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Enquête

PASSERELLES VERS LE JOURNALISME

Enquête | publié le : 04.09.2012 | CATHERINE DE COPPET

Le premier quotidien de France accompagne ses mutations technologiques en créant des passerelles entre métiers.

« L’accompagnement social est une des valeurs fondamentales du journal, nous ne souhaitons laisser personne sur le bord de la route », assure Pierre Baudhuin, DRH d’Ouest France, filiale du groupe Sipa-Ouest France. Une politique confrontée aux réalités du terrain récemment puisque, depuis 2010, quelque 92 personnes ont entamé un cursus de reconversion. À l’origine, la disparition du métier de metteur en pages ou photocompositeur. « Cette année-là, nous avons acté la disparition complète de ce que nous appelons le prépresse, avec le développement de la mise en page semi-automatique, le reste du travail étant effectué par des secrétaires de rédaction, c’est-à-dire des journalistes et non plus des ouvriers », explique David Deffains, responsable RH pilote de l’opération de reconversion.

Pour accompagner cette mutation, la direction s’est inspiré des reconversions réalisées en 2001 lors du passage à la photo numérique (17 postes de laborantins ou metteurs en page avaient été supprimés). Un accord ad hoc, signé par trois organisations syndicales sur quatre, a permis de préciser les postes proposés (encadrement, secrétariat, assistance, journalisme), les garanties en termes de statuts, le nombre minimum de formations, etc. Sur 92 ouvriers concernés, 16 ont pu par ailleurs partir à la retraite ou en préretraite. « Une fois l’accord signé, nous avons rencontré chaque ouvrier typographe afin de lui présenter les différentes possibilités, en lui transmettant les fiches de postes, raconte David Deffains. Chacun a pu émettre ses souhaits via un questionnaire. »

La direction s’est engagée à ne forcer aucune mobilité géographique, tout en informant les salariés intéressés par la carrière de journaliste sur les contraintes en termes de mobilité, notamment pour le travail en locale. Pour la reconversion vers le journalisme, des tests ont été élaborés, en s’inspirant de ceux utilisés pour les recrutements externes. « L’objectif principal était de déceler les réflexes journalistiques et d’évaluer la maîtrise de la langue française », indique Pierre Baudhuin. Quelque 80 ouvriers ont souhaité passer ces tests, 51 ont intégré le cursus.

À côté des formations sur mesure proposées aux salariés intéressés par des postes administratifs ou de management, Ouest France a passé un contrat avec le Centre de formation et de perfectionnement des journalistes (CFPJ) en avril 2010, pour une formation sur neuf mois. L’entreprise a repris le canevas de la formation proposée en 2008, également assurée par le CFPJ. « Nous avons amélioré l’articulation entre théorie et pratique », souligne David Deffains.

Concrètement, la formation comprend un tronc commun au rythme de trois semaines de cours et une sur le terrain (à différents postes), puis une seconde partie où ce rythme s’inverse, le stagiaire occupant cette fois sur le terrain un poste auquel il se destine (secrétaire de rédaction, localier, etc.). « À chaque fois qu’ils sont sur le terrain, les stagiaires ne remplacent pas un salarié, les équipes sont en sureffectif, assure David Deffains. Ils sont par ailleurs encadrés par des tuteurs à qui des jours spécifiques ont été attribués pour s’occuper d’eux. »

Des retours positifs

Le CFPJ a pu organiser ses cours à Nantes pour la première promotion (2010-2011), puis à Rennes pour la seconde. « Nous avons eu des retours positifs sur la première vague de formation, explique Marcel Cantin, délégué CGT. Si nombre de salariés ont mal perçu cette évolution au départ, on peut dire au final que les intérêts des uns et des autres ont été globalement respectés, après d’importantes discussions. » À l’arrivée, la reconversion vers le métier de journaliste aura coûté à l’entreprise 1,5 million d’euros ces deux dernières années, un chiffre qui ne prend pas en compte l’embauche de salariés en CDD pour pallier l’absence des metteurs en page. « Le développement de la semi-automatisation s’est fait progressivement », rappelle Pierre Baudhuin.

Un an après les premières prises de poste, le bilan des reconversions est plutôt positif. L’intégration des anciens ouvriers dans les rédactions s’est d’autant mieux déroulée que l’accord de réorganisation signé en 2010 prévoyait l’embauche d’une trentaine de jeunes journalistes. Certains salariés en reconversion ont malgré tout connu l’échec. « Nous cherchons toujours des solutions pour ces trois ou quatre personnes qui ne veulent pas de mobilité géographique », souligne Marcel Cantin.

En outre, la politique de reconversion de l’entreprise n’a pas empêché la diminution des effectifs. « La dernière vague de reconversion a permis de supprimer 50 postes, une tendance à la baisse amorcée dès le début des années 2000 », souligne David Deffains.

OUEST-FRANCE

• Activité : presse quotidienne régionale.

• Effectif : 1562 salariés.

• Chiffre d’affaires en 2011 : 309 millions d’euros.

Auteur

  • CATHERINE DE COPPET