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La France ne pourra pas éviter de libéraliser son marché du travail

Actualités | L’INTERVIEW | publié le : 12.06.2012 | EMMANUEL FRANCK

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La France ne pourra pas éviter de libéraliser son marché du travail

Crédit photo EMMANUEL FRANCK

E & C : Dans sa première note d’actualité sociale européenne*, Entreprise & Personnel se demande si le marché du travail en Europe est en train d’être démantelé. Qu’en est-il ?

J.-P. B. : Le constat est que le chômage, particulièrement celui des jeunes, est en train de devenir un enjeu majeur car il risque de déstabiliser les sociétés, voire d’emporter l’idée européenne. Or, dans les pays qui ont flexibilisé leur marché du travail, l’emploi se porte mieux : il y a moins de 8 % de chômage dans les pays du nord, tandis qu’il monte à 9,3 % et 10 % en Italie et en France, caractérisées par un marché du travail rigide. Le Portugal (15 % de chômage) est en train de se réformer pour ne pas sombrer. Dans le but d’encourager l’embauche, des pays libéralisent donc leur marché du travail.

E & C : Que font-ils en ce sens ? Cela fonctionne-t-il ?

J.-P. B. : Dès 2005, l’Allemagne a décidé de privilégier l’emploi, même mal rémunéré, à l’inactivité. D’où l’“activation” des chômeurs et la fusion de l’assistance chômage et de l’aide sociale dans une allocation unique de 374 euros. Résultat : un chômage de 5 %, mais au prix d’une augmentation de la précarité : mini-jobs, emplois à 1 euro de l’heure. Dans ce pays où les syndicats s’attachent à protéger les insiders, la réforme semble donc avoir entraîné une plus grande segmentation. Les réformes engagées dans les autres pays sont trop récentes pour qu’on en fasse un bilan. L’Espagne a supprimé l’autorisation administrative de licenciement, multiplié les possibilités d’y procéder, et réduit les indemnités, avec des contreparties sur le recours aux contrats précaires. L’Italie a beaucoup allégé l’obligation de réintégration du salarié en cas de licenciement sans cause réelle. Quant au Portugal, il a conduit la réforme la plus radicale en facilitant le licenciement, en réduisant les indemnités et en augmentant la durée du travail.

E & C : La France est-elle concernée par ce mouvement ?

J.-P. B. : Je vois mal comment elle pourrait passer à côté. Tous les syndicats savent que la protection n’est pas la solution miracle, même s’ils ne l’assument pas tous publiquement. La CFDT est consciente qu’il faut poser la question des écarts de statut. Le gouvernement ne pourra pas ne pas remettre ces questions en débat.

* “Le modèle social européen en crise ?”, Jean-Pierre Basilien et Michèle Rescourio-Gilabert, en collaboration avec Planet Labor, E & P, juin 2012.

Auteur

  • EMMANUEL FRANCK