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Pratiques

Une totale reconversion

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 27.03.2012 | L. P.

Souvent écorné par les médias, Bosch Vénissieux est désormais vantée comme un modèle de reconversion industrielle. Deux ans plus tôt, l’usine était appelée à fermer.

« On ne sent plus l’odeur de l’huile, ici. Ce n’est pas normal ! » Debout dans le vaste atelier neuf du site Bosch Vénissieux, des salariés se chambrent en attendant les discours des directeurs de Robert Bosch France et de la division Énergie solaire du groupe, venus inaugurer la plus grande usine d’assemblage de panneaux photovoltaïque de l’Hexagone, érigée en seulement huit mois. L’ambiance est aussi à la solennité. Depuis le matin, le ballet des clients potentiels – on parle de 120 prospects – témoigne de l’enjeu de ce renouveau. Car l’usine devra aussi commercialiser sa production (jusqu’à 2 000 modules solaires par jour), ce qu’elle n’avait jamais fait pour son ancienne production de pompes à injection diesel, vendues à PSA.

Sans aide publique

Le 16 mars 2012 restera, dans les annales de cet établissement, comme le départ d’une reconversion totale engagée sans aide publique, grâce au dialogue social et à la politique industrielle d’un groupe non coté en bourse, détenu par une fondation qui réinvestit ses profits dans la R & D. Bosch Vénissieux n’en est plus à un symbole près. En 2005, elle a été l’emblème de la remise en cause des 35 heures, après que la CFDT a proposé de réviser l’accord d’aménagement du temps de travail pour capter un investissement productif prévu en République tchèque. Soumise à un référendum, la pérennité du site s’était jouée au prix de six jours de RTT par an et d’un épuisant bras de fer de dix-huit mois entre la CGT et la CFDT (majoritaire).Survient la crise automobile. Bosch forme plutôt que de licencier, mais l’effectif continue de diminuer. Un nouveau plan de départs volontaires débouchera sur 80 préretraites et 50 reconversions. Le sort du site semble même scellé en décembre 2009, dans une brasserie parisienne. Le leader CFDT de l’usine, Marc Soubitez, y rencontre confidentiellement le président de Robert Bosch France, Guy Maugis, qui lui annonce que le groupe fermera l’usine.

Ailleurs, les conflits se sont radicalisés. Les salariés menacés de Molex, de Caterpillar, de 3M et de Continental ont défrayé la chronique en brûlant des palettes ou en séquestrant des cadres dirigeants. Quand Marc Soubitez demande une audience au numéro un de Bosch, Franz Fehrenbach, les inquiétudes à Vénissieux n’ont pas pris la même tournure. Plus tard, au plus fort du doute, 11 salariés partiront plaider leur cause jusqu’au siège de Stuttgart… à vélo. « La pondération dont ont fait preuve les salariés nous a aidés », assure le cédétiste. La direction du groupe installe très vite une commission ad hoc, à laquelle participe Dominique Olivier, le DRH de Robert Bosch France : « Elle avait vocation à chercher des solutions industrielles internes ou externes à Bosch. Aucune n’apparaissait évidente au sein du groupe, qui accusait des pertes historiques de plus de 100 millions d’euros par mois, depuis la mi-2008. »

La piste solaire sera suggérée par le cabinet Syndex, désigné par les syndicats pour accompagner la commission. Son expert, Emmanuel Paillet, retient que la division énergie solaire de Bosch investit massivement (près de 600 millions d’euros en trois ans) pour son site amiral d’Arnstadt, dans l’est de l’Allemagne. Un relais de croissance en France permettrait d’attaquer un marché balbutiant et de réduire les distances avec la clientèle du sud de l’Europe et du Maghreb. Le syndicat IG Metall lui fournit les données clés pour sa démonstration. Le sauvetage sera décidé le 9 décembre 2010. « Je ne me rappelle pas avoir vécu une telle situation, commente Armin Knust, délégué IG Metall. Nous sommes à la fois dans le cas d’un changement d’activité, de secteur, de marché de destination et de circuits de distribution. » Dans l’usine, les diri­geants formulent leurs vœux de succès aux salariés reconvertis dans l’assemblage de modules photovoltaïques, partis pour un grand nombre se former en Alle­magne durant l’été 2011. Guy Maugis espère voir la pleine mesure de l’usine dès le mois de juillet, tandis que Jürgen Pressl, porte-parole de Bosch Solar Energy, professe que « l’époque des énergies fossiles est révolue ».

Avenir industriel

Serge Truscello, délégué CGT, attend de voir : « La production de panneaux doit servir à ancrer l’avenir industriel du site. Mais le secteur dépend trop de l’incertitude politique autour des énergies solaires. De plus, on n’oublie pas d’où l’on vient. » Une allusion à l’abandon des 35 heures et aux pertes d’emplois. « Nous étions 840 en 2002, 420 aujourd’hui », rappelle-t-il. Parmi eux, 200 sont dédiés aux nouvelles productions.

Les 220 salariés restants se répartissent entre plusieurs groupes. Une équipe de 90 ouvriers, qui poursuit l’usinage de pompes traditionnelles pour un donneur d’ordres russe. Une trentaine d’autres sont prêtés au voisin Bosch Rexroth (composants hydrauliques pour les engins de levage), appelé à fusionner (lire ci-contre). Viennent enfin les services support et connexes à la production, partagés entre les 2 établissements. Un jumelage bien venu, lorsqu’il a fallu compenser les variations d’activité de ces huit derniers mois.

APRÈS LA MODERNISATION DE L’USINE, LE CHANTIER SOCIAL

La clôture qui séparait les 2 établissements est tombée à la fin de l’été. Chacun se prépare à l’idée que Robert Bosch Vénissieux et Bosch Rexroth fusionnent. Le directeur de Vénissieux, Marc Baeumlin, qui supervise désormais les 2 usines, parle en conférence de presse d’un effectif global d’un millier de salariés. Le rapprochement est concret. Outre le prêt de personnel (30 usineurs actuellement chez Rexroth), utilisé pour compenser les écarts d’activité, les services support ou connexes à la production ont été regroupés : RH, logistique, achats, qualité… La DRH ouvre à présent le dossier de l’harmonisation des statuts. Un sujet délicat : la référence au temps de travail est de 36 heures hebdomadaires chez Bosch Vénissieux, contre 32 heures chez Bosch Rexroth.

Auteur

  • L. P.