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Un accord mondial, après des années de lutte

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 21.02.2012 | GUILLAUME LE NAGARD, CAROLINE TALBOT

Après plus d’un an de négociation, le groupe de restauration collective et l’IUTA, confédération mondiale du secteur de l’alimentation, ont annoncé un accord-cadre international sur le droit syndical en décembre dernier.

Et ce fut la paix des braves : l’accord-cadre international (ACI), signé le 12 décembre 2011 entre Sodexo et l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation (UITA), intervient après des années de conflit acharné entre le groupe français, 21e employeur mondial, et le Service Employees International Union (SEIU), puissant syndicat nord-américain du secteur, lui-même affilié à l’UITA. En préambule de ce document, qui garantit des droits de représentation et de syndicalisation aux quelque 390 000 salariés du groupe dans ses 80 pays d’implantation, Sodexo reconnaît « le rôle important que jouent les syndicats pour représenter les intérêts des salariés » et veut « promouvoir un dialogue social régulier et constructif au sein de l’entreprise ».

Recherche de solutions

Au regard des quelques accords-cadres internationaux existants, celui-ci – le premier du genre dans son secteur – innove par la recherche de solutions concrètes de mise en œuvre, de déploiement et de suivi. Les deux parties s’engagent notamment à assurer une réunion annuelle entre les représentants de la direction et une délégation UITA composée des représentants des organisations affiliées représentatives dans le monde chez Sodexo, mais aussi des visites locales par un émissaire de la DRH et un représentant de l’UITA. « Ce niveau de précision et de détail n’était pas présent jusqu’ici dans les accords de l’UITA, signale François Fatoux, délégué général de l’Orse, qui a répertorié les ACI existants. Les confédérations internationales deviennent plus exigeantes, mais ce caractère concret témoigne aussi du fait que l’accord est né d’un contexte très conflictuel. »

À couteaux tirés

Et, de fait, SEIU et Sodexo se livraient depuis plusieurs années une guerre à couteaux tirés sur tous les continents. Le syndicat a longtemps reproché au groupe de s’opposer par tous les moyens à la syndicalisation sur ses sites et a mené campagne aux États-Unis, mais aussi en Europe, souvent avec l’acteur sympathisant Danny Glover. De son côté, Sodexo, tout en soulignant de bonnes relations avec l’autre syndicat américain Unite Here, a dénoncé les méthodes musclées de SEIU et ses campagnes de dénigrement (lire Entreprise & Carrières n° 1025).

Il y a encore peu, les protagonistes se parlaient par avocats interposés : en mars dernier, Sodexo avait assigné le SEIU aux États-Unis, en vertu de la loi RICO, conçue dans les années 1970 pour s’attaquer à des activités mafieuses. Quelques mois plus tôt, le SEIU avait porté plainte pour discrimination syndicale auprès de l’antenne américaine de l’OCDE, la représentation européenne étant alors saisie par la CGT. Une action complétée en mai dernier par une autre plainte du SEIU auprès du National Labor Relations Board (NLRB), l’organisme fédéral américain en charge des relations de travail entre employeurs et salariés. C’est dire que la négociation de l’ACI, qui a duré plus d’un an, a connu un certain nombre de stop-and-go. « Fin 2010, l’accord-cadre était déjà assez avancé, selon Jean-Michel Dupire, négociateur et responsable à la CGT du commerce. Certes, nous avions encore des débats au sein de l’UITA sur ce que nous pouvions améliorer. Mais c’est Sodexo qui a décidé de geler la négociation, compte tenu du conflit qui l’opposait à SEIU. »

Tractation discrète

Une autre tractation, plus discrète, a progressé en parallèle. À la mi-septembre 2011, petit coup de théâtre : Sodexo et le SEIU signent officiellement un accord de paix, dont les clauses restent mystérieuses. « Le texte est confidentiel », insiste Renée Asher, porte-parole du syndicat. Pas question d’expliquer les dessous de la négociation. Unite Here, parfois adversaire du SEIU sur les sites servis par Sodexo, n’a pas réagi à l’annonce, mais les 2 organisations ont aussi cessé leur conflit. Et le site Internet du syndicat, “Nettoyer Sodexo”, a disparu.

Ron Oswald, secrétaire général de l’IUTA, était en contact avec Sodexo depuis cinq ans et négociait plus concrètement avec son Pdg, Michel Landel, depuis fin 2010. Mais c’est la fin des hostilités entre SEIU, Unite et Sodexo qui lui a permis de conclure son accord international en décembre dernier. « J’ai travaillé avec une équipe de 12 syndicalistes représentant les différents marchés du groupe, dit-il. Il y avait les 2 syndicats américains – SEIU et Unite –, des Anglais, des Français et des envoyés des pays nordiques. »

Le point le plus difficile a porté sur « la neutralité de Sodexo vis-à-vis de ses clients », se souvient Ron Oswald : « Comment, dans la pratique, l’entreprise allait-elle laisser les militants du syndicat informer les personnels et les inviter à se syndiquer, alors que le géant de la restauration collective et du nettoyage industriel travaille sur les sites de ses clients ? » Les 2 parties ont donc convenu de rencontres en dehors du lieu de travail. La première réunion de suivi doit avoir lieu courant mars. Les conditions ne sont pas idéales, notamment en Inde, selon Ron Oswald, qui conclut : « C’est maintenant que le vrai travail commence. »

D’autres difficultés sont signalées en Colombie et en République dominicaine. Problème : on n’y recense pas de syndicats qui soient affiliés à l’IUTA. C’est l’une des limites de l’accord qui concerne les seuls adhérents de cette confédération internationale. Du côté de la direction du groupe, on continue manifestement à marcher sur des œufs : pas un mot concernant l’accord, sur lequel l’entreprise a brièvement communiqué*, avant cette première réunion de suivi.

* <http://www.info-financiere.fr/upload/BWR/2011/12/FCBWR072981_20111213.pdf>

Auteur

  • GUILLAUME LE NAGARD, CAROLINE TALBOT