Les écoles de management produisent à la chaîne des patrons coulés dans le même moule et convaincus de leur bon droit à diriger une entreprise par une sorte de labellisation académique qui certifie la copie conforme au prototype du patron idéal. Norbert Alter, spécialiste des organisations et professeur à Paris-Dauphine, s’est au contraire intéressé aux patrons atypiques : autodidactes, issus de minorités visibles, handicapés, homosexuels, femmes… Comment s’impose-t-on dans un univers où la concurrence est implacable ? La première réponse tient à la compétence : on s’impose en étant manifestement meilleur que les autres, c’est-à-dire en donnant encore plus de soi à l’entreprise. Venir à bout des stéréotypes exige d’exceller au plan professionnel. Mais la richesse des patrons atypiques ne s’arrête pas là, puisque se retrouver en position marginale par rapport à la norme aide à prendre de la distance par rapport à celle-ci.

Peut-être plus engagés que les autres, les patrons atypiques sont pourtant moins pénétrés de l’évidence de leur rôle et ont tendance, de ce fait, à être plus ouverts, plus humains, plus conscients à la fois d’eux-mêmes et des autres. Ces destins atypiques en disent beaucoup non seulement sur les qualités individuelles des patrons concernés, mais aussi sur le fonctionnement ordinaire des organisations et sur les perspectives d’évolution possibles. Pour l’auteur, ce positionnement à la marge par rapport aux distributions traditionnelles des places sociales n’est pas simplement anecdotique, puisque c’est par ses marges qu’une société parvient à s’ouvrir et à se transformer.

La Force de la différence

Norbert Alter, PUF, 288 pages, 19 euros.