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Enquête

UN NOUVEAU TUTORAT SENIOR EN CHANTIER

Enquête | publié le : 05.06.2012 | C. F.

Le gouvernement promet une négociation très ouverte sur son projet de contrat de génération, qui vise à créer des tandems jeune-senior dans l’entreprise. Une nécessité, car la réforme reste à paramétrer

Résoudre les problèmes d’emploi des jeunes en même temps que ceux des seniors. Voilà le pari fait par François Hollande avec son projet de contrat de génération. Il prévoit d’accorder des baisses de charges sociales aux entreprises qui embaucheront en CDI un jeune de moins de 30 ans en difficulté, tout en conservant dans l’emploi un senior de plus de 55 ans, ce senior ayant vocation à être le tuteur de la recrue.

Un projet bien accueilli sur son principe par les syndicats et les experts. « Il a le mérite de proposer une solution globale pour ces deux catégories d’âge, commente Patrick Conjard, chargé de mission à l’Anact. Cette dimension intergénérationnelle a du sens, et on a pu constater les limites des dispositifs spécifiques. »

Le projet sera discuté dans ses détails avec les partenaires sociaux pendant la conférence nationale sur la croissance et l’emploi à la mi-juillet. Le gouvernement n’exclut pas que ce projet puisse aboutir à la négociation d’un accord interprofessionnel.

Création de contrats contre baisse de charges

Le contrat de génération sera signé entre l’entreprise, le jeune et le senior pour une durée de cinq ans. Il est prévu de créer 500 000 contrats d’ici à cinq ans, en accordant 2,25 milliards d’euros de baisses de charges chaque année (en moyenne 4 500 euros par contrat). Ce coût sera financé par la suppression – hormis dans les entreprises de moins de 20 salariés – de l’exonération de charges sur les heures supplémentaires.

« Ce dispositif sera-t-il suffisamment incitatif pour avoir un impact sur le taux d’emploi des jeunes et des seniors ? », s’interroge-t-on déjà au Medef. La négociation pourra jouer sur le montant des baisses de charges : elles pourraient être augmentées pour créer « un effet levier plus important », répond-on au gouvernement. Mais dans ce cas, le nombre d’emplois créé sera moins important.

« Les entreprises n’embaucheront pas pour le plaisir, c’est évident, constate le sociologue Serge Guérin. Mais, avec ce projet, François Hollande montre la direction et s’inscrit dans un discours moral : les entreprises ne peuvent plus fonctionner en ignorant les jeunes et les seniors. » Plus qu’à l’incitation fiscale, « qui profite toujours à ceux qui font déjà », le sociologue mise sur ce changement culturel à long terme.

Éviter les effets d’aubaine et de seuils

Le risque d’effet d’aubaine, c’est ce que craignent clairement tous les syndicats. « Les entreprises empocheront une aide pour un jeune qu’elles auraient de toute façon embauché », commente Laurent Berger, secrétaire national de la CFDT. « Cette nouvelle aide devra être conditionnée au maintien de ces emplois sur le long terme, au-delà des cinq ans prévus », ajoute Maurad Rabhi, secrétaire confédéral CGT. Côté Medef, on critique plutôt les effets de seuil, les âges d’entrées prévus par le dispositif risquant de bloquer l’embauche de certains salariés. Le cercle des DRH reprend cet argument en proposant « des fourchettes d’âge plus larges pour éviter de créer de nouveaux plafonds de verre », commente son président Sylvain Niel.

Le gouvernement répond qu’il veillera justement à bien paramétrer la réforme avec les partenaires sociaux afin d’éviter à la fois effets d’aubaine et effets de seuil. Pour parer à tout détournement, il cherchera à s’assurer de la pérennité des CDI proposés aux jeunes. Si ceux en insertion sont clairement visés par ce dispositif, il couvrira plus largement les jeunes ayant des difficultés à trouver un emploi. Les questions d’âge et de durée des contrats pourront être rediscutées. Mais la réforme restera bien ciblée sur les jeunes et les seniors.

Préserver les PME

Rodolphe Delacroix, consultant spécialisé à Towers Watson, considère que, face à un nombre de création de postes limité, « il faudra veiller à ne pas laisser les grandes entreprises, plus réactives, les accaparer, et par ailleurs réserver peut-être des postes aux PME et TPE, où la transmission des savoirs est encore plus stratégique ».

Pour s’offrir de la visibilité, Éric Charrier, directeur général d’Horemis, société de conseil en RH, propose d’aborder la question du tutorat au moment du bilan de compétences ou de l’entretien de mi-carrière. Mais le senior concerné par le contrat sera-t-il capable ou volontaire pour tutorer le jeune embauché ? Quelqu’un d’autre pourra-t-il le faire ?

Sylvain Niel souhaite qu’une certaine souplesse s’instaure : « On devrait pouvoir envisager le tutorat inversé permettant aux jeunes d’aider les seniors à se familiariser avec les nouvelles technologies. » Un avis que partage Patrick Conjard, qui rappelle qu’en matière de tutorat, le tandem jeune-senior n’est pas la seule solution : « Plusieurs tuteurs peuvent être utiles au jeune. Inversement, un seul tuteur peut prendre en charge une équipe. Des négociations pourraient s’engager au niveau des branches pour que chacune décline le dispositif en fonction de ses besoins. » Là encore, le gouvernement se laisse pour l’instant la possibilité d’étudier tous les scénarios, y compris celui du tutorat inversé.

Formation du jeune et du tuteur

Dernier point soulevé par les syndicats : la formation. Éric Aubain, secrétaire confédéral CGT, préconise une aide à la formation du jeune et du tuteur : « Et si on veut trouver des candidats, cette fonction de tuteur devra être qualifiante et rémunérée. » Aménager ou libérer le temps de travail sont aussi des solutions développées par les entreprises les plus innovantes. Mais le coût peut se révéler élevé.

Le gouvernement veut inclure aux négociations la question de la formation du tuteur mais aussi celle du jeune en dehors du tutorat. Pour le reste – valorisation de la fonction du tuteur ou aménagement du temps de travail –, les ministres considèrent que la balle est plutôt dans le camp des entreprises.

Auteur

  • C. F.