La branche fret de la SNCF n’en est pas à son coup d’essai. Fortement déficitaire, elle enchaîne depuis près de quinze ans les tentatives de réorganisation. Mais la dernière en date a eu à intégrer une nouvelle donne économique : l’arrivée en 2006 d’opérateurs privés sur son terrain ; lesquels n’ont d’ailleurs pas tardé à gagner près de 15 % de parts de marché. La société nationale s’est donc réformée : restructuration en entités spécialisées par marché, développement d’une nouvelle offre “multilots multiclients” autour du wagon isolé et recherche d’une plus grande efficacité industrielle avec une rationalisation des systèmes de production. « Le tout accompagné d’une gestion drastique des moyens avec, parmi les mesures déployées, la fermeture de centres de triage, la baisse d’effectif – 34 % prévu pour cette année –, et la polycompétence des agents de conduite, désormais affublés de nouvelles tâches », signale Fabian Tosolini, responsable du sujet fret à la CFDT Cheminots.

En premières lignes, les managers. « Notre stratégie a d’entrée consisté à développer une culture managériale commune autour des nouveaux enjeux de l’entreprise. L’accompagnement au changement s’est donc très logiquement orienté vers la ligne managériale », explique Georges Ichkanian, DRH du fret SNCF. 800 cadres ont été mis à contribution à partir de 2009, des patrons d’unité aux managers opérationnels. Et pour créer l’émulation, des rencontres sont organisées chaque année depuis 2010. « Elles rassemblent entre 150 et 250 cadres autour de la stratégie ; l’objectif étant de clarifier les enjeux et les étapes du programme de transformation de Fret SNCF », explique Claire Bélier, responsable de la conduite du changement. L’accompagnement s’est poursuivi sous la forme d’ateliers de management sous un angle pratique et pédagogique. Les thèmes abordés ? Le rôle du manager dans la nouvelle dynamique métiers (management de la mobilité et de la gestion des compétences), l’accompagnement du changement, la prévention du stress (co-construit avec la médecine du travail), les relations avec la concurrence (droits et devoirs du manager) et les principes de régulation. « Il s’agissait de formations sous forme de mises en situations, très participatives », précise la jeune femme.

Si les managers ont ainsi été briefés pour aider leur équipe à digérer le changement, ils ont pu également, en cas de difficultés, se reposer sur un réseau formé par des pairs. Rien de trop, selon Roger Dillenseger, secrétaire général adjoint de l’Unsa Cheminots. « Les cadres sont fragilisés et ne se sentent pas vraiment épaulés par une direction qu’ils soupçonnent, en fait, de vouloir arrêter le fret. »

Pour Georges Ichkanian, il fallait également apporter une réponse aussi rapide que possible pour rendre les managers ­acteurs des évolutions de l’entreprise. « Par exemple, la démarche liée à la nouvelle dynamique métiers permet de piloter les mobilités de Fret SNCF avec un souci constant d’adaptation des compétences et de recherche de solutions rapides pour nos salariés. Des “espaces mobilité emploi” sont chargés d’étudier le profil de salariés concernés, de les recevoir en entretien exploratoire, de proposer des formations et de les accompagner si besoin en matière de gestion de compétences, jusqu’à leur nouvelle prise de poste. Nous avons actuellement moins de 180 personnes dans ces espaces, preuve d’une gestion adaptée de nos personnels en mobilité au regard des entrées 2010 et 2011 cumulées, représentant 600 emplois. »

Un dispositif salué par Roger Dillenseger, qui regrette pourtant sa probable disparition pour les cheminots de la branche voyageurs. « Ceux-ci seront sans doute transférés au sein d’entreprises privées, dans le cadre d’un changement de délégation de service », craint-il. Et dans ce cas, plus question de faire valoir son statut de cheminot. La nouvelle convention collective du fret, en négociation depuis cinq ans, sera alors sans aucun doute effective.

• Activité : transport de marchandises.

• Effectif : 15 000.

• Chiffre d’affaires 2010 : 1,27 milliard d’euros.