Comment les DRH abordent-ils le dispositif des contrats de génération ? Avec bienveillance, mais aussi beaucoup de circonspection. « Les contrats d’avenir ou de génération vont faire du bien, mais il ne faut pas espérer qu’une mesure, aussi intéressante soit-elle, puisse se substituer au retour de la croissance », assène Bruno Mettling, DRH de France Télécom-Orange. « Le contrat de génération ne nous poussera sans doute pas à embaucher davantage de jeunes, car ce que l’on recherche, ce sont les compétences. Lorsqu’on trouve la bonne personne, on la recrute, quel que soit son âge », ajoute le DRH de Poclain Hydraulics, Alain Everbecq. Avis partagé par Dominique Olivier, le DRH de Bosch : « Le coût d’un jeune en CDI est supérieur à celui d’un apprenti. Et s’il y a un coût, il doit y avoir un besoin. »
Quant à son application, les DRH plaident pour la souplesse du dispositif : « Si on nous impose trop de contraintes administratives et s’il faut s’engager sur cinq ans, alors que nous sommes confrontés à une instabilité économique forte, nous hésiterons vraiment à engager des contrats de génération », confie Odile Gisclard, DRH de ClydeUnion Pumps. En écho, Jean-Christophe Sciberras, président de l’ANDRH, s’interroge : « Si le jeune ou le senior s’en va, que se passe-t-il ? L’entreprise devra-t-elle rembourser les exonérations ? »
Du point de vue opérationnel, Bruno Mettling estime que, « pour que le contrat de génération fonctionne dans les grandes entreprises, il faudra sortir d’une vision individualisée du couple un jeune-un senior, au profit d’une vision plus globale ». Pas sûr en effet que, dans les grandes entreprises, les jeunes recrutés exercent les mêmes métiers que les seniors en place.
Chez Stream, un centre d’appels, la DRH Charlotte Duda remarque que la démographie de son entreprise, plutôt jeune, l’empêchera de faire « un usage massif » des contrats de génération. De plus, « les jeunes techniciens que nous embauchons ont les mêmes compétences que les seniors ». La transmission des savoirs n’est donc pas un enjeu chez Stream.
Ce n’est pas le cas d’autres entreprises, qui vont faire face à des départs massifs à la retraite dans les prochaines années ou dont les métiers, très techniques, rendent nécessaires le transfert de compétences. Dans cette optique, « si le contrat de génération incite les entreprises à mieux organiser le transfert de compétences et la GPEC, ce sera déjà une bonne chose », note Odile Gisclard, qui s’interroge tout de même sur la plus-value qu’il apportera par rapport aux dispositifs existants. « Notre dispositif de tutorat senior est déjà bien rodé », poursuit-elle. Même interrogation chez Poclain Hydraulics, où le recrutement des jeunes passe plutôt par l’utilisation des VIE, « embauchés dans 80 % des cas », précise le DRH.
Chez Terreal, le DRRH Stéphane Fayol se dit intéressé par le contrat de génération, convaincu que « le lien intergénérationnel est un facteur de régulation majeur pour l’entreprise ». Mais il regrette que cette nouvelle mesure ne soit pas intégrée dans une « vision politique globale ». « Pourquoi ne remet-on pas ce sujet en perspective et en cohérence avec les dispositifs existants sur l’alternance et l’emploi des seniors, pour ne citer que ceux-là ? Il faudrait refaire un grand texte ou un accord interprofessionnel sur ces sujets, avec une vision très pragmatique. On travaille, hélas trop par sédimentation des textes. »
Pour que les contrats de génération aient un réel dynamisme, soient un levier pour la GPEC et évitent les effets d’aubaine, Jean-Christophe Sciberras estime que « les accords d’entreprise pourraient se fixer des objectifs quantitatifs en matière d’embauche des jeunes et de maintien dans l’emploi des seniors, intégrant ainsi la renégociation des accords seniors, qui arrivent à échéance à la fin de l’année 2012 ». S’il entraîne une simplification des négociations obligatoires, gageons que le contrat de génération suscitera l’intérêt unanime des DRH.
