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Enquête

« Le tutorat doit être préparé et reconnu »

Enquête | publié le : 05.06.2012 | C. F.

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« Le tutorat doit être préparé et reconnu »

Crédit photo C. F.

E & C : Le tutorat a été plébiscité dans les accords et plans seniors de 2009. Mais, trois ans après, cette fonction reste rarement exercée par les seniors. Comment l’expliquez-vous ?

P. C. : Trois entreprises sur quatre avaient choisi le tutorat comme domaine d’actions pour maintenir les seniors dans l’emploi. Mais la mise en œuvre n’a pas été de soi pour une raison simple : le tutorat n’attire pas forcément les seniors. Ce peu d’appétence, relaté dans le rapport de Bernard Masingue en 2009*, s’observe toujours sur le terrain. La fin de carrière n’est pas forcément un moment propice. Les plus de 50 ans se sentent parfois isolés ou dépassés en raison de l’évolution de leurs métiers et de l’arrivée de nouvelles technologies. Tous n’ont pas la fibre pédagogique, car pour un expert « les choses vont de soi » et il ne pense pas forcément à les expliquer. Mais, surtout, la fonction de tutorat est encore trop rarement valorisée. Les temps et les moyens mis à la disposition des tuteurs restent limités et les entreprises anticipent trop peu les risques de pertes de compétence. Il convient bien sûr de nuancer ces observations : les plans et accords de 2009 ont tout de même un effet d’entraînement majeur. Des branches ou des entreprises ont pris conscience de la valeur ajoutée de l’expérience. Elles ont développé et formalisé des pratiques de transfert de compétence où les seniors prennent désormais une part très active.

E & C : Qu’est-ce qui fait qu’un tutorat senior fonctionne bien ?

P. C. : Les démarches de tutorat conduites en entreprise par le réseau Anact ont permis d’identifier des facteurs de réussite. Le tutorat doit répondre à un vrai besoin pour l’entreprise, et le tuteur senior doit être accompagné dans sa démarche, être au clair sur ce qu’il doit transmettre. Car certaines de ses tâches pourront à l’avenir être supprimées, modifiées ou remplacées par d’autres techniques, alors que certaines resteront stratégiques. Autre élément important : la fonction de tuteur doit être reconnue, que ce soit par un label interne, une prime, du temps libéré ou des perspectives de parcours. Enfin, la formation est essentielle. Elle est trop théorique aujourd’hui. Plus efficace serait, à mon sens, d’aider très concrètement le senior à préparer le bon déroulement de son tutorat. Il faut réfléchir en amont aux étapes de la transmission d’une situation de travail, surtout si elle est critique. On peut être amené à l’aménager pour faciliter les apprentissages, à la découper, à la simplifier, voire à lever certaines exigences de qualité. On peut aussi la reproduire ou la simuler en dehors du cadre habituel. Cela passe aussi par des échanges avec des temps de débriefing pour permettre au jeune d’exprimer ses difficultés ou son vécu de la situation de travail. Enfin, n’oublions pas que rien n’est possible sans une bonne relation entre le tuteur et le tutoré. Pour que cette alchimie fonctionne, cela implique de se défaire de certains stéréotypes, du genre “ce jeune veut me pousser dehors” ou “j’ai pas besoin de ce vieux et de ces vieilles façons de faire”. Il faut une certaine humilité de part et d’autre pour aller vers une logique de tutorat partagé et développer une coopération intergénérationnelle dans le travail.

* < www.ladocumentationfrancaise.fr >

Auteur

  • C. F.