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Pratiques

Les salariés ont appris à apprendre

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 06.03.2012 | FLORENCE ROUX

Lancées en mai 2010 chez le transporteur et logisticien spécialiste du froid, sur cinq sites pilotes en France, les formations à l’expression écrite et orale et au calcul devraient se généraliser en 2016 à tous les sites de France, d’Espagne et de Belgique.

En mai 2010, Stef-TFE, transporteur et logisticien spécialiste du froid (15 000 salariés, 2,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires), a lancé une formation aux savoirs fondamentaux (expression écrite, orale et calcul) sur 5 sites pilotes en France. « Nous étions déjà sensibilisés à la problématique de l’illettrisme, mais nous voulions aller plus loin et proposer une offre de formation dans le cadre du DIF », explique Jean-Yves Chameyrat, DRH du pôle transport du groupe (8 500 personnes). « Chez les agents de quai ou les conducteurs, par exemple, l’évolution technologique induit une forte exigence dans la manipulation de la langue, relève Véronique Vagne, directrice du pôle de développement RH du groupe, pilote du projet. Certains avaient besoin d’un coup de pouce. »

Ne pas stigmatiser

En 2009, le transporteur avait engagé une réflexion avec l’organisme de formation Methodia, spécialiste de l’accompagnement scolaire venu peu à peu sur le terrain de l’entreprise. Le parti a été pris de communiquer de manière « indifférenciée » pour « ne stigmatiser personne ». Pas de blouses ni de bleus de travail sur les affiches d’information, mais des personnages neutres, « pour viser tous les métiers, assure Sylvain Ferrand, chargé du programme Stef-TFE chez Methodia. Dans une autre entreprise, nous avions expérimenté le repérage par le manager de proximité lors des entretiens annuels. Sans grand succès : trop peu de candidats ont osé se former ».

Bilan confidentiel

« La communication globale nous a permis de toucher beaucoup de monde, se félicite Jean-Yves Chameyrat. Dont des personnes qui ont eu un accident de parcours ou qui ont oublié certains savoirs de base par manque de pratique. »

Sur chaque site pilote, une réunion de lancement est d’abord organisée avec le directeur, le RRH, la responsable projet du groupe et l’organisme de formation. Celui-ci intervient ensuite en comité de direction et en CE, avant des réunions avec des groupes salariés, dans tous les services, de jour comme de nuit. « Ça a fait tilt : pourquoi ne pas améliorer mon français ? se rappelle un salarié chef de quai. Je suis venu d’Espagne à 22 ans, j’ai toujours réussi à progresser dans l’entreprise et je me débrouille bien. Mais je n’avais jamais pris de cours de français. » Après avoir reçu un courrier avec leur bulletin de salaire, 15 % des salariés des sites pilotes, au lieu des 10 % escomptés, se sont finalement inscrits à un bilan. Confidentiel et individuel, celui-ci comporte des tests de maths et de français, et une évaluation du rythme et du mode d’apprentissage de chacun.

Les résultats révèlent que peu de personnes sont du niveau 1 (analphabétisme), tandis que 80 % des effectifs correspondent aux niveaux 2 et 3 (difficultés récurrentes, pouvant signifier des “blancs” dans l’apprentissage). Les candidats des niveaux 4 et 5 ont des lacunes plus ciblées, en orthographe ou en maths, pour le calcul des pourcentages, par exemple.

Les formations de 30 heures, en individuel pour le niveau 1, en groupe pour les autres niveaux, se déroulent pendant les horaires de travail, jour ou nuit. Elles s’appuient sur des exercices classiques et des travaux appliqués avec des supports du quotidien (bons de livraison, factures, courriers…).

« Les supports sont à 60 % professionnels et à 40 % pédagogiques, précise Sylvain Ferrand. Il s’agit d’apprendre à apprendre, pour gagner en autonomie au travail. » À l’issue de 30 heures, tous les candidats formés passent un bilan intermédiaire. La majorité a engagé une seconde série de cours en 2011.

Un atout pour la vie

Le salarié chef de quai bénéficiaire de ce cursus estime avoir « gagné du temps dans la rédaction de petites notes, et pouvoir donner un coup de main à sa fille en français et plus seulement en maths ». « Cette formation est un atout pour la vie professionnelle et personnelle », convient Véronique Vagne.

Le dispositif a été étendu à 18 sites en 2011, et devrait l’être à tous ceux de France, d’Espagne et de Belgique en 2016. Il pourrait également impulser une dynamique de VAE.

Auteur

  • FLORENCE ROUX