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Le Défenseur des droits se rapproche des entreprises

Actualités | publié le : 15.05.2012 | CÉLINE LACOURCELLE

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Le Défenseur des droits se rapproche des entreprises

Crédit photo CÉLINE LACOURCELLE

Le 11 mai, Dominique Baudis, le premier Défenseur des droits, a rencontré les acteurs de l’emploi pour leur présenter ses projets au nom d’une démarche concertée de lutte contre les discriminations au travail.

Elles étaient près d’une centaine d’entreprises, le 11 mai, à avoir répondu présent à l’invitation de Dominique Baudis, le Défenseur des droits en place depuis juin 2011. L’occasion pour celui-ci de renforcer la relation avec ces acteurs de l’emploi et de leur présenter l’équipe de la nouvelle institution, intronisée le 30 mars 2011 en lieu et place de la Halde (créée en 2004), du Médiateur de la République, de la Commission nationale de déontologie de la sécurité et du Défenseur des enfants. L’occasion d’inaugurer aussi une manière de travailler qui s’appuiera, aux dires du responsable, sur la proximité et la coopération.

En toute logique, les convives se sont vu remettre un guide intitulé “Mesurer pour progresser vers l’égalité des chances”. « Ce support est né au lendemain d’une étude réalisée auprès de plus de 250 entreprises sur leur perception de la Halde [lire l’encadré ci-dessous], et confiée l’année dernière par Éric Molinié, alors président de l’institution, à Mansour Zoberi, sociologue spécialiste de la diversité, explique Dominique Baudis. Les interviewés se sont exprimés sans détour : ils affichent leur volonté de progresser en matière d’égalité et de prévention des discriminations, toutefois freinée par l’interdiction de procéder à des collectes d’informations et des mesures. D’où ces pages, dont le contenu, validé juridiquement par la Cnil, les aidera à se situer et éventuellement à se corriger en toute sécurité. »

Promis à une large diffusion, l’ouvrage méthodologique prend la forme de 25 fiches organisées en cinq chapitres. Le premier rappelle les concepts clés du cadre légal (qu’est-ce qu’une discrimination ? Qu’est-ce qu’une donnée à caractère personnel ?). Le second détaille la manière de mesurer les discriminations, depuis le consentement des salariés à l’anonymat jusqu’aux formalités à effectuer auprès de la Cnil. Les deux chapitres suivants fournissent une méthode d’analyse pour une bonne et juste exploitation des informations de GRH et pour mener enquêtes et audits. Le dernier fournit des modèles de courriers, par exemple pour recueillir un consentement.

Un second manuel dans la même veine devrait suivre à l’automne. Consacré à l’évaluation des emplois féminins, à l’aide d’éléments de comparaison (salaires, déroulé de carrières…), il sera élaboré par des chercheurs et des représentants syndicaux plutôt militants sur le sujet. « Un nouvel outil pour éclairer les partenaires sociaux lors des négociations annuelles sur les objectifs en matière d’égalité professionnelle », commente le Défenseur des droits, qui fera sans nul doute remonter aux auteurs les commentaires recueillis ce 11 mai auprès des représentants d’entreprise. Parmi eux se trouve Laurent Depond, directeur de la diversité du groupe Orange, pour qui l’accompagnement de l’ex-Halde a toujours été un stimulant, notamment « pour restaurer un lien entre l’entreprise et les salariés qui se sentent discriminés ». Cela n’empêche pas certains besoins, dont il s’est entretenu avec les représentants de l’institution : « Ce n’est pas tant un travail conjoint sur nos procédures que nous attendons, mais plutôt une grille de lecture, des études et des supports pédagogiques pour décrypter et anticiper les préjugés et les stéréotypes, certes inconscients, mais néanmoins impactants. »

Consultation des partenaires sociaux et des associations

À ces observations s’ajouteront celles des partenaires sociaux. Dominique Baudis consulte depuis plusieurs jours les principales organisations syndicales de salariés et du patronat. FO et la FSU ayant ouvert le bal. Il rencontrera également les principales associations actives dans la lutte contre les discriminations, comme À Compétence égale ou l’Association française des managers de la diversité. Car le Défenseur des droits se veut « en relation constante avec le terrain et à la disposition de ceux qui souhaitent notre aide ».

