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Ces usines qui attendent d’être sauvées

Actualités | publié le : 29.05.2012 | ÉLODIE SARFATI, PASCALE BRAUN, SOLANGE DE FRÉMINVILLE

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Ces usines qui attendent d’être sauvées

Crédit photo ÉLODIE SARFATI, PASCALE BRAUN, SOLANGE DE FRÉMINVILLE

Parti à la « reconquête » des emplois industriels détruits, le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg aura fort à faire. Premiers dossiers chauds : les usines menacées, à court ou moyen termes, et qui ont défrayé la chronique de la campagne présidentielle. Entre espoir et inquiétudes, les salariés attendent maintenant des actes. Tour d’horizon.

Fralib : un sursis in extremis

Les “Fralib” ont gagné un peu de temps. Le 25 mai, Arnaud Montebourg a nommé un médiateur pour étudier les projets de reprise de l’usine de Gémenos (Bouches-du-Rhône). Il a obtenu du groupe Unilever qu’il s’engage dans des négociations et ne déloge pas les salariés de l’usine avant la fin de ce processus. C’était moins une… La justice avait en effet ordonné l’expulsion des salariés, le 1er juin, du site de production qu’ils occupent pour empêcher l’évacuation de l’outil industriel.

Quant au PSE, le 3e établi par le groupe Unilever depuis l’annonce de la fermeture du site en septembre 2010, il est en cours d’application. Du nouveau gouvernement, les 103 salariés attendent un appui décisif à leur projet de reprise de l’activité de l’usine. « Nous voulons qu’il obtienne d’Unilever le financement de notre projet de Scop. Nous demandons à reprendre la marque Éléphant et l’outil de production », déclare Gérard Cazorla, élu CGT et secrétaire du CE.

Les représentants des salariés ont d’autres cartes en main. D’une part, la justice a demandé l’organisation d’une médiation avant l’expulsion. D’autre part, ils ont obtenu le soutien des collectivités territoriales, notamment celui de la Communauté urbaine de Marseille, qui souhaite préempter le site de production de Gémenos. Enfin, ils réclament à Michel Sapin « une enquête administrative, car son prédécesseur, Xavier Bertrand, aurait bloqué une lettre de la direc-tion départementale du travail signalant les irrégularités du dernier PSE. Cela permettrait de faire casser en appel cette troisième procédure », selon l’élu CGT.

Petroplus : toujours dans l’expectative

Placée en redressement judiciaire jusqu’au 27 juillet, la raffinerie de Petit-Couronne prépare le redémarrage des unités et le début des travaux de maintenance. « Début juin, nous allons honorer notre contrat avec Shell (NDLR : ancien propriétaire du site) », indique Yvon Scornet, porte-parole de l’intersyndicale. Cette commande avait été annoncée par Nicolas Sarkozy en pleine campagne électorale. Mais cette bouffée d’oxygène, de six mois, n’est pas la panacée. Les 550 salariés espèrent donc beaucoup de la nouvelle équipe gouvernementale. Ils ont rencontré Arnaud Montebourg et ses services le 21 mai. « Nous avons demandé au ministère de recevoir chaque repreneur potentiel et d’étudier en détail la viabilité des différents projets. Certains sont plus sérieux que d’autres », confie le syndicaliste CGT.

Autre sujet mis sur la table : les coûts de dépollution du site ou dette “environnementale”. « Cela pourrait décourager les investisseurs. Nous demandons à l’État de faire en sorte qu’elle soit gelée. » Après cette prise de contact, l’intersyndicale espère pouvoir entrer rapidement dans le dur. Et le porte-parole de prévenir : « Si cela ne va pas dans le bon sens, nous saurons taper du poing sur la table. » Voici le ministre du Redressement productif prévenu…

Technicolor Angers : la course contre la montre

Le 25 mai, l’usine d’Angers a déposé le bilan. Pour les 350 salariés du site de production de décodeurs, il s’agit maintenant de gagner du temps. « Nous voulons que l’État impose un moratoire à Technicolor, afin qu’elle maintienne une charge minimale, le temps que des projets de reprise sérieux puissent être examinés, explique Léopold Babin, délégué CFE-CGC du site. Le groupe, avec qui nous n’avons plus de contact, a organisé la faillite de l’usine. »

Les syndicats attendent aussi du gouvernement qu’il fasse pression sur d’autres donneurs d’ordre potentiels, comme France Télécom, pour relancer la production dont l’arrêt est prévu en juillet. Les collectivités locales soutiennent la demande des salariés : dans un courrier envoyé le 21 mai à Arnaud Montebourg, elles défendent un projet d’ateliers partagés avec un groupement d’entreprises électroniques locales. Lequel « pourrait aboutir sous douze à dix-huit mois », et « assurer une pérennité d’une partie des emplois ».

