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Coup de frein sur les salaires

Actualités | publié le : 28.02.2012 | CAROLINE FORNIELES

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Coup de frein sur les salaires

Crédit photo CAROLINE FORNIELES

Les négociations annuelles obligatoires (NAO) sont en cours dans beaucoup d’entreprises. Dans un climat morose, elles paraissent moins conflictuelles que les années précédentes, malgré des budgets d’augmentation très mesurés, qui ne compenseront pas partout l’inflation.

Les DRH, dont beaucoup annonçaient un budget prévisionnel d’augmentation des salaires de 3 % avant la crise financière de l’automne, mettent donc le pied sur le frein : la progression en 2012 sera proche de celle 2011, soit autour de 2,5 %. C’est en tout cas ce que constatent auprès de leurs clients, fin janvier, les responsables des études rémunération des cabinets de conseil. Chez Aon Hewitt, Vincent Cornet table sur une hausse de 2,7 % : « 60 % des entreprises ont un budget identique à 2011, 30 % un budget plus réduit et 10 %, seulement, envisagent un budget en augmentation. »

Modération dans tous les secteurs d’activité

Bruno Rocquemont, de Mercer, table sur 2,5 % et constate que cette modération touchera tous les secteurs. Dassault, connu pour ses efforts en matière de politique salariale, n’accorde que 1 % d’augmentation générale (AG) et 1,3 % d’augmentation individuelle (AI) (+2,8 % pour les cadres) car de fortes incertitudes pèsent sur la vente du Rafale. Même le secteur agroalimentaire, plutôt préservé par la crise, fait le dos rond : augmentations de 2,5 % chez Bonduelle où traditionnellement elles tournent autour de 3 %.

Même constat de 2,5 % en moyenne pour Sofia Kettani, de Towers Watson : « Les entreprises anticipent des baisses de chiffre d’affaires. Deux tiers se considèrent touchées par la crise. Un quart témoignent d’une détérioration de leur santé financière et 30 % anticipent des réductions d’effectifs ciblées et un gel ou une diminution des recrutements. »

Contrôler la masse salariale

Éternel problème pour les responsables de la rémunération : conserver la motivation tout en contrôlant la masse salariale. « Dans de telles périodes, les actionnaires exigent que les charges de personnel restent stables, précise l’avocat Sylvain Niel, du Cercle des DRH. Cela complique l’exercice des NAO. Les DRH doivent miser sur des hausses générales modérées et mettre l’accent sur les augmentations individuelles. » Towers Watson le confirme en prévoyant des augmentations collectives faibles, évaluées en moyenne à 0,7 %, et des augmentations individuelles autour de 2 %.

Bruno Roquemont y voit un effet positif de la crise : « Les entre­prises, très contraintes, cherchent d’abord à rémunérer la performance de leurs salariés sur des critères objectifs, c’est un progrès. » C’est sans doute aussi le meilleur moyen de se mettre à l’abri d’une des multiples jurisprudences prononcées depuis le fameux arrêt Ponsolle sur les inégalités de rémunération. L’élaboration de tels critères, qui ont longtemps fait défaut, pourrait d’ailleurs permettre aux managers un mode de distribution un peu plus sélectif, en évitant le “saupoudrage”. Des éléments collectifs de la rémunération peuvent aussi aider au renforcement de l’individualisation cette année : « Mettre l’accent sur les augmentations individuelles sera facilité par des versements d’intéressement et de participation plus conséquents du fait des bons résultats enregistrés en 2011 », précise Vincent Cornet.

Pour boucler la NAO tout en limitant l’effet des hausses accordées sur l’année, un certain nombre d’entreprises en retardent la date d’effet. BNP Paribas, qui a terminé la négociation, n’accorde qu’à partir d’avril la hausse collective de 0,6 % (contre 1 % en 2011). D’autres distillent l’augmentation générale sur l’année : SEB n’a augmenté les salaires des non-cadres que de 1,3 % en janvier et ajoutera un versement de 1 % en septembre. Même scénario pour La Poste (+ 0,7 % d’AG au 1er avril et + 1,4 % au 1er septembre).

Clause de revoyure

Autre stratégie utilisée : la “clause de revoyure” qui prévoit une négociation complémentaire, par exemple sous conditions d’inflation. On peut aussi renégocier si les résultats sont meilleurs que prévus. Chez Rhodia, où les augmentations générales (AG) sont de 0,8 % (pour les non-cadres), un montant d’augmentation individuelle (AI) supplémentaire a été fixé si l’objectif de résultat est dépassé : les non-cadres qui bénéficieront d’une enveloppe de 2 % en augmentations individuelles auraient alors 0,4 % de mieux ; les cadres, pour lesquels il est prévu + 2,5 %, récupéreraient une enveloppe supplémentaire de 1 %. Pour Jean-Christophe Sciberras, DRH de Rhodia et président de l’Andrh, ces stratégies témoignent « d’un sens des responsabilités des entreprises qui doivent être prudentes dans cette période d’incertitude économique ». Il rappelle d’autre part que, dans de tels contextes d’incertitude, les entreprises ont tendance à privilégier les éléments non récurrents de la rémunération, comme les primes, au salaire fixe.

