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Enjeux

Oser le leadership partagé

Enjeux | LA CHRONIQUE DE MERYEM LE SAGET, CONSEIL EN ENTREPRISES À PARIS. <> | publié le : 03.04.2012 |

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Oser le leadership partagé

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Dès que l’on avance le terme de leadership partagé, les sourcils se froncent. Comme s’il nous était impossible d’imaginer un autre schéma que le traditionnel binôme “un projet – un responsable” ou “un service – un directeur”. Et pourtant, il existe des ­communautés qui se réinventent en décidant de leur avenir ensemble, des orchestres qui fonctionnent sans chef, des personnels médicaux, managers et médecins qui construisent une vision commune de leur hôpital et aboutissent à des solutions de qualité pour leurs patients. Alors, et l’entreprise ? L’idée de partager le leadership fait peur, parce qu’elle est associée à celle de perdre du pouvoir, de diluer les décisions ou de multiplier les réunions inefficaces. Donc forcément de réduire la performance. En fait, c’est l’inverse qui se produit.

Plus le monde est complexe, moins la figure du leader héroïque et seul décideur constitue la réponse adaptée. De nombreuses recherches ont montré que la pratique du leadership partagé dans une équipe ou un service est même un bon paramètre permettant de prédire le succès d’une opération de changement. En effet, on a besoin des perspectives de chacun et de la motivation de tous pour innover, trouver des solutions et réaliser les transformations nécessaires. Édith Luc, experte en leadership partagé et professeur à HEC Montréal a longuement étudié le sujet*. Pour elle, « le leadership partagé est un processus d’influence multilatéral, dynamique et réciproque entre des personnes en vue d’atteindre un but commun, et qui demande la contribution du leadership de chacun ».

Évidemment, cette forme un peu particulière de leadership – qui heureusement s’enseigne et s’apprend – a certaines caractéristiques. Chaque membre comprend les enjeux, les défis à relever et les ressources à disposition ; chacun partage l’objectif ou la vision commune ; tous les acteurs assument avec cœur leurs rôles et responsabilités, clairement définis dans le cadre du projet, et acceptent d’être redevables de leurs actions face aux autres ; ils entretiennent entre eux un climat de confiance qui devient une véritable force, un capital qui les unit au service de l’efficacité collective ; dans leurs interactions, ils pratiquent un « dialogue de niveau supérieur », c’est-à-dire centré sur le but commun et la recherche de solutions, en tenant compte des multiples perspectives en présence. Ce sont donc des conversations matures et de qualité, qui dépassent les considérations interpersonnelles présentes dans des échanges classiques.

La dynamique ainsi créée est très motivante pour les acteurs. Car elle constitue pour eux un tremplin pour grandir. Effectivement, dans le vécu du leadership partagé, chacun développe et actualise en permanence son leadership, pour être en mesure de donner le meilleur de lui-même dans une variété de situations (parfois dans un rôle de meneur, parfois en contributeur ou en soutien, mais toujours au service de la réalisation commune); chacun apprend également à élargir son regard et prendre en considération toutes les parties prenantes d’une problématique. À l’inverse du spécialiste qui creuse uniquement le sillon qui le concerne, le membre d’une équipe fonctionnant en leadership partagé pratique « l’apprentissage en T »: il approfondit et élargit de façon transverse, les deux à la fois, afin de développer une compréhension systémique plus complète de la réalité. Le résultat est non seulement efficace mais très enrichissant.

Sans éliminer le pouvoir du chef, le leadership partagé, davantage transversal et coopératif, en est complémentaire. Pour reprendre une formule d’Édith Luc, dans cette forme de leadership, « ce n’est pas le leader qui mène le groupe, c’est le but commun ».

* Le Leadership partagé, 2e édition, Les Presses de l’Université de Montréal, 2010.