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Enjeux

L’homme fragile

Enjeux | LA CHRONIQUE DE MERYEM LE SAGET, CONSEIL EN ENTREPRISES À PARIS. <> | publié le : 02.05.2012 |

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L’homme fragile

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L’homme est vulnérable et refuse de l’accepter. Surtout l’homme occidental, qui se croit éternel, inoxydable et se comporte comme si la planète l’était aussi. Atteint du syndrome de toute puissance, il agit chaque jour comme s’il se prenait pour Dieu.

Cette civilisation économiquement avancée dont nous sommes si fiers est pourtant bien retardée humainement et spirituellement. Dans la nature, aucun parasite ne tue son hôte, car il sait instinctivement qu’il se détruirait lui-même. Mais l’être humain nie les lois de la nature comme si elles ne le concernaient pas. Il ravage donc la planète pour la satisfaction de ses besoins, sans réaliser qu’il se tire une balle dans le pied.

Découvrir que l’on est fragile est la première étape de la guérison. Collectivement, les événements se chargent pourtant de nous transmettre le message ! Mais comme nous restons sourds, la démonstration monte d’un cran : quels désastres humains, écologiques, culturels ou économiques nous faudra-t-il encore endurer pour que notre esprit d’autruche daigne sortir du sable ?

La deuxième étape de la guérison est d’accepter notre vulnérabilité. Généralement, nous attendons les chocs de la vie pour nous initier. La perte d’un travail, un accident qui chamboule une vie, un deuil douloureux. Il n’existe pas d’assurance contre les lois naturelles de la vie. On a beau vanter la jeunesse, utiliser la chirurgie esthétique pour « réparer » ce que l’on n’aime pas de soi, éloigner les seniors de la vie active, aucun de nous n’est éternel.

La vulnérabilité est une donnée inhérente de la nature humaine. On la craint, on la tient à distance, le modèle recherché étant d’être fort. Dire à d’autres « Je me sens fragile en ce moment » semble nous écorcher la gorge. Pourtant, la vulnérabilité recèle des trésors : la sensibilité qui nous fait vibrer d’émotion, l’ouverture du cœur qui permet de comprendre les autres, la prise de risque dans les relations quand on décide d’être authentique plutôt que de se camoufler, la tendresse, la joie, la créativité, la gratitude. Refuser la vulnérabilité, c’est se priver de toutes ces richesses humaines. L’homme est fait pour créer des liens, partager des sentiments, la vie n’est pas qu’une vaste salle de classe dédiée à fabriquer des grosses têtes.

La troisième étape est donc de redonner ses lettres de noblesse à l’homme social, interdépendant, ouvert aux autres, celui qui sait encourager autour de lui les liens de respect, d’écoute, d’intérêt commun, de collaboration. L’être humain n’est rien tout seul. Il n’existe que par son appartenance à un groupe, à la famille humaine et d’une façon plus large à un écosystème qui l’accueille et le soutient.

Aurait-on à ce point perdu l’intelligence de l’espèce ? À force d’insister sur la construction de soi et de raconter que la motivation première d’un individu est la recherche égoïste de son intérêt personnel, on nourrit une fausse image de l’identité humaine. On nie la dimension collective et celle du mystère qui nous dépasse. Dans les mythologies, qui traduisent la sagesse collective de l’humanité, quand l’homme se croit tout puissant et s’octroie la place des dieux, cela finit mal. Réveillons-nous avant.