Un choix opéré par Areva, qui maintient un gel des salaires en 2012, tout en proposant une prime de 500 euros à 95 % des salariés du groupe. Cette proposition a entraîné des débrayages sur différents sites sans que la direction réévalue pour l’instant sa proposition.

Gel des salaire

Le gel des salaires qui avait marqué les NAO 2099 et 2010 est assez fréquent de nouveau cette année. Il concernera notamment en 2012 les salariés de droit privé de Pôle emploi. Il a été décrété pour deux ans chez Air France. Il est aussi d’actualité pour les 9 000 salariés d’Alcatel-Lucent, qui a pourtant renoué avec les profits en 2011 (+ 1,09 milliard d’euros). « Ce gel est incompréhensible. Il concerne même les promotions prévues par la convention collective, indique Roland Tutrel, de la CFDT. Le groupe prévoit aussi des départs volontaires qui ont été au nombre de 200 en 2011. » La direction est pour l’instant restée sourde à 3 manifestations des salariés. Les syndicats prévoient de durcir le mouvement.

Les mouvements constatés début février ne font pas plier des DRH qui ont peu de marge de manœuvre. Chez Thales, les débrayages en cours n’ont pas encore permis d’aller plus loin que les propositions de la direction qui prévoit + 1,3 % d’AG et + 0,8 % d’AI pour les non-cadres et + 2,1 % d’AI pour les cadres. Le front syndical s’est rompu chez Mercedes-Benz à Valenciennes (Nord) après cinq jours de grève contre une hausse modérée de 1,4 % des augmentations collectives.

Le mécontentement reste localisé sur certains sites et le paysage demeure globalement plus serein, ou simplement morose, qu’en 2011 et 2010. Il n’est pas facile de mobiliser les salariés plusieurs années de suite, soupire Éric Pecqueur, responsable CGT de Toyota, qui déplore pourtant la faiblesse des NAO (+ 1 % d’AG et + 1,2 % d’AI) : « Relancer la grève est impossible. Nous nous sommes déjà mobilisés en avril dernier et avons obtenu un 13e mois qui sera versé aux trois quarts cette année et complètement en 2013. » Et les périodes électorales ne sont pas propices au démarrage des grèves, les syndicats étant plus attentistes. « Les salariés ont intégré les contraintes économiques et les syndicats se montrent de plus en plus responsables, un peu comme en Allemagne », analyse de son côté Jean-Christophe Sciberras.

Mais le climat social est susceptible de se détériorer plus nettement au fil de l’année 2012. La croissance de l’inflation, qui atteint déjà + 2,5 % sur douze mois, pourrait s’accroître. L’Insee a noté que le pouvoir d’achat des smicards avait diminué de 0,4 % en 2011 et prévoit une perte de 0,1 % pour tous au premier semestre.

Revendications liées à la TVA sociale

La TVA sociale promise pour le 1er octobre met aussi de l’huile sur le feu. « Dans 2 grandes entreprises, les syndicats demandent déjà une hausse supplémentaire au titre de la TVA sociale, précise Jean-Philippe Allory, directeur général d’Adding. Ils la revendiquent à différents titres : parce que la baisse des cotisations patronales donne des moyens supplémentaires et parce qu’ils anticipent une perte de pouvoir d’achat. »

« Après déjà quatre année de vaches maigres, ce climat pourrait devenir très difficile à gérer pour les DRH si aucune perspective de sortie de crise n’apparaît d’ici la fin 2012 », pronostique Sylvain Niel.

Quelles augmentations ?

→ Bonduelle : + 2,5 % (AG + AI).

→ BNP Paribas : hausse de 0,6 % des AG au 1er avril (avec un plancher de 220 euros).

→ Cargil : + 0,85 % en AG et + 0,4 % d’AI pour les salaires inférieurs à 42 000 euros par an ; + 1,25 % d’AI pour les autres.

→ Dassault : + 1 % AG et + 1,3 % AI pour les non-cadres ; + 2,8 % pour les cadres (débrayages, mais les négociations sont closes).

→ DCNS : + 2,9 %.

→ EDF : + 3,95 % (enveloppe globale).

→ Fleury-Michon : + 2,5 % (AG + AI).

→ Herta : + 2,8 % (AG + AI).

→ La Poste : + 2,1 % AG salariés de droit privé en deux temps : 0,7 % au 1er avril et 1,4 % au 1er septembre.

→ Mercedes-Benz : + 1,4 % en AG.

→ Nicoll : + 3 % en AG.

→ Rhodia : non-cadres + 0,8 % en AG + 2 % en AI (et + 0,4 % en cas de bons résultats), cadres + 2,5 % AI (+ 1 % en cas de bons résultats).

→ SEB : + 1,3 % en AG au 1er janvier et + 1 % au 1er septembre.

→ Thales : + 1,3 % AG et + 0,8 % AI pour les non-cadres ; + 2,1 % AI ingénieurs et cadres.

→ Total : + 3,4 % (AG + AI).

→ Toyota : + 1 % en AG et + 1,2 % en AI.

→ PSA : 43 euros mensuels en AG à partir de mars pour les ouvriers, Etam et cadres sans part variable. + 0,65 % à + 1,1 % en AI pour les même populations (dernière séance le 23 février, accord ouvert à la signature).

→ EADS, France Télécom-Orange, IBM : négociations non encore ouvertes.

(Sources syndicales)

Auteur

  • CAROLINE FORNIELES