En deçà du couple du harceleur et de sa victime croît une violence plus insidieuse en entreprise, qui ne trouvera jamais de pourfendeurs devant les tribunaux parce qu’elle ne relève pas de l’abus de faiblesse, selon Gilles Herreros, professeur de sociologie à l’université Louis-Lumière Lyon 2. Il s’agit plutôt d’une lâcheté ordinaire de tout un chacun, prêt à hurler avec les chantres de l’idéologie gestionnaire pour accabler les subalternes ou les collègues. Chacun, désireux de tirer au mieux son épingle du jeu de la compétition, est prêt, quand l’occasion s’en présente, à enfoncer ses compagnons de galère.

Discrète, quotidienne, passant souvent quasi inaperçue de ceux qu’elle ne vise pas directement tant elle est devenue banale, cette violence n’en fait pas moins des ravages chez les salariés qui en sont victimes, contribuant à renforcer leur mal-être au travail. Elle n’est pas le fait de psychopathes mais de gens ordinaires, peut-être juste un peu trop soumis à leur hiérarchie, et qui peuvent, par ailleurs, avoir leurs très bons côtés.

Pour l’auteur, il appartient aux RH et à l’encadrement d’organiser les lieux et les temps d’une prise de parole critique pour que ces fonctionnaires de la norme, qui se retranchent derrière leur désir de bien faire afin d’apaiser leur conscience morale, ne se transforment pas en bourreau non seulement de travail mais aussi des autres travailleurs.

La Violence ordinaire dans les organisations

Gilles Herreros, Erès, 200 pages, 24 euros.