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« En Allemagne, 82 % des pactes pour l’emploi comportent des contreparties précises »

Enquête | publié le : 19.02.2013 | ÉLODIE SARFATI

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« En Allemagne, 82 % des pactes pour l’emploi comportent des contreparties précises »

Crédit photo ÉLODIE SARFATI

E & C : Les accords de maintien de l’emploi sont largement inspirés des pactes pour l’emploi allemands. Quelle est l’ampleur de ces négociations outre-Rhin ?

O. C. : Ces pactes, qui permettent de déroger sur les salaires et le temps de travail, se sont surtout développés après l’accord emblématique de Volkswagen, en 1993. Ils sont aujourd’hui totalement intégrés au mode de régulation du travail. Ainsi, en 2003, 23 % des établissements allemands de plus de 20 salariés avaient conclu un pacte pour l’emploi, dont 42 % des entreprises de plus de 1 000 salariés. En 2005, ils étaient 29 %. En 2009, ce chiffre a bondi à plus de 58 %. Il y a donc eu un effet net de la crise. Pourtant, en dehors de cette période exceptionnelle, on voit que ce ne sont pas toujours les entreprises en difficulté qui concluent le plus fréquemment ces pactes.

E & C : Ils ne répondent donc pas nécessairement à des besoins d’adaptation conjoncturelle ?

O. C. : Non. L’inflexion s’est faite en 2004 avec l’accord de Pforzheim, dans la branche métallurgie, qui a autorisé les dérogations à la convention de branche pour garantir une meilleure compétitivité, et pas seulement pour éviter des licenciements. À l’époque, cet accord a suscité de nombreux débats. IG Metall l’a signé avec l’idée de reprendre les choses en main dans les entreprises. En effet, les accords de compétitivité donnent aux syndicats de branche la possibilité d’intervenir dans les entreprises - où seul le conseil d’établissement représente les salariés - à travers des modalités de contrôle et de suivi des accords.

E & C : Quelle protection de l’emploi ces pactes permettent-ils ?

O. C. : On ne peut pas quantifier les emplois directement sauvegardés, mais, si l’on analyse quelques accords, on voit que la logique est de préserver en interne le noyau dur du salariat - la main-d’œuvre qualifiée - quitte à mettre en concurrence les sites de production européens en faveur des usines allemandes. Pour autant, les statistiques montrent que 82 % des entreprises qui ont conclu ces accords proposent des contreparties d’emploi précises: pas de licenciements, embauches d’apprentis… De plus, 53 % donnent des garanties d’activité pour le site de production. Toutefois, pendant la crise, 29 % des entreprises n’ont pas tenu tout ou partie de leurs engagements. Ces chiffres montrent également que 11 % des entreprises n’accordent aucune contrepartie d’emploi. Et encore, cela ne concerne que celles couvertes par des conventions collectives; dans les autres, ce chiffre monte à 35 %. Ce sont là des accords de type concession bargaining, où l’on renonce à des droits, plutôt que des accords donnant-donnant.

E & C : Pourtant, les syndicats allemands semblent, vu de France, plutôt en position de force ?

O. C. : Le pouvoir syndical s’est affaibli en Allemagne depuis vingt ans. Et la couverture conventionnelle n’a cessé de se réduire. Aujourd’hui, un tiers des salariés ne bénéficient ni de convention de branche ni de CE dans les Länder de l’Ouest; ils sont près de 50 % dans les Länder de l’Est. Or le respect des accords et le niveau des contreparties accordées sont liés à la qualité des relations professionnelles dans l’entreprise et à leur inscription dans le long terme.

Par ailleurs, en Allemagne comme ailleurs, il y a une pression forte vers davantage de flexibilité. Les réformes du marché du travail, il y a une dizaine d’années, ont marqué une rupture dans les garanties des acquis professionnels : avec les mini-jobs ou la forfaitisation des indemnités de chômage, il y a un enjeu majeur pour les syndicats à garantir les emplois dans l’entreprise.

Auteur

  • ÉLODIE SARFATI