PSA Aulnay : pas de temps à perdre

D’Arnaud Montebourg, les syndicats de l’usine PSA d’Aulnay (3 000 salariés) attendent des actions bien précises à court terme : « Il faut qu’il organise dès les premiers jours de juin la réunion tripartite direction-syndicats-ministère promise par l’équipe de campagne de Hollande, et qu’il contresigne à cette occasion le texte des organisations syndicales sur l’engagement au maintien des emplois », déclare Jean-Pierre Mercier, délégué central CGT.

Sans doute conscient que la mobilisation actuelle du gouvernement pourrait s’estomper avec le temps, le leader syndical n’entend pas qu’Aulnay passe après d’autres dossiers, sous prétexte que le site n’est pas menacé avant 2014, où une décision doit être prise sur le remplacement de son actuel modèle, la C3, qui arrivera en fin de vie en 2016. « Quand j’entends M. Montebourg dire qu’on a du temps devant nous, je m’inquiète », ajoute Jean-Pierre Mercier.

GM Strasbourg : l’union du local et du national

À Strasbourg, les 1 000 salariés de l’usine General Motors, déjà sur la sellette en 2009, se remettent à trembler depuis que le constructeur américain a annoncé le 9 mai la possible mise en vente du site de boîtes de vitesse. Pour mobiliser les pouvoirs publics, les syndicats reproduisent la méthode d’il y a trois ans : la montée en première ligne des collectivités locales pour traiter avec les dirigeants de GM et la prise de relais par Bercy quand cela est nécessaire. « Dès l’annonce de GM, nous avons tenu une table ronde avec les élus locaux qui ont remonté toutes les informations. Le dossier est bien sur la table de Montebourg », relate Jean-Marc Ruhland, secrétaire (CFDT) du CE. La stratégie avait plutôt réussi en 2009 : sans doute a-t-elle contribué au sauvetage de l’usine, au prix de concessions sur les salaires et le temps de travail.

La balle est pour l’instant dans le camp de GM, qui a indiqué travailler à une « solution interne » pour pérenniser l’usine. Mais chacun attend que le groupe dévoile ses batteries plus précisément.

ArcelorMittal Florange : l’espoir s’amenuise

L’horizon ne cesse de s’obscurcir pour les salariés de Florange, dont les représentants doivent rencontrer prochainement la nouvelle équipe gouvernementale. La filière liquide et deux lignes de packaging restent désespérément à l’arrêt, plaçant un millier des 2 300 salariés du site en chômage technique. Le redémarrage du deuxième haut-fourneau en septembre prochain paraît de plus en plus improbable, alors qu’un second hiver d’arrêt risque de lui être fatal.

Les législatives pourraient relancer la proposition de loi promise par le candidat Hollande à Florange pour exproprier les industriels laissant leur site en déshérence. Une refonte du système européen des quotas ouvrirait une autre piste de redressement. « Aujourd’hui, ArcelorMittal perçoit des quotas de CO2 pour des installations à l’arrêt. Au Luxembourg et en Belgique, les États montrent les dents pour exiger que ces sommes soient réinvesties sur les sites concernés. Il est temps que la France monte elle aussi au créneau », estime Jacques Minet, délégué CFDT.

RESTRUCTURATIONS : LE SECTEUR DES SERVICES N’EST PAS ÉPARGNÉ

Les réductions d’effectifs annoncées à Air France, TUI France, Conforama… n’étonnent pas Michel Ghetti, président de France Industrie & Emploi (FIE). Depuis dix-huit mois, observe-t-il, les services ne sont plus épargnés par les restructurations. Dans ce secteur, elles ont progressé de 5,3 % entre 2010 et 2011, d’après une étude publiée le 2 mai par son cabinet. Et la tendance pourrait s’aggraver : « Les banques, la relation client, les transports font face à des évolutions de marché ou à des changements de modèle économique structurels. Comme dans l’industrie, les ajustements d’effectifs ont été contenus, le temps de passer la période électorale, car les entreprises ne voulaient pas être prises en otage par la campagne, mais c’est maintenant qu’ils vont sortir. »

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  • ÉLODIE SARFATI, PASCALE BRAUN, SOLANGE DE FRÉMINVILLE