A partir de l’étude de trois discriminations : celle concernant les migrants et les descendants de migrants “non-blancs” et de groupes perçus comme culturellement différents, les femmes et les minorités sexuelles, quatre sociologues se livrent à une analyse fine, non de ce que sont les discriminations, mais de la manière dont elles sont ressenties. Leur conclusion : ce n’est pas dans les milieux où la discrimination est la plus flagrante (comme par exemple dans le cas de recrutements ethniques) qu’elle est le plus durement vécue.

A contrario, des personnes dont la réussite personnelle est indéniable peuvent se sentir stigmatisées. Elles se voient sans cesse renvoyer à une identité collective, voire sont obligées d’assumer le rôle au nom de la diversité. Au-delà de ces analyses, les auteurs soulignent la place de la montée des individualismes dans la perception des discriminations. Penser les rapports sociaux en termes de classes plutôt que de relations entre les personnes revient à attribuer un rôle fondamental aux rapports de production. Quand c’est le cas, les inégalités ne sont peut-être pas acceptées mais elles paraissent au moins dans l’ordre des choses.. Ce n’est que dans une idéologie méritocratique, où chacun est supposé avoir une chance égale de réussir, que chaque membre d’une minorité discriminée peut se poser la question du “pourquoi moi ?” devant un traitement inéquitable.

Pourquoi moi ? L’expérience des discriminations

François Dubet, Oliver Cousin, Éric Macé, Sandrine Rui, Seuil, 384 pages, 23 euros.