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AllemagneLES PORTES S’ENTROUVRENT À L’IMMIGRATION QUALIFIÉE

Pratiques | International | publié le : 06.03.2012 | MARION LEO

Face à la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, l’Allemagne multiplie les mesures pour attirer les chômeurs diplômés du sud de l’Europe et les travailleurs hautement qualifiés de pays tiers. Des mesures pertinentes mais insuffisantes, selon les experts.

Fini, l’époque où la création d’une “carte verte” par le chancelier Gerhard Schröder, pour faire venir en Allemagne 30 000 informaticiens indiens très qualifiés, déclenchait un tollé outre-Rhin : c’était en 2000. Confronté à une pénurie de plus en plus forte de main-d’œuvre qualifiée, sous le double effet du vieillissement de la population et de la forte croissance, le pays s’ouvre pas à pas, mais résolument. Il n’a guère le choix : d’ici à 2030, près de 6 millions de travailleurs devraient faire défaut sur le marché de l’emploi, selon l’Agence fédérale de l’emploi. En octobre 2011, elle recensait 240 000 postes vacants dans les secteurs scientifiques et techniques. De quoi mettre en péril, à terme, la compétitivité et la prospérité du pays.

Face à ce défi, l’Allemagne mise aujourd’hui notamment sur les chômeurs diplômés des pays du sud de l’Europe, sinistrés par la crise : l’Espagne, le Portugal, la Grèce.

Une offre pour les PME

« Il y a un très gros potentiel en Espagne où des milliers d’ingénieurs et de spécialistes IT sont au chômage », affirme Monika Varnhagen, directrice de la centrale pour le placement des salariés étrangers (ZAV). Rattaché à l’Agence fédérale pour l’emploi, cet organisme y mène une importante campagne d’information et de recrutement depuis l’été dernier. Il aide aussi les entreprises à recruter des diplômés étrangers en publiant leurs offres d’emploi sur les bases de données du réseau européen Eures, en effectuant une première sélection de candidats et en leur permettant de les rencontrer lors de salons de l’emploi sur place. « En novembre et décembre derniers, entre 15 et 25 entreprises nous ont accompagnés lors de salons en Espagne puis en Grèce, explique une porte-parole de la ZAV. Notre offre s’adresse surtout aux PME qui ne disposent pas, comme les grandes entreprises, d’un service du personnel en mesure de mener leur propre politique de recrutement à l’étranger. »

Les efforts de la ZAV commencent à porter leurs fruits. En quelques mois, près de 17 000 Espagnols se sont informés sur les possibilités de venir travailler en Allemagne. Mais le nombre de contrats signés reste faible. Principal obstacle : la langue, souvent mal maîtrisée. Mais l’Allemagne commence à faire rêver : la fréquentation des cours d’allemand progresse de 25 % dans les Instituts Goethe en Espagne.

Les efforts portent également sur les travailleurs qualifiés originaires de pays tiers, vivant en Allemagne ou à l’étranger. En mars 2011, le gouvernement a d’abord adopté un projet de loi visant à faciliter et à accélérer la reconnaissance de diplômes étrangers. Cette loi, qui entrera en vigueur au 1er avril 2012, devrait bénéficier à environ 300 000 travailleurs qualifiés déjà installés outre-Rhin. Le 7 décembre 2011, le gouvernement a ensuite transposé, avec six mois de retard, la directive européenne 2009/50 sur la carte bleue européenne.

Professions sinistrées

À l’avenir, les diplômés des pays tiers ne devront plus justifier d’un salaire annuel de 66 000 euros pour obtenir un permis de séjour provisoire, mais de 44 000 euros et de 33 000 euros dans 60 professions déclarées “sinistrées” (ingénieurs, médecins, etc.). Les diplômés d’universités allemandes, originaires de pays tiers, seront également épaulés dans leur recherche d’emploi et bénéficieront d’un permis de travail sans restriction pendant un an, après l’obtention du diplôme.

Selon de nombreux experts, ces décisions sont pertinentes, mais insuffisantes. Klaus Zimmermann, directeur de l’IZA (Institut sur l’avenir du travail), plaide pour la création d’un système dont l’objectif serait de faire venir en Allemagne des travailleurs étrangers qualifiés, de façon ciblée, en fonction des besoins du marché. Ils seraient évalués grâce à un système de points accumulés selon leurs diplômes, leurs connaissances linguistiques, leurs expériences, etc., qui leur permettraient ensuite d’obtenir des permis de travail et de séjour. « L’Allemagne a besoin d’une immigration gérée en fonction de ses besoins, selon des critères clairs », souligne le directeur de l’IZA, citant en exemple le système à points en vigueur au Canada.

Auteur

  • MARION LEO