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Enquête

LE DÉBAT SE CONCENTRE SUR LE HAUT ET LE BAS DE L’ÉCHELLE

Enquête | publié le : 27.03.2012 | C. F.

Les candidats à l’élection présidentielle évoquent alternativement les hausses possibles des bas salaires et la limitation des rémunérations des dirigeants d’entreprise.

En France, la moitié des salariés gagnent moins de 2 000 euros brut par mois. La hausse du pouvoir d’achat pour les plus modestes est donc un sujet central de la campagne. François Hollande pose le principe d’une hausse annuelle du smic à un niveau équivalent à la moitié de la hausse du PIB. Si la ­croissance augmente d’un point sur une année, le smic progresse de 0,5 point, a-t-il illustré. Ce coup de pouce s’ajouterait à la hausse automatique du salaire minimum en cas d’inflation (égale à l’inflation hors tabac plus 50 % de la hausse du pouvoir d’achat du salaire horaire de base ouvrier). Une récession n’induirait pas une dévalorisation du smic. François Hollande veut mettre cette question au menu d’une conférence sociale, réunie avant les élections législatives.

Relance de l’économie

Le candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, a promis pour sa part une hausse immédiate du salaire minimum à 1 700 euros brut, qui correspond au niveau souhaité par la CGT. Il serait ensuite porté à 1 700 euros net pendant la législature. Il considère que cette forte hausse permettra d’assurer une relance de l’économie.

Dans ce domaine, l’économiste Gilbert Cette, de l’université de la Méditerranée, invite les candidats à se montrer prudents : « Une forte hausse du smic comporte 2 dangers : un accroissement du chômage parce que le coût du travail devient trop élevé, ou une dépense publique qui augmente pour neutraliser les charges sur les bas salaires qui deviennent trop élevées. » Il n’est néanmoins pas opposé à ce que la formule d’augmentation, qui date de quarante ans, soit revisitée, mais déplore que le salaire médian augmente moins vite que le smic. « Un peu comme on a fait pour les salaires hommes-femmes, on pourrait imaginer que les branches ou les entreprises se fixent des objectifs pour faire sortir un pourcentage de salariés du smic chaque année », estime-t-il, en citant une étude de la direction générale du Trésor de 2009, qui constate que 20 % des smicards ont dix ans d’ancienneté.

Nicolas Sarkozy a présenté une autre piste : réduire les charges sociales des salariés pour augmenter les salaires de 7 millions de personnes dont les rémunérations se situent entre 1 et 1,3 smic. Pour compenser cette dépense (4 milliards d’euros), il propose de supprimer la prime pour l’emploi (PEE), un crédit d’impôt accordé aux salariés modestes depuis 2003 et qui s’élève à 2,5 milliards d’euros. Une nouvelle taxe sur les dividendes permettrait de compléter le budget (1,5 milliard d’euros). D’après le quotidien Les Échos, pour un salarié touchant le smic, le gain serait de 840 euros net par an. Il serait ensuite dégressif jusqu’à 1,3 smic. La disparition de la PEE, en revanche, provoquerait une perte de revenus pour les familles monoparentales ou percevant le RSA.

Perte de pouvoir d’achat

Pour Yannick L’Horty, professeur d’économie à Paris-Est, cette proposition comporte le risque de « bloquer les salaires », car un salarié n’aura pas intérêt à accepter une augmentation au-delà du seuil d’exonération de charges. « Et la prime pour l’emploi étant versée jusqu’à 1,4 smic, les salariés dont les revenus se situent entre 1,3 et 1,4 smic vont perdre du pouvoir d’achat si le dispositif mis en place ne prévoit rien pour y remédier. »

Pour augmenter les rémunérations les plus modestes, Marine Le Pen promet d’augmenter de 200 euros net « tous les salaires » allant jusqu’à 1,4 smic en diminuant les cotisations sociales. Une contribution sociale à l’importation permettrait de financer cette mesure.

Les candidats ont enfin multiplié les déclarations sur la rémunération des dirigeants d’entreprise. Pour lutter contre les excès, François Hollande et Jean-Luc Mélenchon jouent sur la fiscalité. Le candidat du Front de gauche souhaite en outre que les salaires ne puissent pas aller au-delà de 20 fois le salaire médian.

Une plus grande Transparence

Nicolas Sarkozy propose d’interdire les retraites chapeaux et les parachutes dorés. Il plaide pour une plus grande transparence : les plus hautes rémunérations devront être votées en assemblée générale d’actionnaires, publiées dans les documents légaux des entreprises. Les comités de rémunération des conseils d’administration devront systématiquement inclure un représentant des salariés.

Dans le même esprit, François Bayrou souhaite ouvrir aux salariés les conseils d’administration et les comités de rémunération. Pour limiter les excès, il prévoit d’exclure les rémunérations au-delà de 50 fois le smic des charges déductibles de l’impôt sur les sociétés. Il propose, enfin, de limiter l’usage des stock-options aux start-up.

Égalité professionnelle : des sanctions à l’horizon

Rien n’y fait, malgré une profusion de textes législatifs depuis… 1972. L’égalité professionnelle est loin d’être entrée dans les pratiques : les femmes ont une rémunération inférieure de 27 % en moyenne à celle des hommes – 19,2 % pour les seuls temps complets. En effet, selon l’Insee, 31 % des femmes travaillent à temps partiel, pour 7 % des hommes. En attendant de mesurer les effets de la loi votée lors du dernier quinquennat* – qui prévoit de pénaliser financièrement (1 % de la masse salariale) les entreprises n’ayant pas conclu d’accord sur l’égalité professionnelle ni établi de plan d’action – que proposent les principaux candidats pour faire avancer l’égalité hommes-femmes ?

La plupart d’entre eux se situent dans la même logique et brandissent la menace de la sanction pécuniaire : il faut des « pénalités financières dissuasives et effectives » pour « régler la question » des « discriminations salariales », estime François Bayrou ; « ni subvention, ni exonération, ni marché public » pour les entreprises qui « n’assurent pas une égalité salariale effective », promet Eva Joly ; « sanctions renforcée », dans le programme de Jean-Luc Mélenchon, qui veut faire de l’égalité professionnelle un objet de négociation annuelle dans les branches et les entreprises.

François Hollande parle, quant à lui, de la « suppression des exonérations de cotisations sociales ». Une idée développée dans une proposition de loi socialiste, adoptée le 16 février par le Sénat. Le texte prévoit que « l’entreprise qui ne sera pas couverte par un accord relatif à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, à la date du 1er janvier 2013, perde le bénéfice des exonérations de cotisations sociales et des réductions d’impôts qui lui sont, le cas échéant, applicables ». Et l’absence de rapport de situation comparée soumis à la consultation du CE serait « sanctionné par une pénalité d’un montant fixé à 1 % de la masse salariale ».

Le candidat socialiste a aussi évoqué la création d’un ministère des Droits des femmes, chargé de veiller notamment à l’application effective des règles d’égalité. Idée que l’on retrouve dans le programme d’Eva Joly et de François Bayrou, qui se sont prononcés pour la création d’un ministère de l’égalité.

Enfin, pour lutter contre la précarité au travail et le temps partiel subi, Eva Joly veut que, dans les cas où les contrats sont inférieurs à un mi-temps, chaque heure travaillée soit majorée d’une prime salariale. Jean-Luc Mélenchon propose la « création d’un droit automatique à temps plein pour les temps partiels ».

* Loi du 9 novembre 2010.

Auteur

  • C. F.