La question est aujourd’hui de savoir s’il sera entendu. Car les entreprises restent sur leurs gardes, surtout depuis que la loi a étendu les prérogatives de cette instance indépendante, en lui permettant notamment de se rendre de son propre chef dans les locaux d’une société afin d’effectuer des vérifications. L’action de feu la Halde, entre ses instructions, ses interventions parfois médiatisées auprès des tribunaux et ses testings, a aussi laissé de mauvais souvenirs.

En attendant, l’institution a acquis la reconnaissance. Preuve en est le nombre de réclamations enregistrées par celle qui l’a précédée, passé de 1 410 en 2005 à 12 467 en 2010, avec un rythme annuel d’augmentation de près de 20 % au cours des trois dernières années, selon le dernier bilan communiqué. Autre réalité, celle vécue par les salariés : 26 % de ceux de la fonction publique et 28 % de ceux du privé se sentent discriminés, en particulier en raison de leur âge et de leur santé, selon le dernier baromètre sur les discriminations dans l’emploi présenté en janvier et réalisé en partenariat avec l’OIT et CSA. Des chiffres toutefois en baisse par rapport à l’an dernier.

Impulser une culture de la prévention

Pour l’heure, Dominique Baudis compte sur les groupes de travail pour impulser une culture de la prévention, groupes au sein desquels « les entreprises ont toute leur place », comme il le leur a répété lors de la rencontre.Déjà bien installé, le Comité LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et trans), qui réunit plusieurs fois dans l’année une vingtaine d’associations et de collectifs de lutte contre les discriminations homophobes. À venir, un groupe dédié au handicap et un autre axé sur l’égalité professionnelle des hommes et des femmes.

Autant d’occasions pour faire évoluer les méthodes de travail, même si le Défenseur des droits s’interdit aujourd’hui de valoriser les bonnes pratiques des uns et des autres, allant ainsi à l’encontre des souhaits des entreprises. « Nous pouvons difficilement participer à des classements et à de quelconques opérations de mécénat, ou encore décerner des labels. Car une entreprise activement engagée pour l’égalité n’est pas à l’abri d’un comportement discriminatoire d’un responsable susceptible, ensuite, de motiver une saisie de nos services », avance Dominique Baudis. Devoir de réserve et impartialité obligent.

LES ATTENTES PEU SATISFAITES DES ENTREPRISES

Si toutes les entreprises reconnaissent la nécessité du rôle qu’a tenu la Halde, elles sont majoritaires à penser que celle-ci intervenait surtout pour assister les victimes de discrimination. Telle est l’opinion des 286 dirigeants ou DRH de TPE, de PME et de groupes multinationaux interrogés par questionnaire ou en face-à-face l’été dernier, dans le cadre d’une enquête sur la perception de la haute autorité. Et pourtant, ils expriment fortement leur besoin d’accompagnement : en amont pour la prévention des discriminations, et en aval pour des médiations. Les outils mis à leur disposition justement par l’ex-Halde pourraient, en partie, les aider. Mais seulement un tiers des entreprises les connaissent ! Quant à ses recommandations et à ses délibérations, l’échantillon les considère comme peu pédagogiques et pas assez vulgarisées ; 63 % des PME ne les consultent carrément pas.

Enfin, l’enquête met en lumière les attentes des chefs d’entreprise : la mise en contact avec des correspondants locaux, la médiatisation de leurs bonnes pratiques, la constitution d’un centre de ressources pour la diffusion d’outils pratiques sur l’égalité dans l’entreprise et un travail plus actif avec les syndicats, les branches et les fédérations professionnelles.

Auteur

  • CÉLINE LACOURCELLE