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LES FEMMES ALLÈGENT LES POSTES AUX FROMAGERIES BLEU DE GEX

Pratiques | publié le : 15.05.2012 | CHRISTIAN ROBISCHON

Les mesures adoptées dans les fromageries Bleu de Gex à la suite de l’arrivée de plusieurs femmes et sur la base d’une étude ergonomique s’avèrent bénéfiques pour la santé de tous les salariés.

L’acquisition d’un équipement de production plus léger, mais surtout des changements de postures et d’organisation de travail : par la somme de mesures ponctuelles, les producteurs du fromage Bleu de Gex sont parvenus à diminuer la pénibilité de leurs postes ces deux dernières années. « C’est un véritable enjeu de renouvellement de la main-d’œuvre, car la pénibilité nous pose un problème d’attractivité et une difficulté objective pour intégrer les jeunes que nous constatons moins résistants au travail que leurs aînés », souligne Jean-Marc Lançon, président du syndicat interprofessionnel du Bleu de Gex, commun aux quatre fromageries qui emploient 30 salariés, dont 15 en production dans le massif du Jura.

Une étude ergonomique a été commandée en 2009 par le syndicat pour un montant de 18 300 euros, cofinancée à 70 % par l’Anact via son Fonds pour l’amélioration des conditions de travail (Fact). Ce travail, confié au cabinet grenoblois Ergo’In, a dépassé son périmètre d’origine.

Limiter les risques de TMS

Initialement, il était centré sur les femmes et sur l’ergonomie, en l’occurrence l’adaptation des postes afin de pouvoir recruter et garder les représentantes du “sexe faible”, de plus en plus nombreuses à pousser les portes des écoles locales de fromagerie - elles en occupent la moitié des places -, mais qui restaient trop souvent au seuil des ateliers. Il a en effet fallu attendre le milieu des années 2000 pour que cinq pionnières soient recrutées, qui forment désormais un tiers des effectifs de production. « Il est apparu que les solutions proposées par ces jeunes femmes, souvent de simples trucs et astuces, seraient bénéfiques pour les hommes aussi, en limitant les risques de TMS ou les problèmes de dos », relève Florence Arnaud, directrice du syndicat interprofessionnel.

Deux exemples précis : pour évacuer le caillé, les femmes ont eu l’idée de se contrebalancer en utilisant leur poids en appui contre le convoyeur des moules, alors que la technique habituelle fait appel à la force des bras pour tirer. Pour le décaillage, certaines fromageries se sont organisées pour que l’outil nécessaire, qui pèse jusqu’à 7 kg, soit manipulé à deux. L’une d’elles investit actuellement dans un modèle plus léger.

De l’astuce, le syndicat mixte et Ergo’In en ont surtout fait preuve dans l’approche du sujet, de façon à vaincre l’a priori d’un obstacle physique insurmontable, et plus généralement une culture encore très rétive à l’embauche de femmes. « Plutôt que de se focaliser sur la pénibilité, nous avons déplacé le sujet vers les facteurs d’intégration de nouveaux entrants : accepter de transmettre son savoir-faire ; s’ouvrir à la diversité des publics : les femmes mais aussi les jeunes et les candidats venus de territoires plus lointains ; prêter une oreille attentive aux suggestions d’amélioration des salariés. En somme, introduire du bottom-up dans le management », relate Cécile Montarnal, la dirigeante d’Ergo’In. « Notre métier demande de la précision. Finalement, il convient bien aux femmes », constate Jean-Marc Lançon.

Résistance culturelle

L’adhésion n’a toutefois pas été égale d’une fromagerie à l’autre : la résistance culturelle a exercé son poids. Le travail collectif a dû être circonscrit à certaines parties du process (travail en cuve, retournement en moule et en cuveau) suite à la crainte exprimée d’empiéter sur le secret professionnel propre à chacun.

Les améliorations n’ont pas encore fait déferler une main-d’œuvre féminine supplémentaire, mais ce n’est qu’une question de temps, selon Jean-Marc Lançon, qui ne recense qu’une apprentie en phase d’embauche. En outre, une des salariées en poste s’apprête à être promue chef fromager : une distinction qui a valeur de Graal dans le milieu.

Auteur

  • CHRISTIAN ROBISCHON