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AllemagneTRUMPF RÉVOLUTIONNE LES TEMPS DU TRAVAIL

Pratiques | International | publié le : 13.11.2012 | MARION LEO

Les entreprises familiales redoublent d’efforts pour attirer et retenir les talents. C’est le cas de Trumpf, spécialiste de la machine-outil, qui propose un modèle de temps de travail très modulable, adapté aux “phases de vie” des salariés.

Avec 9 555 salariés dans le monde et un chiffre d’affaires de 2,3 milliards d’euros, l’entreprise Trumpf, spécialiste de la machine-outil et leader mondial dans les technologies laser, n’est pas à proprement parler une PME. Mais elle fait partie des “champions cachés”, ces entreprises de taille moyenne à l’origine de la force de pénétration de l’Allemagne sur le marché mondial, à la fois méconnues du grand public et leaders européens ou mondiaux dans leur domaine, et souvent dotées d’une GRH innovante. En 2011, Trumpf, entreprise familiale implantée dans le Bade-Wurtemberg et dirigée par Nicola Leibinger-Kammüller, la fille de son fondateur, a ainsi fait parler d’elle en mettant en place un modèle de temps de travail véritablement révolutionnaire.

Des besoins différents

Élaboré par la direction, le comité d’entreprise et le syndicat IG Metall, ce modèle s’oriente sur les “phases de vie” des salariés. Car, selon l’entreprise, les accords collectifs ne sont plus en mesure de refléter les besoins de plus en plus variés des salariés. « Les jeunes diplômés de 25 ans et les mères et pères de 40 ans souhaitent travailler différemment. Celui qui économise pour financer la construction d’une maison a d’autres souhaits en termes de temps que quelqu’un qui doit soigner un proche », expliquait alors Nicola Leibinger-Kammüller.

“Compte pour la famille”

Entré en vigueur le 1er janvier 2012, le modèle accorde aux 4 000 salariés en Allemagne une grande marge de manœuvre : tous les deux ans, ils peuvent redéfinir leur temps de travail hebdomadaire, vers le haut ou vers le bas. Les salariés ayant signé un contrat à 35 heures par semaine peuvent opter pour un temps de travail compris entre 15 et 40 heures par semaine. À l’issue de ces deux ans, ils ont la possibilité de revenir à leur temps de travail initial ou de choisir une nouvelle moyenne hebdomadaire. Par ailleurs, ils disposent d’un nouveau compte épargne-temps baptisé “Compte pour la famille et la formation continue”, sur lequel ils peuvent verser jusqu’à 1 000 heures pour financer des congés sabbatiques allant de six semaines à six mois. Enfin, les salariés, qui bénéficient d’une garantie de l’emploi jusqu’en 2016, ont la possibilité de prendre un congé sabbatique allant jusqu’à deux ans. Pour bénéficier, par exemple, d’un congé d’un an, le salarié travaillera un an à temps plein en touchant 50 % de son salaire, puis partira un an en congé tout en continuant à percevoir la moitié de son salaire.

Pour Trumpf, ce modèle répond à un enjeu clair : l’entreprise de haute technologie est très consommatrice d’ingénieurs et de développeurs logiciels. Or l’Allemagne est de plus en plus confrontée à un manque de main-d’œuvre qualifiée, notamment d’ingénieurs. « C’est pourquoi nous devons être aussi attractifs que possible en tant qu’employeur : pour les femmes hautement qualifiées qui souhaitent concilier travail et famille. Ou pour les ingénieurs qui veulent être père ou aventurier », poursuit la dirigeante, elle-même mère de quatre enfants. Ce n’est probablement pas un hasard si cet accord a été conclu sous sa direction. « Mon père n’aurait jamais introduit un tel modèle, déclare-elle, car il appartient à une autre génération, et peut-être aussi parce qu’il est un homme. »

Travailler davantage

Selon elle, le succès de ce dispositif suppose une évolution de la culture du travail. Prendre du temps pour soi ne doit plus être perçu comme “une tare”. Mais on ne modifie pas les mentalités du jour au lendemain. À l’heure actuelle, seuls 500 des 2 500 salariés au siège de Trumpf à Ditzigen ont modifié leur temps de travail. Et 90 % d’entre eux ont choisi de travailler davantage.

Si le modèle de Trumpf est exceptionnel, il traduit bien les difficultés spécifiques des grosses PME allemandes. Car, si toutes les entreprises sont touchées par la pénurie croissante de main-d’œuvre qualifiée, les PME, moins connues que les grands groupes, le sont encore plus. Autre difficulté : leur siège est souvent implanté en province, loin des grandes villes, plus attrayantes.

Auteur

  • MARION LEO