthèse de la consultation lancée en septembre dernier par la Commission européenne dans la perspective d’un “cadre optionnel” pour le développement des accords transnationaux sera publiée fin mars.

2 Les comités d’entreprise européens jouent un rôle moteur dans la négociation d’accords transnationaux et en sont souvent signataires, bien que les directives européennes ne leur aient pas donné cette prérogative.

3 La Confédération européenne des syndicats plaide pour la définition des acteurs habilités à négocier, pour la transparence et l’effectivité des accords et pour des dispositions en vue de prévenir les contentieux juridiques.

EUROSPORT
Un accord mondial pour 700 salariés

Un “accord mondial sur les droits fondamentaux” a été conclu en octobre 2012 à Eurosport (groupe TF1), qui compte environ 700 salariés travaillant dans une centaine de pays. Côté syndical, l’accord a été négocié et signé par UNI MEI, secteur médias d’Uni Global Union, fédération syndicale mondiale regroupant quelque 140 organisations de travailleurs, ainsi que par les DS CFDT et CFTC d’Eurosport et de TF1. Notamment Pierre Vantorre, DS CFDT à TF1 et vice-président d’UNI MEI, cheville ouvrière de l’accord.

Eurosport s’engage à veiller à l’application des conventions fondamentales de l’OIT. Notamment empêcher l’utilisation du travail forcé, interdire le travail et l’exploitation des enfants, lutter contre les discriminations, veiller à la santé et à la sécurité au travail, respecter la liberté syndicale et le principe de la négociation collective.

Rien n’est dit sur les moyens de diffusion du texte dans les implantations d’Eurosport. En cas d’entorses, UNI MEI s’engage, préalablement à une communication externe, à contacter la direction pour concertation. « Nous souhaitons faire de cet accord une vitrine pédagogique », déclare Pierre Vantorre, qui escompte d’autres accords de ce type dans les médias français à dimension internationale.

Auteur

  • MARTINE ROSSARD