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Enquête

JOUER SUR LE COÛT DU TRAVAIL POUR SOUTENIR L’EMBAUCHE ET LA COMPÉTITIVITÉ

Enquête | publié le : 27.03.2012 | E. S.

Pacte générationnel, emplois sans charges, réduction des cotisations… Pour inciter les entreprises à créer des postes, les candidats s’attaquent au coût du travail, mais selon des modalités différentes.

Il y a bien Jean-Luc Mélenchon qui, comme Nathalie Arthaud ou Philippe Poutou, promet la suppression des exonérations patronales – le programme du Front de gauche prévoyant toutefois de les moduler pour les entreprises socialement vertueuses. Les autres candidats, eux, ne semblent pas vouloir remettre en question l’architecture des exonérations Fillon.

Toutefois, François Hollande envisage de les réorienter pour y adjoindre des contreparties en termes d’emplois et financer ainsi son fameux contrat de génération. La mesure phare du candidat socialiste repose sur le principe suivant : un employeur qui embauche un jeune en CDI et maintient dans l’emploi un senior de plus de 55 ans chargé de lui transmettre son savoir-faire, bénéficie d’exonérations de cotisations sociales sur les 2 salaires. Ceci pendant cinq ans ou jusqu’aux 30 ans du jeune. « Il s’agit d’un dispositif incitatif pour permettre aux entreprises de préparer la relève et de sécuriser l’entrée des jeunes dans le monde du travail », défend Laurianne Deniaud, conseillère jeunesse de François Hollande.

Exonération de charges

Encore faut-il que les entreprises jouent le jeu. François Hollande a prévu 500 000 contrats de génération, pour un coût qu’il estime à environ 2,3 milliards d’euros par an. Cette somme pourrait être dégagée en abaissant à 1,4 smic le seuil d’exonération pour les entreprises de plus de 50 salariés n’ayant pas conclu d’accord sur l’emploi des jeunes et des seniors.

Toutefois, le mécanisme d’exonération, comme d’autres (taille des entreprises concernées, modalités de rupture du contrat, niveau de diplôme des jeunes, suivi, etc.) devrait être soumis à la négociation entre les partenaires sociaux.

Par ailleurs, François Hollande s’est prononcé pour une exonération de charges pour l’embauche de jeunes domiciliés dans les quartiers prioritaires.

François Bayrou propose, lui, de financer, pour les entreprises de moins de 50 salariés, un emploi sans aucune charges pendant deux ans. Celui-ci serait réservé à l’embauche, en CDI, d’un jeune dont ce serait le premier emploi, ou d’une personne au chômage, et conditionné au fait qu’il n’y ait pas eu « préalablement suppression de poste de travail ». Le candidat du Modem estime le coût de cette mesure à 2 milliards d’euros, qu’il compense par la suppression de l’exonération fiscale des heures supplémentaires. Nicolas Sarkozy, pour sa part, a réactivé une mesure inscrite dans la loi sur les retraites, en proposant d’exonérer de charges sociales l’emploi, en CDI ou en CDD de plus de six mois, d’un chômeur de plus de 55 ans. Cette mesure – qui avait été remplacée par une aide forfaitaire de 2 000 euros pour l’embauche d’un “plus de 45 ans” en contrat de professionnalisation – s’appliquerait non plus seulement sur douze mois, comme le prévoyait la loi, mais de manière permanente.

“Antidélocalisation”

Sur le plan structurel, le président sortant martèle son objectif de faire baisser le coût du travail. Lequel s’est traduit dans la dernière réforme de son quinquennat par la TVA dite “anti-délocalisation”. Le texte, adopté le 29 février au Parlement, prévoit la suppression des 5,4 % de cotisations patronales familiales jusqu’à 2,1 smic, puis une réduction dégressive jusqu’à 2,4 smic. Cette mesure doit « redonner de la compétitivité à nos entreprises et faciliter les embauches », assure l’UMP. Valérie Pécresse, ministre du Budget, avait même affirmé que la mesure entraînerait entre 75 000 et 120 000 créations d’emplois.

Hausse de la TVA

À condition toutefois que la hausse de la TVA ne pèse pas trop sur la consommation comme le craignent certains économistes : la taxe augmentera de 1,6 point pour compenser – avec la hausse des prélèvements sur les revenus du capital – le manque à gagner pour l’État de ces allègements de charges, soit 13 milliards d’euros. Le mécanisme s’appliquera en octobre prochain, du moins si Nicolas Sarkozy est réélu, François Hollande ayant promis d’abroger la mesure s’il accède à l’Élysée.

À TOULOUSE, DES BINÔMES JEUNES-SENIORS CRÉENT DE L’EMPLOI

Les contrats de génération, Corinne Cabanes y croit : « Incontestablement, cela peut créer des emplois et éviter d’en détruire », estime la secrétaire générale du Réseau d’emploi durable (RED), à Toulouse. Ce réseau d’entrepreneurs bénévoles défend depuis 2008 l’emploi de tandems jeunes-seniors dans les entreprises. « Ce dispositif, qui nécessite une forte mobilisation de tous les acteurs de terrain, est un accélérateur de compétences. Il évite que des seniors démotivés partent, permet à des jeunes d’avoir rapidement du travail et favorise l’emploi dans les territoires. » Parmi les expériences lancées par le réseau RED, celle d’Airbus, où des seniors de l’entreprise ont du temps libéré pour former des apprentis ou des jeunes diplômés à leur futur métier mais aussi au “savoir-être” dans l’entreprise. Le réseau a aussi, avec l’IUMM, créé un pool de seniors qui intervient dans plusieurs entreprises pour former une quinzaine de jeunes fraîchement recrutés.

PHV, une PME spécialisée en peinture de haute voltige, vient d’embaucher 20 jeunes. Ils sont actuellement formés, via la POE, à intervenir sur des pylônes à haute tension par des seniors de l’entreprise. « Ces derniers, qui ne se voyaient pas continuer aussi intensément leur activité, ont retrouvé une nouvelle trajectoire, affirme Corinne Cabanes. C’est aussi un bon moyen de faire de l’insertion, car les jeunes recrutés n’ont pas besoin d’un niveau d’études élevé. » Au-delà, cette expérience est « peut-être celle qui démontre le mieux l’intérêt de notre démarche pour l’emploi territorial. Car PHV, qui a une croissance de 40 % de son activité, pensait recruter à l’étranger, ne trouvant pas les compétences sur place. Grâce à ce projet, construit avec la Direccte, Pôle emploi et les missions locales, nous avons favorisé l’emploi local ». De cette expérience, est également né le projet d’ouvrir, en 2013, une école sur ces métiers particuliers.

CAROLINE FORNIELES

Auteur

  • E. S.